Chapitre 39

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— Lily ! hurla une voix aigüe à l'autre bout du fil.

L'étudiante se raidit, mal à l'aise. Bien qu'il s'agît de sa petite sœur, Lily se trouvait encore trop dans les vapes pour encaisser de telles jubilations infantiles en ce mercredi matin.

Comme la semaine précédente, la jeune fille téléphonait à sa mère pour lui confirmer l'envoi de son contre-rendu sur son poids et ses mensurations. Cette manière de fonctionner s'était avérée plus agréable autant pour la jeune fille que pour Louise ; elle n'avait plus à la harceler d'appels et de messages à ce sujet. Lily pouvait enfin se concentrer sur ses cours. Le seul problème était que Louise avait remarqué avec joie et soupçons que celle-ci avait pris un peu presque deux kilos au cours de la semaine qui s'était écoulée. Elle n'y croyait pas ou du moins, elle avait bien hâte de la voir en vrai avant de se faire un avis.

— Allô ? s'exclama de nouveau Cathy.

— Je suis là, je suis là ! grogna l'étudiante en se levant de son lit. Et je t'entends très bien.

Comme à presque tous les matins, Laura avait déjà quitté la chambre pour se rendre en cours à l'avance. D'ailleurs, le vacarme que produisait la rouquine à son départ était souvent ce qui tirait Lily de son sommeil.

— Maman a promis de nous acheter un gâteau géant pour notre anniversaire ! ajouta la gamine, réjouie. C'est dans huit dodos, hein maman ?

Lily entendit leur mère approuver à distance.

Alors que Cathy continuait à s'adresser à Louise sans se soucier qu'elle était au téléphone, Lily mit son cellulaire en mode haut-parleur et le posa sur son guéridon afin d'avoir les mains libres pour se changer. Elle s'installa sur le rebord du lit et entama un combat contre les jambières de ses joggings pour les faire glisser de ses mollets jusqu'à ses chevilles. Ce qui ne s'avérait pas très compliqué vue la minceur de celles-ci.

— Lily ! revint la voix de sa petite sœur à travers le combiné.

— Oui, mon pou ?

— Tu veux un gâteau au chocolat ou un gâteau à la vanille ?

— C'est comme tu...

La jeune femme ne put terminer sa phrase. L'intégralité de son attention venait de se faire aspirer et diriger vers le fond de sa petite culote blanche descendue à ses chevilles. Secouée, Lily empoigna son téléphone et bredouilla :

— Je vais te rappeler.

— Hein ?

— On se parle plus tard, mon pou. (Elle raccrocha.) Mais qu'est-ce que... ?

La voix de Lily s'estompa entre les parois de la pièce avant qu'un petit rire ne vienne s'y mêler. Cette réaction d'envergure était due à la découverte d'un petit amas d'hémoglobines séchées au fond de son sous-vêtement. Aucun doute, ses menstruations étaient de retour. Et la tache sur le bout de tissus avait beau être anormalement brunâtre et petite, elle ne trompait pas la jeune fille.

Lily n'eut pas à se demander comment c'était possible. Entre les soirées qu'elle passait avec Brendon en essayant d'esquiver le moment où il lui demanderait d'être sa copine à nouveau et Anaïs qui lui préparait constamment à manger, elle avait pris du poids. Peu, mais suffisamment pour que son corps se rapproche d'un fonctionnement plus normal, d'où les saignements mensuels. Comme n'importe quelles jeunes femmes de son âge. Ses mains semblaient moins squelettiques, ses doigts plus charnus, ses ongles plus forts. Pas un grand changement à priori, mais c'était un début. Mais si cette surprise matinale rimait avec amélioration et un grand pas en avant pour la jeune fille malade, pourquoi se sentait-elle si mal ?

Il faut croire que je n'ai plus l'habitude des bonnes nouvelles, songea-t-elle avec dérision.

Elle n'avait qu'une seule envie ; appeler Brendon et lui raconter. Mais elle se persuada que ce potin inédit pouvait attendre. Elle ne voulait pas l'inquiéter en l'appelant dès potron-minet.

Elle ne savait pas si c'était l'anxiété, la joie et la peur de voir qu'elle prenait du mieux ou bien la peur de se rendre en classe sans protège dessous, mais elle décida de rester enfermée dans sa chambre. Du moins, jusqu'à ce que sa colocataire revienne lors de sa première pause de la journée.

— Ah, salut ! fit Laura en entrant, sac à l'épaule.

Lily semblait suspecte. Gênée, aussi. Assise sur son lit, emmitouflée dans ses couvertures et toujours vêtue de son pyjama. Elle osa à peine sortir les mains de sous sa couette pour la saluer.

— Est-ce que ça va ? Tu as l'air...

— Est-ce que tu aurais une serviette ? la coupa Lily.

Le front de Laura se plissa.

— Hygiénique ?

— Oui.

— Bien sûr ! répondit la rousse de sa bonté habituelle.

Elle rejoignit sa table de nuit située à gauche de son lit et elle trifouilla dans son tiroir. Lily se sentit rougir de honte lorsqu'elle revint vers elle en lui tendant une demi-douzaine de serviettes avec un sourire compatissant collé aux lèvres.

— Merci.

— Si jamais tu en as besoin la prochaine fois, il y en a plein dans mon guéridon. Ne te gêne surtout pas !

Laura alla se poser sur son matelas dans l'intention de lire un peu jusqu'à son prochain cours. Mais sans prévenir, sa coloc se mit à ricaner, l'interpellant à nouveau.

— Désolée, lança Lily. Je pensais vraiment être la dernière personne à te demander des protections hygiéniques.

— Comment ça ?

— Je n'avais pas eu mes règles depuis au moins six mois. (Laura écarquilla les yeux.) C'est un des effets secondaires quand le corps n'est pas nourri comme il le devrait.

— Ah.

L'acclamation de Laura ne sonnait pas malaisée, mais intriguée.

— Si tu as recommencé à avoir tes règles, c'est bien parce que tu vas mieux, non ? lui demanda la rousse d'une voix remplie d'espoir.

Lily haussa les épaules.

— J'imagine. En même temps, je n'arrête pas d'aller chez les parents de Brendon et sa mère passe son temps à me gaver, expliqua-t-elle d'une voix plus crispée. Mais je dois avouer que durant mes crises de bouffe, ces plats sont comme des cadeaux du ciel. Et puis, je ne peux rien refuser à Anaïs et elle le sait. Brendon aussi, d'ailleurs. Il en profite, ce p'tit con.

Laura continua d'adhérer aux dires de sa coloc dans le silence. Visiblement, elle était toujours coincée dans cette bulle, ce pied d'escale sur lequel Lucas l'avait posé et dont elle ne pouvait descendre de son propre chef.

— Comptes-tu aller travailler au café vendredi ? lui demanda Lily afin de les faire dévier sur un autre sujet. As-tu eu des nouvelles de Lucas ?

Sa coloc soupira de désarroi. Clairement, il n'avait pas rappelé.

— Il le fera, lui promit Lily avec un léger sourire. Il faut juste lui laisser un peu de temps.

— J'ai l'impression que ça fait une éternité.

— Oh, crois-moi ! Certaines personnes se permettent de prendre bien plus qu'une petite semaine pour débattre sur ce qu'ils veulent vraiment, mais ça en vaut la peine.

L'Alpha - Volume 1 : Le Clan O'ConnellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant