Chapitre 15

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— Tu ne travaillais pas aujourd'hui ?

Laura et Lucas se trouvaient dans la nouvelle chambre de la rousse, de nouveau seuls. Brendon avait dû les quitter de justesse après que son collègue lui avait passé un coup de téléphone désagréable, car celui-ci avait quitté son poste plus tôt que prévu. Il avait été plus judicieux pour lui de retourner sur sa chaise, même si personne n'occupait l'endroit à ce moment de l'année.

— Normalement oui, répondit Lucas. J'étais censé ouvrir le café à sept heures, mais j'ai échangé mon quart de travail avec un de mes collègues pour pouvoir terminer de déballer mes affaires. Je vais quand même devoir y aller bientôt.

— Dommage. J'espérais que tu puisses continuer à jouer les larbins encore un peu, plaisanta Laura.

Lucas la fixa d'un regard injurié. Il n'allait jamais vouloir l'avouer, mais la réalité était que le jeune homme s'était plié à ses quatre volontés depuis plus de deux heures. Il l'avait aidé à ranger sa vaisselle dans les placards de la cuisine, accroché des tablettes au mur qui surplombait son lit ainsi que des guirlandes lumineuses. Et là, il était en train de jouer les boniches ménagères ; il faisait son lit. Laura s'était surprise en le laissant faire, elle qui n'aimait pas qu'on lui rende service. Ni en demander, d'ailleurs. Mais elle sentait le plaisir que Lucas éprouvait en lui portant main-forte et puis, c'était une bonne manière de passer du temps ensemble en s'amusant tout en étant efficace.

— Vous saurez, Mademoiselle Silveira, que je ne sers personne ! rétorqua Lucas en la dévisageant de ses grands yeux bruns. Si je fais quelque chose, c'est parce que j'en ai envie. Je suis comme un chat. Si tu le siffles, il ne viendra pas s'il n'en a pas envie. Ce n'est pas un chien.

Première nouvelle, s'enthousiasma Laura en rougissant. Il est gentil, drôle, serviable et en plus, il est plus chats que chiens.

Elle termina d'installer son édredon en rentrant les bords de la couette sous le matelas. Son partenaire fit de même de son côté de lit avant de se laisser tomber sur celui-ci par la suite. Il soupira d'une fausse exaspération, comme s'il venait de faire une heure de sport. Tout en contemplant le plafond, il demanda :

— J'ai pensé à quelque chose... Est-ce que tu voudrais travailler au Starbucks avec moi ?

La jeune fille se crispa. Avait-elle bien entendu ou ses fantasmes avaient parlé à la place du garçon ?

— Au Starbucks ? répéta-t-elle. Pour quel poste ?

— Barista.

— Wow, attends une petite seconde ! Tu voudrais que je fasse des cafés, des cocktails, que je serve les clients et tout, mais je n'y connais strictement rien, moi !

— Je n'ai qu'à te former. Ce n'est rien de très compliqué ! l'assura-t-il. En plus, les cours commencent la semaine prochaine, il n'y aura pas grand monde pendant la journée de vendredi. Ça sera le parfait moment pour t'apprendre.

Un moment de silence s'écoula.

Laura s'assied sur un des deux tabourets noirs que sa grand-mère lui avait offerts pour son départ et elle soupira. En fait, c'était plutôt un gémissement de peur et d'hésitation.

— Oh, oh ! lança le garçon en faisant mine d'être effrayé. Mon petit doigt me dit que le monstre a parlé. (Laura lui lança un regard de travers.) Bon, écoute, je sais que ça peut paraître hyper dur de travailler un jour par semaine et les weekends, avec les devoirs et la montagne de travaux qu'on va avoir, mais...

— Non, ce n'est pas du tout ça qui m'inquiète ! le coupa-t-elle aussitôt. J'avais l'intention de me trouver un job, de toute façon. Ce qui me fait peur, c'est le service à la clientèle. Si je me fais engueuler par un client, je vais éclater.

— Si ça arrive, je te jure que j'éventrai la personne concernée sur le comptoir.

Les cheveux de Laura virevoltèrent dans un geste révolté de la tête :

— Lucas, peux-tu arrêter de plaisanter une minute ? Je suis vraiment touchée, je te jure ! J'adorerais travailler là-bas avec toi, mais...

Brusquement, Lucas bondit hors du lit avant de se positionner devant elle. Puis, il posa un genou par terre.

— Qu'est-ce que tu fais ? demanda Laura avant qu'une révélation la frappe telle la foudre. Non. Non, Lucas ! Je t'interdis de faire ça !

Il lui prit la main malgré ses négations.

— Chère et candide Demoiselle Silveira, me feriez-vous l'incommensurable honneur de venir travailler à mes côtés dans ce chaleureux Starbucks dans lequel sont servis des cafés aux prix beaucoup trop élevés ? (Laura éclata de rire avant de cacher son visage ainsi que ses yeux de son autre main.) Dépêche-toi d'accepter, ma galanterie à des limites.

Il continua d'insister d'un regard suppliant tout en faisant gigoter la main de la rousse dans la sienne. L'éventualité qu'ils puissent travailler au même endroit était une occasion en or. Autant pour se rapprocher d'elle, apprendre à la connaître davantage que pour la protéger.

Dans un grand sourire, elle craqua :

— OK, c'est bon ! Je travaillerai avec toi ! Tu m'as convaincue. Fier ?

Lucas se redressa et la surplomba.

— Plus que jamais.

Soudain, le téléphone du jeune homme retentit dans une sonnerie stridente. Son visage reprit des traits plus durs et il extirpa l'appareil de la poche de son jean noir afin d'y jeter un coup d'œil. C'était son collègue.

— Je dois y aller. On se revoit bientôt, d'accord ? dit Lucas avant de s'avancer vers elle pour lui embrasser la joue. À plus.

En moins de deux, il avait quitté la chambre. Laura resta perplexe durant une dizaine de secondes, touchant délicatement sa joue encore mouillée du baiser de Lucas. Lorsqu'elle n'entendit plus les pas de celui-ci dans le couloir, elle se catapulta dans son lit. Elle libéra un cri de joie dans son oreiller dans l'espoir qu'il capturait ce moment et qu'il résonnerait dans ses oreilles durant toutes les nuits de l'année à venir.


L'Alpha - Volume 1 : Le Clan O'ConnellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant