Chapitre 74 - Rachele

1.1K 90 0
                                    

Rachele

Au moment où j'arrive à table, tous les regards se tournent vers moi alors que des expressions inquiètes se dessinent sur les visages. Je dois faire peur à voir, mais je n'en tiens pas compte. Je n'ai ni le temps ni l'énergie de faire bonne figure. Je veux simplement en finir, et vite. J'attrape un bout de pain que je tartine de beurre salé. De longues minutes s'écoulent tandis que nous mangeons sans bruit. C'est Samuel qui rompt le premier ce silence gênant.

— Que diriez-vous de mettre un peu le nez dehors cet après-midi ? Nous pourrions aller à la plage et déguster des glaces ?

Kyle et Tyler acquiescent automatiquement suivis par Maxence, Xyu, et Edward. Mina me lance un regard en coin puis finit par se ranger du côté des garçons. Ai-je envie de sortir ? Il est évident que non. Pourtant, cela me permettrait de ne plus les avoir sur le dos pendant un temps, en plus de les rassurer quant à mon état mental. Je remue ma purée en songeant à la meilleure solution.

— Tu viens avec nous, Rachele ? me relance Sam.

J'hésite et finis par acquiescer à mon tour. Ce n'est l'affaire que d'une glace, ensuite je serais tranquille durant un moment.

— Génial ! s'exclame Mina.

Je dois avouer que j'admire la capacité de mon amie à faire face à la situation. Il nous est arrivé de pleurer ensemble lorsqu'elle ne pouvait plus faire semblant, mais cette femme au caractère de feu ne se laisse pas facilement dérouter. Est-ce mon lien avec son frère qui m'empêche d'avancer pleinement sans lui ?

L'après-midi est aussi long que douloureux comme à chaque fois que je sors. Le travail m'aide parfois à relativiser, les câlins de mon chat apaisent momentanément mes tourments, mais mon besoin d'être à ses côtés revient vite, trop vite. Comme si mon inconscient voulait m'informer de quelque chose, cet après-midi est particulièrement difficile à supporter. Mes pensées sont tournées vers Jacob alors que mon obsession prend de l'ampleur. Je tente de réfléchir à autre chose en me concentrant sur le groupe en train de s'amuser dans l'océan, mais l'idée de retourner au chalet martèle mon esprit.

Petit à petit, la nuit tombe. Alors que les autres décident d'aller au restaurant, je m'éclipse, l'attention accaparée par le besoin d'être auprès du démon. Je ne saurais dire pourquoi, mais le désir de rentrer devient vital. Comme un appel incessant, quelque chose harcèle mon inconscient, m'ordonnant presque d'obéir.

Je ne mets pas longtemps à revenir à la maison, dépassant de loin les limites de vitesse. Dès l'instant où je m'engage dans l'entrée, mes pieds me guident automatiquement vers la chambre verte. Consciente que quelque chose cloche, je m'arrête devant la porte, traversée par un frisson glacial. À l'image de l'entêtante idée de rentrer, le sentiment que quelque chose ne va pas surgit de manière violente en moi. Accompagnée par un chant lyrique lointain, je tourne avec lenteur la poignée avant de passer précautionneusement le cadre.

La chambre est plongée dans le noir, pourtant, je remarque tout de suite un changement. Mon regard affolé parcourt le lit qui est anormalement vide. Déboussolée, je tente de trouver l'interrupteur, sans succès. Je suis alors violemment attirée au centre de la pièce, mon bras replié dans mon dos pour m'empêcher d'effectuer tout mouvement. Ma respiration et mon rythme cardiaque s'accélèrent sous la peur. Je n'ai pas besoin de le voir pour savoir qu'il est derrière moi. Sa main chaude me tient en soumission.

— Jacob, dis-je d'une voix tremblante.

La bête me répond par un grognement puis me libère en me projetant sans douceur sur le lit. Je manque de chavirer, mais je réussis à me rattraper juste à temps. Une fois mon équilibre retrouvé, je fais volte-face vers le démon. Ses yeux rouges percent la nuit noire, ses tatouages luisent de façon sanguine. Est-il conscient ? Me reconnaît-il ? Comment a-t-il pu se réveiller alors qu'il y a encore quelques heures, les plaies ne parvenaient pas à se refermer correctement ?

— Jacob, dis-je à nouveau en tentant de m'approcher de lui.

Le démon penche la tête sur le côté et m'offre un sourire inquiétant. Mon corps réagit en conséquence, sentant le prédateur en face de moi. L'adrénaline parcourt à vitesse grand V mes veines, accélérant mes fonctions vitales et m'ordonnant de fuir à toute jambe cet homme. Loin de moi l'idée d'utiliser mes nouveaux pouvoirs sur lui. J'ai trop peur de le blesser. Cherchant une solution, mes yeux évaluent rapidement la distance qui me sépare de la porte. Devinant mes intentions, l'ange noir m'attrape alors à la gorge. Par réflexe, j'agrippe sa main et le regarde sans comprendre pourquoi il est si agressif. Effrayant, il rapproche un peu plus son visage du mien, à tel point que je peux sentir son souffle sur mes lèvres.

— Tu penses vraiment pouvoir m'échapper, petite fée ?

Sans que j'aie ordonné quoi que ce soit, mes propres tatouages se gravent sur ma peau, scintillant dans la nuit. Si ma nature me questionne encore, elle semble familière à Azakiel. Y aurait-il un lien entre nos deux magies ?

— Azakiel...

Le démon serre assez pour me maitriser, mais pas assez pour m'étouffer, toutefois, ma voix se meurt face à la pression de ses doigts. Il émet alors un rire cruel et sans pitié devant ma difficulté. Puis, sans savoir comment ni pourquoi, la peur qui m'habite est rejointe par une sensation de chaleur dans mon bas ventre. Par instinct, mon corps reconnait le sien comme si sa réaction n'était qu'un jeu pervers destiné à m'exciter. Loin d'être dupe, la bête rapproche ses lèvres des miennes et les frôle avec une lenteur délibérée.

— Rachele...

Il m'attrape alors la fesse et colle son sexe à mon entre cuisses.

— Si tu savais comme je meurs de faim, s'exclame-t-il tandis qu'une folie inquiétante danse dans ses yeux.

Si mon cerveau est embué par les sentiments qui me traversent, mon corps ne cesse de me trahir en s'évertuant à hurler son attirance pour le monstre face à moi. Des tas de questions me harcèlent, mais plus il joue avec moi, plus l'excitation prend le pas sur tout le reste. Je n'ai pas de réponses, mais le fait est qu'il est réveillé et a récupéré toute sa puissance.

Tout à coup, mes yeux sont aveuglés par une lumière intense alors que la voix de Mina résonne dans la pièce.

— Lâche-la tout de suite, Jacob !

Loin d'être impressionné ou surpris, le démon soupire de lassitude avant de desserrer quelque peu son étreinte.

— Dégage de là, tu ne vois pas que je suis occupé.

— Je t'en prie, laisse-la.

Cette fois-ci, le monstre grogne et me relâche pour se retourner vers mon amie.

— Mina, je t'adore, mais, s'il te plait, va jouer ailleurs.

C'est alors que Samuel et les autres se précipitent en courant dans la pièce. À l'instant où ils découvrent l'homme à mes côtés, leurs bouches s'entrouvrent d'étonnement. Eux non plus ne comprennent pas sa guérison, mais au moins, j'ai la certitude de ne pas avoir perdu l'esprit.

Dérangé dans son envie, le démon soupire d'énervement, puis se retourne vers moi. Je saisis à son sourire joueur que ce qui va suivre ne va pas me plaire. Jacob plonge pour m'attraper par la taille tandis qu'une sensation d'écrasement familière m'étreint. Ma vue se floute avant que j'aie pu me libérer, le monde se met à trembler et disparaitre alors que je suis projetée dans un univers inconnu. 

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant