Chapitre 6

69 6 2
                                    

Le trajet jusqu'à l'hôpital avait semblé durer des heures. Laura n'avait pas dit un mot au chauffeur, à croire qu'elle était devenue une cliente bête comme ses pieds. Comme ce genre de personnes que la jeune fille avait eu le malheur de côtoyer quand elle était caissière dans une épicerie, à Huntsville. C'étaient ces clients désagréables à qui elle faisait face tous les jours qui l'avaient encouragée à donner sa démission et à quitter sa grand-mère avec qui sa vie n'était plus gérable. Qui lui avait donné l'idée de déménager et d'aller étudier autre part.

Une fois descendue du taxi, Laura frotta son petit nez retroussé ainsi que le dessous de ses yeux couvert de larmes. Elle se racla la gorge afin de remercier le chauffeur. Il s'était mis à pleuvoir lorsque qu'elle avait quitté le campus et là, la pluie déferlait toujours tandis qu'elle se dressait devant l'établissement médical. Comme si la poisse persistait à la suivre, coûte que coûte. Elle se couvrit le mieux possible à l'aide de sa veste grise en la perchant au-dessus de sa tête, pressée de rejoindre l'entrée principale de l'immense bâtiment en béton. Elle avait réussi à se convaincre qu'elle serait beaucoup plus sereine une fois sur place, mais c'était tout le contraire.

Une fois les portes automatiques franchies, Laura fut engloutie d'une présence mille fois plus angoissante que celle de ses cauchemars. Une entité pire que ses questions sans réponses qui la laissaient mijoter dans son lit la nuit ; la mort. Son odeur régnait dans les couloirs. Si Laura avait eu une imagination plus abondante que celle qu'elle possédait déjà, elle aurait sûrement projeté la silhouette noire et imposante. C'était cette idée qu'elle se faisait de la grande faucheuse. Elle était sûre et certaine que cette présence invisible vagabondait dans les couloirs dont les sols étaient parsemés de flèches colorées, indiquant les différentes sections et blocs de l'établissement. Elle guettait tout le monde, les personnes âgées comme les enfants qui avaient à peine vécu. Laura détestait cet endroit, l'hôpital, les médecins, la maladie. Tout ce qui était de près ou de loin lié à la mort lui donnait des sueurs froides.

La jeune fille s'engagea vers l'ascenseur en essayant d'ignorer à tout prix l'odeur de désinfectant et d'urine qui flottait dans l'air. Elle tentait de penser à Manon et à Alyson qu'elle allait bientôt retrouver, ainsi qu'aux explications qu'elle allait recevoir.

Le temps passé dans le monte-charge fut long, lui aussi. Elle sentait que ses pieds pesaient mille tonnes, qu'ils ralentissaient sa marche et son empressement d'aller retrouver son amie et de la serrer dans ses bras. Ce fut une fois sortie de cette boîte en métal que Laura eut un autre frisson d'effroi en croisant le regard de Manon. L'inquiétude se lisait sur son visage : ses yeux étaient globuleux et mouillés, la commissure de ses lèvres pendantes et tremblantes. C'est une mère et aucune mère ne devrait vivre ça. En tout cas, pas la sienne.

— Laura, fit la dame aux cheveux foncés en chouinant.

Elle s'approcha d'elle afin de lui faire une accolade. Elle avait eu un pincement au cœur en entendant le ton de voix de Manon. Elle l'avait toujours connu comme une personne très apaisante.

Lorsqu'elles se regardèrent de nouveau, Laura ne put s'empêcher de poser la question :

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

Manon resserra sa prise autour des bras de la jeune fille, démolie rien qu'à devoir repenser à cette histoire.

— Selon ce que certaines personnes de votre soirée d'hier m'ont raconté, Alyson a quitté la fête avec un garçon. Et quand elle a fini par revenir, elle était droguée. Ils ont fini par appeler une ambulance après qu'elle eut perdu connaissance au milieu du salon, devant tout le monde. Elle avait avalé un pot de pilules en entier une heure avant.

Laura plaqua ses mains contre sa bouche et les larmes se remirent à couler sans qu'elle ne puisse l'en empêcher. La mère d'Alyson pinça les lèvres et ajouta d'un air abattu :

— Je ne comprends vraiment pas ce qui a pu la pousser à vouloir faire ça. Elle n'a pas voulu m'en dire un mot et je ne pense pas qu'elle le fera.

Laura ne put faire autrement que de se montrer compréhensive à cent pour cent, mais vue la relation qu'Alyson entretenait avec sa génitrice, elle ne fut pas surprise de cet aveu. Aly n'avait jamais été proche de Manon et ce, sur tous les sujets : les études, les centres d'intérêt, les garçons. À cet instant précis, la jeune fille aux cheveux de feu se demanda même si la femme en face d'elle était au courant que sa fille était en couple. Du moins, en supposant que Scott et Alyson formaient bel et bien un couple. En vérité, Alyson et sa mère avaient été proches jusqu'à ce que le divorce entre Manon et le père biologique d'Aly soit prononcé. L'arrivée de Benoît, le nouveau fiancé et beau-père, avait créée des frictions.

— De toute façon, elle n'est pas vraiment d'humeur à parler pour l'instant, ajouta Manon une fois plus calme. Quand elle est arrivée aux urgences, elle a dû subir un lavage d'estomac au charbon actif. Les médecins ont dit qu'elle devrait se sentir mieux dans quelques heures, mais pour l'instant, elle a encore la nausée.

— Est-ce que je peux la voir au moins une minute ?

Manon lui fit signe de la suivre. De son côté, Laura tentait de se détendre par tous les moyens. Elle en voulait à Alyson de lui avoir fait une telle peur. D'avoir fait souffrir sa mère et tous ceux qui lui portaient un chouia d'amour. Bien qu'elle sût que cette colère disparait dès qu'elle la verrait.

Une fois à la porte de la chambre, des sons de gorges signalants qu'Alyson vomissait parvint jusqu'aux oreilles de la rouquine. Manon toqua trois fois pour la prévenir de leur arrivée.

— Ma chérie ?

— Est-ce que Laura est arrivée ? demanda la brune avant que de nouvelles nausées n'entravent sa parole.

La mentionnée serra les paupières, désormais plus nerveuse que jamais. Elle eut besoin d'un courage hors-norme pour pénétrer dans la pièce. Alyson était assise sur le côté gauche du lit, le haut du corps penché vers l'avant et la tête au-dessus d'un récipient en plastique contenant un liquide noir – le charbon liquide. La brune essuya ses lèvres à l'aide d'un mouchoir et une fois qu'elle fut plus présentable, elle donna alors toute son attention à sa meilleure amie, même si elle avait honte d'être dans un tel état devant elle.

Elles n'eurent rien à se dire ; elles se retrouvèrent dans les bras l'une de l'autre en l'espace d'une seconde.

— Pourquoi as-tu fait ça, Aly ? chuchota Laura à son oreille tandis qu'elle prolongeait leur embrassade.

Laura s'était imaginé toutes les réponses et toutes les raisons, mais pas préparée à entendre ces mots à sortir de la bouche de sa meilleure amie :

— J'ai... J'ai surpris Kelly et Scott alors qu'ils étaient en train de coucher ensemble.



L'Alpha - Volume 1 : Le Clan O'ConnellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant