L'Alpha - Volume 1 : Le Clan O'Connell

Chapitre 1

Dans la vie, deux choses bien précises insupportaient Laura. La première était de se trouver au pied du mur, car avec son anxiété, il n'existait rien de pire que de se retrouver coincée dans une situation non-désirée. La seconde, c'étaient les gens à doubles faces. Elle en avait trop souvent côtoyés, et malheureusement, cette soirée ne faisait pas exception.

Le pied du mur, ce jour-là, était le dernier quart d'heure que la jeune fille venait de passer enfermée dans une salle de bain. Sa seule occupation se résumait à confirmer sa présence au monde à travers le miroir fixé au mur. Bien qu'elle finît toujours par détourner les yeux, craignant de vivre une scène semblable aux films d'horreur qu'elle aimait tant regarder. Elle se frustrait surtout du fait que le peu de maquillage qu'elle avait appliqué était en train de s'effacer. Son reflet lui léguait désormais un teint blafard et des taches de rousseur qu'un paquet de gens s'entêtait à idolâtrer, sauf elle. Étant donné qu'elle prenait rarement le temps de s'attarder à ce genre de préparation, sa déception n'en était qu'amplifiée. Qui allait bien pouvoir témoigner de l'effort qu'elle avait consacré à ce maquillage ? Elle resterait enfermée là de toute façon.

Les narines de Laura s'écartèrent quand elle prit une grande inspiration afin de ne pas s'énerver davantage. La seule et unique raison pour laquelle elle restait à cette fête, c'était pour apporter un soutien moral à sa sœur de cœur. Alyson, dont le petit ami prenait un peu trop ses aises avec une autre de leurs amies ; Kelly. À vrai dire, Laura la considérait bien plus comme une vague connaissance. Elle songea aussi au fait que la soirée se serait avérée plus agréable si Aly avait cessé d'imiter l'animal fascinant qu'est l'autruche. Elle refusait de voir la vérité sur l'échec que représentait sa relation amoureuse. Elle ne voulait pas voir le panneau qu'elle se prendrait en plein visage tôt ou tard.

Laura ne voulait pas se trouver là. Le premier plan qu'elle s'était fixé pour la soirée semblait loin, mais bien plus intéressant : rester chez sa grand-mère jusqu'au lendemain, bien au chaud dans sa chambre à se perdre sur les réseaux sociaux. Pour le moment, elle était contrainte de s'enfermer dans les toilettes de quelqu'un dont elle ne connaissait même pas le prénom afin de s'épargner du triangle amoureux entre Alyson, Scott et Kelly. L'état de déni dont sa meilleure amie était prisonnière faisait aussi partie de l'une des choses qui étaient susceptibles de lui faire péter les plombs à tout moment.

Laura soupira en recommençant à s'observer dans la glace. Elle s'obstinait à faire passer les minutes du mieux qu'elle le pouvait, bien que ce n'était pas très productif. C'était déjà la troisième fois qu'elle appliquait du baume à lèvres et qu'elle plaçait sa frange rousse et indomptable. Elle connaissait la pièce par cœur, même si elle n'y avait jamais mis les pieds auparavant. Elle avait eu l'occasion de tout inspecter, même les saletés incrustées entre les lignes du carrelage de couleur blanc.

La jeune fille se remit à faire les cent pas de plus bel, téléphone dans les mains. L'envie de téléphoner à sa grand-mère lui brûlait les doigts. Elle tentait d'inventer des prétextes des plus ridicules aux plus préoccupants afin de la convaincre de venir la chercher à la soirée. Pourtant, elle savait de source sûre que la dame était bien endormie dans sa maison de campagne, loin, très loin dans les montagnes de sa petite ville de paroissiens. C'était trop tard pour retourner à la maison.

À ce constat décevant, la rouquine redirigea ses yeux bleu clair vers le robinet qui persistait à échapper une larme toutes les dix secondes. La musique continuait à ne laisser qu'un petit bruit de fond, tout comme la tonne de gens qui parlaient, criaient, gémissaient. Toutes ces personnes s'amusaient, mais il fallait qu'elle subisse ce supplice.

Inspire. Expire.

Après avoir répété cet exercice une demi-douzaine de fois, elle entendit la poignée grincer. La porte de la pièce s'ouvrit à la même vitesse à laquelle son cœur sembla chuter.