Call Me Monster

Chapitre 23 - Jacob

Jacob

Je pensais tout connaître de ma nature, mais il se trouve que non. Alors que je me faisais battre à mort par les fils de Reian, j'ai compris que les cinq ans passés m'ont marqué. Pas seulement dans ma chair, mais dans mon âme. Malgré ce que je pensais, je n'ai pas totalement récupéré de ces tortures répétées. J'ai été présomptueux, je me suis cru invincible, mais il faut croire que même moi, j'ai des faiblesses. Sans me laisser le temps de récupérer, je me suis lancé dans une vengeance sans voir que je risquais de me condamner moi-même. Sur les dix qui m'ont attaqué, j'ai pu en tuer six. Mais alors que j'étranglais le septième, une lame en titane a perforé l'arrière de mon dos. La douleur s'est répercutée dans tout mon être et j'ai compris que la partie était finie. Affaibli par mon combat pour protéger Rachele, marqué par les supplices que j'ai endurés, je suis tombé à genoux. Ma capacité de guérison retardée par ma fatigue, mes ennemis ont eu tout le loisir de me blesser un peu plus. L'image de ma sœur en deuil, j'ai résisté à leurs assauts, jusqu'à réussir à fuir, mais une fois rentrer, mes forces m'ont abandonné. Moi, l'incube tout puissant, je me suis effondré, le corps couvert de sang. Dans un dernier souffle, les paroles de Morwën ont résonné dans mon esprit, puis l'image de Rachele a remplacé celle de ma sœur. Qui aurait cru que mon cadeau était une humaine à l'âme rose éclatante, amatrice de peluches en tout genre ?

⸻ Jacob !

Cette voix... Rachele.

⸻ Jacob ! Pitié, réveille-toi !

« Énergie... »

Elle est là. Elle est venue. Elle a entendu mon appel.

⸻ Tu n'as pas le droit de me faire ça tu entends ! Je te l'interdis Jacob !

Malgré ma faiblesse, je tente de bouger, mais mon corps peine à répondre. Dans un effort qui me coûte mes dernières gouttes de pouvoir, j'entrouvre les paupières.

⸻ Jacob ! Tu m'entends ?!

Je peux alors apprécier son visage meurtri par l'inquiétude et le désespoir. Inconsciente du danger, elle s'approche. Son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien. Ses larmes tombent sur ma peau gelée. Je ressens encore la morsure du titane détruire mes muscles, percer ma chair, mais hypnotisé par la lueur de géhenne dans ses yeux, je parviens à lever la main vers elle. Comme un reptile agile, mes doigts s'enroulent autour de sa nuque pour la rapprocher un peu plus de moi. Je ne suis pas assez fort pour la contraindre à se pencher, mais la force est inutile. Rachele se laisse guider par mes dernières forces jusqu'à ce que ses lèvres touchent les miennes. Supplicié par mon besoin d'énergie, je ne pense plus à rien, je ne vois plus rien. À l'instant où ma proie tombe dans mon piège séducteur, aveuglée par ses sentiments pour moi, je sais d'avance que cette rencontre entre démon et pureté ne nous laissera pas indemnes. Obsédé par sa brillance, je ne la lâche pas des yeux alors que mes lèvres dansent sur les siennes. Douces, suaves, elles accompagnent ma victime dans cette danse macabre pendant que sa lumière commence à panser mes plaies. Son énergie déverse en moi une chaleur incendiaire, ma peau est assaillie de piques et referme les blessures sanglantes. Mon sang se remet à circuler dans mes veines alors que mon poison s'empare de son âme. Le loup a planté ses crocs dans la biche.

Gémissante, je la sens faiblir contre moi. Petit à petit, sa force devient mienne, tout comme sa vie. Elle qui criait de désespoir, il y a quelques minutes, lutte à présent contre le calme mortuaire que je lui impose. Plus j'embrasse ses lèvres, plus elle se laisse aller dans mes bras. Avec lenteur, je la fais basculer sur le côté, sa tête soigneusement épargnée par ma main dans ses cheveux. Avec douceur, je caresse son cou tout en continuant de savourer son être. En dépit de sa faiblesse, son instinct sait que je représente un danger. Avec sa petite main, elle tente de me repousser, mais les rôles se sont inversés. Je suis devenu trop fort pour elle. Pourtant, je sais qu'il faut que je m'arrête. Grâce à ce qu'elle m'a offert, chaque blessure s'est refermée. J'en ai pris assez.

« Encore... »

Ignorant la voix aux intonations funèbres, je coupe le flux d'énergie tout en continuant de câliner sa bouche et son corps. Elle s'est offerte à moi, l'accompagner vers de jolis songes, c'est le moins que je puisse faire. Alors que ses paupières se ferment, je laisse une dernière traînée brûlante sur ses lèvres appétissantes. Puis, tendre, je murmure à son oreille :

⸻ Fais de beaux rêves, princesse.