Call Me Monster

Chapitre 54 - Rachele

Rachele

Il arrive parfois que la vie nous juge dignes d'une seconde chance comme si nos péchés expiés nous donnaient des points bonus.

La pluie se mêle à la danse macabre, apportant un aspect encore plus dramatique à la mort. Le torrent d'eau trempe mes habits et me gèle les os, mais je n'en ai que faire. J'attends juste le moment où l'assassin décidera de tirer.

À la seconde où la déflagration retentit, je patiente, les paupières clauses, jusqu'à l'instant où la balle entrera en contact avec ma chair. Pourtant, je suis à peu près sûre que le cri qui résonne ne vient pas de moi. Mes lèvres sont toujours cousues l'une à l'autre alors que mon corps médusé ne s'effondre pas sous la douleur. Ne suis-je pas censée ressentir une brûlure viscérale ?

Contrairement à ce que j'attends, ce n'est pas un canon froid ni un projectile enflammé qui heurte avec violence mon bras, mais une main ferme. A-t-il finalement décidé de m'épargner ?

Des voix retentissent autour de moi à m'en donner mal au crâne, pourtant, je peine à comprendre ce qu'elles disent. Des silhouettes se dessinent devant mes yeux sans que je sois capable de les identifier. Le choc annihile tous mes sens même les plus essentiels. Maintenir une respiration acceptable me demande déjà beaucoup trop d'énergie.

L'homme qui me tient m'oblige à me lever, mais il s'aperçoit vite que j'ai besoin d'aide pour ne pas chavirer sous le poids de mon propre corps. Des larmes coulent sur mes joues. Je voudrais réagir, je voudrais pouvoir bouger, mais mon esprit refuse de se confronter à la réalité. Je ne suis qu'un pantin que l'on soulève, déconnecté de l'instant, inutile.

⸻ Maintiens la pression ! Il faut arrêter l'hémorragie !

L'hémorragie... Ce mot vient chatouiller ma conscience alors que l'enveloppe ensanglantée de Mina s'impose à moi. Mes lèvres s'ouvrent instantanément et le hurlement que j'émets se mêle à une bourrasque gelée qui me fait trembler un peu plus.

⸻ Éloigne-la ! s'écrie une autre voix.

Qui sont-ils ? Que lui veulent-ils ? Mina !

Je me débats avec toute la hargne dont je suis capable, ce qui ne semble pas faire grand-chose à l'inconnu qui me maintient en place. Soulevée du sol, je donne un coup de pied dans le tibia de mon assaillant. Surpris, celui-ci me laisse tomber avant de rouspéter contre la douleur. En dépit de mon coccyx endolori, je tente de rejoindre le corps de mon amie, mais je suis plaquée à terre par une lourde masse. J'essaie une nouvelle fois de me débarrasser de l'homme en jetant des coups dans tous les sens, sans succès. Perdue, je pleure, je hurle, je me lamente, je ne sais plus ni ce que je fais, ni où je suis.

Hystérique, je donne tout ce qu'il me reste pour m'en sortir, pour survivre et ramener le corps de Mina. Au même moment, une main chaude, différente de la première, se pose sur mon front. Puis, une légère piqure dans mon cou et l'inconscience. Je ne connais pas la suite des évènements, mais mon corps accueille cette déconnexion avec bonheur, heureux de pouvoir enfin lâcher prise. Toutefois, une question subsiste tandis que mes paupières se referment. Les iris rouges qui sont apparus devant moi sont-ils réels ou une simple hallucination de mon esprit ?

« Il est là. Il guette, inlassable, le bon moment. Il aime épier sa proie, la tourmenter, jouer avec ses sens, et voir la peur l'envahir.

Le grand méchant loup.

Je suis consciente qu'il observe mes moindres faits et gestes. Je sais qu'il me surveille de loin, attendant la seconde où je flancherai. Sa douceur contraste avec sa force, sa patience avec sa passion. Arriverai-je à survivre ? Ai-je le choix ? »