Jacob
Elle est mal à l'aise, je peux le sentir d'ici. Je retiens un rire moqueur. J'avais presque oublié cette sensation que me procurent les émotions humaines autres que la colère. Cette panoplie de frissons d'énergie qui me nourrit et qui me rend euphorique. Confortablement installé, je me régale de la voir rougir sous le poids de mon regard. Plus que jamais, l'énergie brillante de cette fille devenue femme excite la bête en moi. De ce que je comprends, elle n'est pas non plus insensible aux souvenirs qui la tiraillent. Ces moments que nous avons passés tous les deux et qui refont surface à chaque fois qu'elle croise mes iris noirs. Lorsque ma sœur a prononcé le mot taulard, je me suis empressé de voir comment réagissait Rachele. Je voulais savoir si ça l'effrayait, si ça la mettait mal à l'aise. J'ai eu l'agréable surprise d'y discerner ce combat intérieur qu'elle mène. Elle est en colère parce qu'elle ne sait pas comment réagir face à moi. Elle ne sait pas si elle doit se laisser aller à cette maudite attirance pour le démon ou si elle doit me jeter la pierre. Un dilemme pour la princesse, une aubaine pour le méchant de l'histoire. J'ai envie de jouer !
— J'ai validé mes deux masters avec mention et j'ai été embauchée par le SNA, musée des Sciences Naturelles et de l'Art. Pour l'instant, je tiens l'accueil, je fais quelques visites, mais j'ai dans l'idée de faire une thèse sur les peurs inscrites dans notre subconscient. J'aimerais comprendre pourquoi tel insecte, pourquoi tel tableau, parvient à nous effrayer alors que notre cerveau a conscience qu'on ne risque rien.
Pendant qu'elle m'explique ce qu'elle est devenue, elle triture une mèche de ses longs cheveux. Je souris lorsqu'elle évoque son sujet de thèse. Les peurs instinctives sont aussi particulières qu'intéressantes.
— La peur est une émotion qui m'est familière, n'hésite pas à venir me voir si tu as besoin d'aide.
Ma voix est douce, calme, grave et apaisante. En contraste total avec mon regard de prédateur qui rencontre ses yeux de proie. Elle comprend mon sous-entendu et se tortille pour remettre bien la couverture. La peur, j'aime l'inspirer, l'utiliser. Elle n'a aucun secret pour moi.
— Merci, murmure-t-elle.
Je bois une gorgée de Coca en la regardant mordre sa lèvre inférieure. Encore une fois, elle n'est pas indifférente, ce qui ne m'aide pas à le rester. Si je m'écoutais, je renverrais Mina chez mes parents pour profiter de ce moment seul avec l'âme innocente qui me nargue. Un frisson parcourt ma nuque et lève le duvet sur mes avant-bras.
— Elle a aussi reçu un prix pour ses romans ! s'empresse d'ajouter ma sœur, surexcitée.
Des romans... tiens donc !
— Vraiment ? Et quel genre de littérature écrit notre artiste ? je réponds d'un ton taquin.
Rachele envoie des éclairs à Mina qui vient de me donner une carte en plus. Coincée comme un chat dans une ruelle sans issue, elle attrape un des derniers makis et marmonne dans sa barbe. Conscient qu'elle n'a pas envie de partager cette information avec moi, mais qu'elle y est obligée par Mina, je rajoute un peu d'huile sur le feu :
— Je n'ai pas entendu.
Ouh... Cette fois-ci c'est à moi qu'elle jette un regard noir dénué de compassion, suppliant pour que je la laisse en paix. Dommage, je ne suis pas de ce genre-là.
— Je suis auteure de dark romance, finit-elle par avouer.
Mais le jeu ne fait que commencer.
— Je ne suis pas grand lecteur de romance, cela dit, j'aimerais bien que tu m'en apprennes un peu plus sur ce qu'est la dark romance.
Je retiens un rire en buvant une nouvelle gorgée de ma boisson sucrée. La nourriture humaine ne me sustente pas longtemps, mais elle permet de calmer un peu la faim. Et dans le cas présent, je suis affamé par la demoiselle aux joues rosées.
— C'est assez explicite, non ? intervient Mina. C'est une sous-catégorie qui regroupe les romances sombres, psychologiques, souvent malsaines. C'est tous les fantasmes inavouables qui nous traversent et qu'on a besoin d'extérioriser.
— Intéressant...
— Tu ne m'as d'ailleurs jamais dit de qui tu t'étais inspirée pour Zane Rolls.
À la mention de ce personnage, le malaise de Rachele se transforme rapidement en agacement. Une corde sensible ? A-t-elle peur que je découvre que je ne suis pas son unique fantasme, ou bien a-t-elle peur que je comprenne que le vrai nom de Zane Rolls est le mien ?
— Il commence à être tard, tes parents ne vont pas s'inquiéter, Mina ?
Surprise, ma sœur jette un œil à sa montre et s'apprête à répondre que non, mais j'interviens.
— Oui, il est temps que tu rentres à la maison, le père risque de soupçonner quelque chose si tu restes plus longtemps.
À vrai dire, je suis persuadé que Richard sait pour ma sœur et moi, mais mieux vaut ne pas s'attirer les foudres de cet homme. Absent de la maison, je ne peux pas protéger ma sœur, j'aime autant éviter qu'elle souffre plus que nécessaire.
Comprenant qu'elle est gentiment congédiée, Mina adopte une moue boudeuse, mais ne s'impose pas. La connaissant, cela doit être insupportable de ne pas pouvoir rester pour commérer. Néanmoins, je refuse de rater cette occasion d'être seul avec la jolie Rachele. Elle est faible, fatiguée, un poil énervée. Tout est réuni pour m'immiscer un peu plus dans son âme. Ma sœur attrape sa veste en promettant de nous appeler, pose un rapide baiser sur mon front, puis sort de l'appartement. Bien entendu, je suis un frère indigne, mais qui prend soin de son sang. J'ai prévenu mes hommes de surveiller qu'elle rentre à bon port. Qu'aucun fou n'ait le malheur de demander l'heure à Mina, il y perdrait ses yeux.
Une fois seuls, la tension entre ma proie et moi s'envenime d'un cran. Elle est hésitante et ne va pas tarder à se lever pour aller se cacher. Toutefois, je décide de stopper le jeu pour ce soir et me redresse en premier. Déstabilisée, la jeune femme suit tous mes mouvements. A-t-elle si peur de ce que je pourrais lui faire ? C'est irrésistible.
Porté par mon âme corrompue par le mal, je réduis la distance qui nous sépare et frôle sa joue de mes doigts. L'énergie qui me traverse alors est semblable à celle qui nous liait autrefois. Puissante, sans égale, revigorante. Je sais qu'elle le ressent aussi. Pour que je l'absorbe vraiment, il faudrait que je pose mes lèvres sur les siennes, mais ce simple aperçu me fait frémir. Je suis de plus en plus à l'étroit dans mon boxer.
Devant la stupéfaction qui se lit sur son visage, je souris. Mes doigts sur sa joue dérivent sous son menton. Les picotements suivent mon mouvement, mais ses yeux restent happés par les miens.
— Je voulais vérifier que tu n'avais pas de fièvre.
J'opte volontairement un ton doux et calme.
— Euh... merci, se contente-t-elle de répondre.
Elle essaie d'échapper à mon toucher, mais mon index la force à garder ses yeux ancrés aux miens.
— Tu n'as pas à avoir peur de moi, Rachele. Les hommes que j'ai envoyés à l'hôpital n'étaient pas des innocents. Je ne suis pas ton ennemi, je ne l'ai jamais été.
Mes mots semblent l'apaiser, mais le combat intérieur qu'elle mène est toujours là. Même si elle sait qu'elle ne risque pas de se faire égorger dans son sommeil, elle a peur de cette attirance mutuelle.
— Si tu as besoin de quelque chose, je serais dans ma chambre.
Elle acquiesce en silence, plus sereine. Sur ces mots, je lui laisse un peu de répit et pars m'enfermer dans mon nouvel antre. Toutefois, au moment où mes doigts quittent son visage, la voix lugubre du démon se répercute dans tout mon esprit et mon cœur tressaute.
« Non ! »
Non ? Conscient de son regard toujours posé surmoi, je fais comme si de rien n'était jusqu'à ce que je disparaisse de sonchamp de vision. Une fois seul, je porte une main à ma poitrine. Qu'est-cequ'il vient de se passer ?
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Call Me Monster
HorrorATTENTION ! Cette histoire contient du sexe et de la violence ! Âmes sensibles s'abstenir :) TOUS DROITS RÉSERVÉS. Cette histoire est soumise à un contrat et n'est en aucun cas libre de droit. La plagier est pénalement répréhensible. Le cerveau hu...