L'Alpha - Volume 1 : Le Clan O'Connell

CHAPITRE 12

Laura avait connu des rentrées plus effrayantes, tel que son premier jour à l'école secondaire. La pré-adolescente qu'elle était, jadis, avait débarqué tel un ange descendu du ciel. Dans son cas, on aurait plutôt dit un archange déchu en chute libre qui se placarde très violemment au sol. Elle avait passé sa première heure de cours à parcourir les couloirs en cherchant son local, les bras chargés de cartables et de manuels – personne n'avait eu la décence de l'aider à trouver son casier. De plus, elle s'était fait ridiculiser par son sinistre et détesté professeur d'histoire-géo. Et comme si ce n'était pas assez, elle avait été bousculée en plein milieu de la cafétéria par un groupe d'élèves et son plateau chargé de nourriture s'était retrouvé sur sa veste blanche. Très mauvais souvenir, pensa Laura en frémissant. Elle avait espoir que tout soit différent à l'Université.

Plus ou moins anxieuse, Laura se retrouva au milieu d'une tonne d'autres étudiants. L'herbe qui recouvrait une bonne partie du terrain avait jauni, annonçant l'automne. La plupart des groupes d'amis se tenaient déjà ensemble. Certains formaient des cercles de personnes assises sur la pelouse, autour des chemins de graviers reliés à l'entrée de l'établissement scolaire ainsi qu'aux blocs appartement qui servaient de dortoirs. C'était là où logeaient les étudiants qui ne vivaient plus chez leurs parents, tout comme Laura.

L'orée du bois qui entourait les lieux était aussi très achalandée. Il s'agissait sans doute de l'endroit où les élèves allaient fumer entre les cours. La rousse songea que les professeurs devaient s'en ficher, comme ils se fichaient de la réussite de leurs étudiants, en général. C'était ça l'Université ; la réussite dépendait du travail et de la vigueur de chacun. Les profs transmettaient le savoir, le reste dépendait des destinataires. Ça, ça parlait à la rouquine. Tout comme le fait que selon elle, les humains vivaient dans le seul but d'apprendre.

Elle suivit le sentier qui menait aux portes et pénétra dans l'école, excitée à l'idée d'enfin voir à quoi ressemblait son emploi du temps et s'il était chargé. Sa grand-mère avait accepté de payer une partie de ses vivres, mais pour le reste, la jeune fille allait devoir se débrouiller. Ce n'était pas une surprise. En réalité, c'était justement ce que Laura voulait. Elle avait déjà anticipé le besoin de se trouver un emploi et ce, bien avant d'avoir décidé de s'inscrire. En bref, elle avait tout prévu. La seule chose à laquelle elle n'avait pas été préparée, c'était sa rencontre avec Lucas.

À cette pensée, elle se mit à regarder autour d'elle avec discrétion, question de ne pas trop se faire remarquer. Sans surprise, Lucas ne brilla pas de sa présence, mais en dépit du véritable joker qu'il était, il pouvait très bien débarquer sans prévenir. Laura se demanda alors s'il se trouvait à la bibliothèque, en train de dévorer des livres. C'était un rat de bibliothèque, il l'avait dit lui-même.

Une fois au secrétariat, la jeune fille se rangea dans la file d'attente. Quelques minutes plus tard, on lui distribua son horaire. Puis, la pièce de résistance ; une clé accrochée à un élastique bleu sur laquelle était reliée une étiquette en plastique qui affichait le numéro de la chambre et celui du bloc.

Laura quitta la réception et se retrouva à nouveau dans le couloir, cherchant Lucas malgré elle. Cependant, ce ne fut pas lui qu'elle eut le plaisir de reconnaître à l'autre bout de l'allée, mais Madame Hélène.

— Bonjour Hélène, clama-t-elle avec entrain.

— Salut ! répondit la femme aux cheveux gris en exposant deux rangées de dents étincelantes. (Elle adopta une expression hésitante.) Désolée, je ne me rappelle pas ton prénom. J'ai tellement d'élèves à gérer !

— Laura.

Hélène afficha un sourire amical lorsque sa mémoire lui vint en aide.

— Sim ! Sim ! s'exclama-t-elle d'un accent portugais. Je me souviens, maintenant ! Est-ce que je peux t'aider avec quelque chose aujourd'hui, Laura ?