Chapitre 4 - Rachele

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Rachele

Plongée dans un rêve érotique chaud et humide, je suis tout à coup réveillée par un bruit sourd qui m'extirpe de mon repos par un violent sursaut. Choquée, le cœur palpitant, je regarde autour de moi pour comprendre d'où provient le son. L'esprit embrumé, je remarque alors mon ordinateur à terre, le casque encore accroché. J'ai dû m'endormir en écrivant, sans m'en rendre compte. Heureusement que le tapis en fausse fourrure a amorti la chute !

Un peu déboussolée par ce réveil aussi rapide qu'inconfortable, je soupire. La paranoïa de Mina la veille a certainement dû influencer ma réaction. Qui pourrait bien venir voler un trois-pièces de cinquante mètres carrés au cinquième étage ? Il faudrait de sacrés biceps pour transporter mon écran de télévision jusqu'en bas. Autant aller piocher dans le loft du dernier étage ! Je secoue la tête en riant. Cette colocation forcée me rend fébrile avant même d'avoir commencé, c'est d'un ridicule.

Mal installée, j'entreprends de me lever. Aussitôt, une douleur traverse mon crâne pour se loger derrière mes yeux. Il n'y a vraiment que dans les films où, après avoir passé une nuit comme celle-ci, les acteurs se réveillent pimpants. Il faut dire que je suis tellement épuisée ces derniers temps, pas étonnant que je me sois laissée bercer par les bras de Morphée malgré ma position. Grimaçante, je ramasse mon ordinateur et le pose sur la petite table avant d'aller dans la cuisine pour me remplir un verre d'eau. Un rapide coup d'œil à l'horloge m'indique qu'il est sept heures vingt-sept. Ouf ! Je n'ai pas loupé le réveil. La journée ne commence pas si mal tout compte fait.

« Voyons la vie en positif! »

J'ai même assez de temps pour prendre une douche et manger un petit déjeuner digne de ce nom. J'attrape donc une pêche en plus de ma boisson, puis retourne m'affaler sur le canapé. Au même moment, mon téléphone vibre, me signalant l'arrivée d'un message.

« Jacob est d'accord pour emménager. À quelle heure veux-tu que l'on vienne ce soir? Mina.»

Choquée, je laisse tomber ma pêche et entrouvre les lèvres. Je dois relire plusieurs fois les mots pour les comprendre. Ma respiration se désordonne, mon cœur saute hors de ma poitrine. Il a accepté. Ce n'est pas possible ! Ce n'est vraiment pas possible ! C'est un rêve ? Une mauvaise blague ? Dois-je faire marche arrière ? Peut-être que l'excuse d'une maladie hautement infectieuse pourrait les dissuader ? C'est impossible, Mina ne me le pardonnera jamais. Qu'est-ce que je vais faire ?! Je ne peux décemment pas accueillir un homme tombé pour agression sur autrui dans ma maison ! Et s'il décidait de m'étrangler pendant mon sommeil ?

À deux doigts de l'hystérie, je tente de prendre trois grandes inspirations pour me raisonner. Certes, Jacob est tombé pour agression, mais il n'a jamais frappé une femme. Du moins, pas à ma connaissance. De plus, je l'ai côtoyé plusieurs années avant sa condamnation, hormis quelques caresses brûlantes violentes pour mon cœur, il ne m'a jamais touchée. Sans parler du fait que Mina est ma meilleure amie et qu'il ne peut valablement pas m'étrangler sans lui briser le cœur. En résumé, même si l'envie le démangeait, il ne pourrait rien contre moi.

« Parce qu'un fou se contrôle? », me chuchote ma petite voix.

Il ne reste plus qu'à prier pour que la prison l'ait assagi ! Face à cette remarque, un gloussement amer m'échappe. Il ne faut pas être un génie pour comprendre que cet espoir relève plus de l'illusion que de la réalité. Jacob est un électron libre, il fait tout ce dont il a envie. Il suit ses propres règles. Lui imposer les miennes ? Il faudrait qu'une force divine me vienne en aide pour ça.

La douleur dans mon crâne s'intensifie sous l'afflux de pensées et d'émotions. J'en veux à Mina de m'avoir mise dans cette situation aussi inextricable qu'impensable, mais le destin en a décidé ainsi. Malgré toutes mes réticences, je vais devoir traverser cette épreuve en évitant de me perdre.

«Soyez là à 19 h, pas la peine d'amener de quoi manger, je commanderai japonais».

Ces mots m'arrachent une grimace tandis que je passe une main dans mes cheveux. J'ai l'impression d'accueillir le diable en personne chez moi sans pouvoir broncher. Il faudra que je veille à ce qu'il ne prenne pas mon âme, car j'ai beau retourner la situation dans tous les sens, je ne vois qu'une seule issue : perdre ma meilleure amie ou réfréner ma peur et accepter. Si on veut une analogie plus claire : la peste ou le choléra.

Au fur et à mesure des pensées qui m'assaillent, la peur se mêle à l'appréhension, puis à la colère. Je me dis qu'il serait judicieux de passer chercher du spray au poivre et un teaser lorsqu'une petite tête vient m'extraire de ce cauchemar. Surprise, je relève la tête et souris en voyant mon chat. Cookie est un scottish fold de deux ans à la robe tabby grise. En réponse à son soutien, je me penche pour lui gratouiller le haut de la queue. Il est mon confident et ma dose quotidienne d'amour. Fille unique et sans réelle relation avec mes parents, il m'apporte la présence et l'attention dont j'ai besoin. Lorsque j'ai croisé son regard chez l'éleveur, j'ai tout de suite su que nous étions faits l'un pour l'autre. Je ne me suis pas trompée.

— Je crois que je viens de signer un pacte avec le diable, confié-je.

Et je ne croyais pas si bien dire...

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant