Alyson avait hésité à rebrousser chemin une dizaine de fois durant son trajet en bus. Il n'était plus juste question de la situation dangereuse et immorale dans laquelle elle allait potentiellement se retrouver, mais aussi de son père, de Dylan et de Laura. Elle se surprenait de la manière dont elle avait enfoui leurs existences dans une cage à triple verrous. De la façon dont elle s'était obligée à ne pas leur demander de l'aide. Elle s'enfonçait dans la déréalisation du moment. À quoi sert ma vie ? Mes rêves ? Mes envies ? Personne ne voudra jamais remettre sa petite vie bien rangée en cause pour venir me secourir. La jeune fille se sentait hantée par ce qui semblait être du vide. Sa douleur était si vive qu'elle avait donné place à un concept de rien. Si quelqu'un s'était entêté à deviner ce à quoi elle pensait à ce moment-là, il n'aurait trouvé qu'un néant de pensées décousues et sans couleurs.
Une troupe de chiens semblaient aboyer dans un jardin, pas très loin. Ce quartier défavorisé, jamais Alyson ne s'y aventurée. Les lampadaires étaient plus nombreux, mais leurs lueurs étaient inquiétantes, trop artificielle et l'odeur frais de sa banlieue inexistante. Il n'y avait plus que des brises malodorantes, un mélange de fumée de cigarette et d'essence.
Une fois au pied de l'immeuble dont l'adresse lui avait été parvenue par texto, Alyson essuya les traces de mascara séchées sous ses yeux en jetant un œil à son reflet dans la porte d'entrée. Elle sonna, puis une alarme très grave ne tarda pas à lui indiquer qu'elle pouvait entrer. À l'intérieur, tout paraissait jaune : les murs, le sol ainsi que les ampoules tachées de peinture dont les ombres se reflétaient aléatoirement sur le papier-peint souillé. Même l'odeur semblait remémorer la couleur de l'urine et ce fut pire lorsqu'elle se mit à gravir la cage d'escaliers. Des paroles incompréhensibles se perdaient dans l'endroit ainsi que des coups dans les murs. Sans parler des cris d'un enfant en bas âge qui persistaient.
Une fois au quatrième étage, la porte de l'appartement de Ricky était déjà grande ouverte, incitant la brune à y entrer. Sauf lorsqu'elle constata l'état des lieux. L'odeur était pire que dans le couloir, à croire qu'il y avait une bête morte camouflée sous un des nombreux cartons de pizza empilés près de l'entrée. Alyson grimaça en pénétrant dans l'appart. Elle se demanda si Ricky ne laissait pas sa porte ouverte en permanence afin d'avoir accès à un minimum d'oxygène.
— Salut, dit-il en se levant de son canapé dont le cuir se décollait en immenses plaquettes de tissus. Assieds-toi et fais comme chez toi. Veux-tu un verre d'eau ?
— Une bière et non merci, sans façon.
Ricky rejoignit la cuisine.
Il était hors de question qu'elle pose ses fesses là. Elle préférait de loin dormir par terre, même si celui-ci semblait aussi crasseux que le divan. Les semelles de ses chaussures y collaient fortement. Elle songea qu'il devait y avoir un mélange d'alcool et de boisson gazeuse qui y avait été renversé et pas nettoyé depuis des mois.
— C'est quoi le piège ? l'interrogea Ricky en revenant, deux bières décapsulées à la main. Qu'est-ce que tu fais là ?
— J'ai changé d'idée.
Il fronça les sourcils en avalant une gorgée de bière.
— OK. Pourquoi ? L'idée te révoltait il y a quelques jours et là, tu as l'air de t'en satisfaire pas mal.
— C'est bon, pas besoin de dramatiser. Je ne vais pas te balancer à la police si c'est ça qui t'inquiète, lança Aly d'un geste nonchalant de sa main libre. Je veux juste me faire un peu d'argent pour me payer un appartement.
— Je pensais que tu habitais chez tes parents.
— Plus depuis ce soir.
— Tu n'as pas une amie qui peut t'héberger ? Un petit-ami ?
Le visage de Dylan apparut sans prévenir à l'esprit de la brune. Elle essaya de le chasser le plus vite possible en avalant une grande quantité d'alcool, mais sa tentative échoua. Elle s'obligea donc à passer ses nerfs sur son interlocuteur :
— Écoute-moi bien. Ma mère ne veut pas de moi, mon beau-père a fait un discours qui m'a fait l'effet d'un spectaculaire coup de pied au derrière et mon vrai père n'est pas prêt à m'accueillir chez lui à temps plein même s'il pense le contraire. Si et seulement si tu acceptes que je travaille pour toi, je refuse que tu mentionnes mes parents, mes amis, ni que tu essaies de me faire changer d'idée. C'est clair ? Je n'accepterai pas de coucher avec toi et n'espère pas que je reste. Ce n'est qu'une histoire de quelques jours que je compte oublier par la suite. Tu encaisses, j'encaisse et tout le monde est content. Deal?
Ricky avala une seconde lampée de sa boisson tout en regardant la jeune fille avec insistance. Cette manière qu'il avait de la regarder fit peur à Alyson pendant un instant, craignant que ses conditions soient passées à la poubelle malgré son acharnement à avoir voulu les établir.
Elle recula vers la porte d'entrée lorsque le jeune homme termina sa bière en quelques gorgées et qu'il s'avança vers elle. Pourtant, il ne fit rien d'autre que d'afficher un petit sourire satisfait :
— Deal.
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L'Alpha - Volume 1 : Le Clan O'Connell
ParanormalLaura, une étudiante timide, fait son entrée à l'Université de Kincardine. Une nouvelle vie intrépide pour la jeune fille qui n'a dès lors jamais connu le monde extérieur, ayant vécu avec sa grand-mère la majorité de sa vie. Tout semble bien aller j...