Rachele
La morsure de son toucher imprègne encore ma peau. Il semble froid au premier abord alors qu'un feu ardent brûle au fond de lui.
Cet homme sera ma perte.
Je tente de reprendre mes esprits avant de partir m'enfermer dans ma chambre. Si je dois aller en enfer avec lui, il me faut un minimum de protection. J'enfile un sweat-shirt noir avec une tête de loup blanche dans le dos ainsi qu'un slim bleu marine. Si je veux survivre, il me faudra passer inaperçue. Je ne sais pas pourquoi il veut que je vienne avec lui, mais une chose est sûre : j'en sais trop. Bien que je sois totalement contre et effrayée, je ne peux lui reprocher de se prémunir. Jacob n'a pas gravi les échelons sans un certain niveau d'intelligence. Il n'a pas plus envie que moi de m'emmener, mais je représente à coup sûr une menace qu'il ne peut ignorer. J'ai vu ce qu'il était vraiment. Même si je lui jurais de ne rien dire, ma crise de nerfs est une preuve de mon instabilité émotionnelle. Au final, quelle qu'en soit la raison, je ne peux que me plier à sa volonté.
L'image de ses yeux rouges et de sa peau blanche aux dessins d'encre noire se rappelle à moi. J'ai encore du mal à réaliser. Je ne sais pas si je dois avoir peur ou céder à ma curiosité malsaine. Ne parlons pas de la convoitise qui vrille mes hormones. À croire que son regard et son parfum suffisent à annihiler le reste. Mes lèvres sont encore engourdies de son baiser et mes fantasmes s'abreuvent de l'attention qu'il m'a portée. Son corps musclé contre le mien a, durant quelques instants, fait disparaitre ma raison et mes angoisses pour les échanger contre un désir fou couplé à une passion dévastatrice.
Prête, je prends soin d'ajouter la touche finale à ma tenue de guerrière. Discrètement, je cache le couteau de l'armée de mon père dans ma bottine. Il me l'a offert en revenant de l'une de ses missions en Afrique. James Campora a été l'un des meilleurs de son rang et ses supérieurs ne tarissaient pas d'éloges sur ce commandant exemplaire. Néanmoins, la vision que j'ai de lui est assez restreinte. Il était si souvent absent qu'il m'arrivait parfois d'oublier les traits de son visage. Je n'ai jamais eu de relation père-fille développée. Aujourd'hui encore, nos discussions restent vagues et cordiales. Il ne comprend pas ma passion pour l'art, trouve que la littérature est ennuyante et n'approuve pas que je ne cherche pas activement un mari à mon âge.
Je secoue la tête pour chasser les fantômes qui reviennent me hanter. Je ne dois pas penser à mon géniteur maintenant. Il faut avant tout que je me protège du monde dans lequel je suis entrée. Le pire ? C'est moi qui l'ai demandé.
Je vérifie une dernière fois que j'ai tout ce qu'il me faut puis ouvre la porte. Surprise, j'ai alors un mouvement de recul en voyant Jacob accoudé au mur, les bras croisés sur la poitrine. Il me lance un regard entendu.
— Je commençais à me demander si tu n'étais pas tombée dans les vapes, lâche-t-il d'une voix provocatrice.
Cet individu est décidément difficile à cerner. Il y a à peine quelques minutes, nous échangions un baiser passionné et à présent, il recouvre son masque d'homme exécrable. Ses yeux s'accrochent aux miens. C'est horrible d'être ainsi partagée entre tant de sentiments contradictoires. La douleur de leur combat est à peine supportable, semblable à une âme qui se déchire.
Cela dit, la vie est souvent ainsi : cruelle. Elle vous fait rêver et espérer. Elle vous rend dépendant et accro aux mensonges les plus doux, avant de vous les arracher pour les remplacer par une vérité dure et froide. Elle s'amuse à jouer avec vos émotions comme un marionnettiste le ferait avec ses pantins. La souffrance ressentie est alors telle, qu'il arrive parfois que les hommes deviennent fous. Elle est semblable à un incendie qui vous dévore de l'intérieur sans pour autant laisser de blessure apparente. Cet étau invisible qui vous comprime au point de vous faire mal. Cette douleur fantôme qui vous arrache chaque cellule comme un ouragan. Elle vous fait suffoquer de désespoir en dépit du fait qu'elle ne peut pas vous tuer. C'est une torture lente et sans merci. Vous y cédez votre âme. Le pire dans tout cela ? Vous en redemandez. Comme si cette lancination était la seule façon de se sentir vivant. Avons-nous une chance face à cela ? Par sa plus grande malice, aucune.
Il s'approche de moi tel un lion. La chaleur de son corps m'enveloppe alors que sa main caresse tendrement ma joue. Ma respiration s'intensifie. Il se penche lentement vers moi, son souffle effleurant ma nuque.
— Si tu savais tout ce que j'ai envie de te faire..., murmure-t-il.
Un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Il s'éloigne de moi comme si de rien n'était et me fait signe de le suivre. Je reste d'abord clouée sur place, mon cerveau n'ayant pas assimilé le moment du détachement, puis je l'entends émettre un rire machiavélique.
Cet homme a une apparence humaine, mais les dessins du diable...
Contrainte, je le suis jusqu'à sa voiture et monte côté passager. Il s'installe à son tour avant d'enclencher le contact. Il ne pipe mot durant les premières minutes du trajet, ce qui attise mon stress.
— Où allons-nous ? demandé-je pour tenter d'apaiser la lourdeur entre nous.
Il ne me regarde pas, n'émet pas de sourire.
— En enfer, répond-il simplement.
Cette précision suffit à me faire taire le reste du voyage. Me diriger vers les intenses ténèbres de feu, c'est bien la dernière chose que je souhaite. Cependant, le diable à côté de moi semble prendre un malin plaisir à me torturer. Nous sommes sur son territoire, rien ni personne ne pourrait l'empêcher de faire ce que bon lui semble.
Lorsqu'il se gare enfin sur le côté. Mes mains deviennent moites et mon pouls frappe mes tempes. Un frisson douloureux part de la base de mon cou jusqu'à mon bras droit. Mon angoisse est palpable. Ce club chic devant lequel nous venons de nous stationner ne m'inspire pas confiance, sans compter sur les hommes armés à l'entrée qui me filent une frousse monstre. Le Black Lust ne doit pas être un simple lieu de danse.
Le destin joue parfois à de drôles de jeux. J'ai tant de fois écrit ce genre de scènes sans jamais penser les vivre un jour. Je prenais un malin plaisir à torturer mes personnages, à les faire se questionner, à les rendre fous, sans imaginer me retrouver à leur place. L'air froid sur ma peau et le parfum océanique tout près de moi m'indiquent que je ne suis en rien dans un rêve, tous les mots de mon histoire sont bien réels.
Je soupire, le cœur lourd, avant de suivre Jacob à l'intérieur dubâtiment en restant le plus possible à proximité. Pour se protéger desmonstres, mieux vaut en avoir un de son côté. Qui d'autres peut vaincre sesennemis si ce n'est celui qui les connait le plus ?
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Call Me Monster
HorrorATTENTION ! Cette histoire contient du sexe et de la violence ! Âmes sensibles s'abstenir :) TOUS DROITS RÉSERVÉS. Cette histoire est soumise à un contrat et n'est en aucun cas libre de droit. La plagier est pénalement répréhensible. Le cerveau hu...