Le trajet du retour avait été pénible, comme souvent lorsqu'Alyson était en voiture avec sa mère ; elle parlait beaucoup trop. Mais là, il n'était pas seulement question de ses blablas interminables, mais de ses questions acharnées pour savoir de quoi sa fille et l'inspecteur avaient discuté durant son absence. Alyson n'avait même pas pris la peine de divaguer. Il n'y avait eu que des soupirs agacés et exaspérés alors qu'elle ne trouvait même plus la force de la regarder en face. Elle s'était résignée à fixer les lignes jaunes sur le pavé des rues. Leurs égos s'étaient collapsés jusqu'à ce que Manon décide d'abandonner et de laisser sa fille tranquille. Elle était déjà suffisamment fragile.
Après avoir payé leur dû au conducteur du taxi, les deux femmes s'étaient pressées jusqu'à l'intérieur de la maison. Aly, elle, ne souhaitait qu'une chose ; que Benoît ne brille pas de sa présence. Manon, de son côté, retenait son envie d'aller aux cabinets depuis leur départ. Ce fut la raison pour laquelle, une fois la porte d'entrée déverrouillée, elle balança son sac à main sur le petit banc en velours noir qui décorait le hall et se rua jusqu'aux toilettes d'une démarche ridicule.
Alyson rejoignit la cuisine. Un sentiment étrange la submergea lorsqu'elle remarqua que rien n'avait bougé : la bouilloire sur le rond en haut à gauche de la cuisinière, les chiffons accrochés à la poignée du four et beaucoup d'autres choses évidentes. Je ne bouge pas, je ne bougerai jamais, se dit-elle en continuant de toiser la pièce avec une sorte d'écœurement. Le temps me torturera et me transformera en décoration rasoir. Une route sur laquelle on passe tous les jours sans y faire attention.
Un détail.
Futile.
Inutile.
C'était exactement comment la jeune fille se sentait face à la mort de son père. Les remords s'étaient emparés d'elle, comme de beaucoup de personnes dans la même situation. C'était comme si une cassette s'était mise en route dans sa tête. Elle repassait les derniers moments passés en présence de son père et se décortiquait pour laisser place à un tas de scénarios utopiques. Des moments inexistants où elle insistait pour que Patrick reste avec elle, à la maison, affalés l'un à côté de l'autre avec une tonne de sucreries et un film d'épouvante aux retournements prévisibles. Des scénarios où elle court et le sauve de la fumée et des flammes.
Alyson s'appuya contre le plan de travail devant elle et activa le robinet. Elle devait à tout prix chasser ces idées ou sinon, elle sentait que son cerveau flancherait dans la minute. Alors, elle tendit sa main gauche vers l'eau et en imbiba allégrement sa nuque, y mélangeant aussi la sueur qui s'était mise à se manifester au fur et à mesure que ses idéaux se développaient sous forme de scènes émouvantes à son esprit.
Et soudain, elle pensa à Dylan.
Que dirait Dylan ?
Elle releva légèrement la tête en direction des armoires et elle jura à voix basse :
— Merde, Aly, ne fait pas ça.
Malgré cela, sa main se tendit d'elle-même en direction de la porte en bois de couleur crème, et dans un geste décisif, elle l'ouvrit. Un contenant de sel, un second rempli de poivre. Des cure-dents. Des somnifères.
Sa conscience lui ordonna de refermer l'armoire sur le champ, mais son bras ne bougea pas d'un poil. Pour une raison inconnue, le visage du brun lui revint et Alyson eut les larmes aux yeux.
La personne.
La question.
Elle le pousserait à lui dire son secret.
Ce fut dans un mouvement machinal qu'Alyson attrapa la boîte en carton qui contenait les médicaments. Les capsules utilisées pour des nuits de sommeil artificielles et forcées. Elle se dépêcha d'extraire la plaquette en aluminium de son paquet et à décapsuler la vingtaine de pilules qui y étaient enfermées et scellées.
La panique de la jeune fille s'accentua lorsqu'elle entendit le jet d'eau de la toilette s'activer et la porte de la salle de bain s'ouvrir dans le couloir. Elle rassembla toutes les pilules qu'elle avait déposées sur le comptoir et les empoigna d'une seule main avant d'enfouir celle-ci et l'autre dans les poches de sa veste d'une rapidité exemplaire.
Sa mère revint.
— Tu sais, commença Manon en retirant son long manteau noir. Je me disais que ce serait peut-être bien de se changer les idées et d'aller faire les boutiques. Qu'est-ce que tu en penses ?
La brune s'efforça de sourire, comme elle avait tant l'habitude de le faire. Ce mensonge blanc et parfait qu'elle avait pratiqué et répété durant des mois ne s'était jamais avéré si dur à jouer.
— Je ne peux pas. Je dois aller voir quelqu'un.
Puis, elle vida le contenu de sa main à l'intérieur de sa poche.
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L'Alpha - Volume 1 : Le Clan O'Connell
ParanormalLaura, une étudiante timide, fait son entrée à l'Université de Kincardine. Une nouvelle vie intrépide pour la jeune fille qui n'a dès lors jamais connu le monde extérieur, ayant vécu avec sa grand-mère la majorité de sa vie. Tout semble bien aller j...