Call Me Monster

Chapitre 57 - Rachele

Rachele

Les gouttes de pluie s'écrasent sur la vitre. D'un regard inquiet, je balaye la cour rendue sinistre par le ciel gris foncé. Encore une fois, Jacob est parti sans une explication, sans un mot. Depuis l'attaque, des hommes sont venus renforcer notre sécurité. Cela dit, je continue de sursauter au moindre bruit inconnu. Samuel et Mina se sont remis de leurs blessures, mais quelque chose semble avoir changé. Je ne saurais dire quoi. J'ai l'impression d'être à côté de la plaque, de voir et de ne rien comprendre, d'être celle dont il faut protéger la santé mentale. Les chuchotements qui cessent quand j'arrive dans une pièce ne m'échappent pas. Les regards inquiets de ma meilleure amie non plus. Jacob n'est pas mieux. Dès que je tente de creuser un peu plus, de trouver une explication à ma présence ici, il utilise les réactions de mon corps pour me faire taire. Pas si étonnant venant d'un incube qui est, par définition, un démon associé à la luxure. Faible, je n'arrive pas à résister à ses lèvres charnues, mielleuses, douces, chaudes. D'un simple baiser, il calme mes craintes, apaise mon angoisse. Je le soupçonne d'utiliser sa magie pour ne pas avoir à me répondre, mais je fais semblant d'être dupe.

Je pousse un soupir de frustration. Je peux juste prier pour que le temps passe vite.

Les mains tremblantes, je descends l'escalier le plus silencieusement possible. Dans la cuisine, des voix semblent se disputer. Si au début je presse le pas pour comprendre ce qu'il se passe, je ralentis en entendant mon nom. C'est enfantin, peut-être immoral, mais mon premier réflexe est de me cacher derrière l'une des colonnes pour tendre l'oreille.

— Pourquoi t'occupes-tu des affaires de ton frère ? demande Samuel.

— Parce qu'il s'agit de ma meilleure amie. Je ne veux pas que Jacob lui fasse de mal, elle a déjà bien assez souffert, répond-elle, la voix encore faiblarde.

— Elle n'est pas au courant, j'imagine, lâche Xyu.

— Me cache-t-il autre chose que les agissements de notre père ? s'inquiète Mina.

— Tu n'aurais pas pu te taire ? s'exclame alors Samuel. On n'a pas à se mêler des agissements de Jacob. Rachele est consciente de ce qu'il est, ça s'arrête là.

Richard ? Notre situation serait-elle due à un conflit père-fils ? Mais dans ce cas, pourquoi sommes-nous en danger ? Richard pourrait-il s'en prendre à sa propre fille ? Mon cœur se met à palpiter, mes mains déjà tremblantes deviennent moites. Je ne devrais pas être ici. Je ne devrais pas écouter. Je risque d'être incapable de gérer... Pourtant, je reste. Je continue de maîtriser ma respiration pour entendre chaque mot prononcé.

— Vous allez me dire ce que vous savez à la fin ?

Samuel souffle bruyamment avant de reprendre d'une voix dure.

— Pourquoi penses-tu que Jacob ait séduit Rachele en dépit de sa nature ? Pourquoi penses-tu qu'il l'ait amenée ici ? Tu n'as pas trouvé ton frère étonnamment fidèle et à l'écoute ? Lui qui a toujours enchaîné les femmes, son comportement avec Rachele ne t'a-t-il pas choquée ?

— Bien sûr que si ! s'écrie-t-elle. C'est justement ce qui me fait peur ! Je ne sais pas si je dois le laisser faire ou la protéger de ce qu'il est.

— Personne d'autre ne pourra protéger Rachele mieux que Jacob, répond Xyu, le ton calme. Elle est sa...

— Xyu ! s'interpose Samuel.

— Liin, termine-t-il.

Comme si un éclair venait de la frapper. Mina écarquille les yeux et lâche le verre qu'elle tient dans la main. Son corps se met à trembler alors qu'elle appuie sur sa blessure. Aussitôt, Samuel s'empresse de l'aider à respirer. Au même moment, je pose une main sur mon cœur pour lutter contre la douleur du choc. Je me mets à transpirer, ma poitrine n'est plus qu'un tambour désordonné, mon estomac se contracte. Je tremble, j'ai froid, j'ai chaud.

Non. Ça ne peut pas être ça. Il y a forcément erreur.

Alors que je souffre en silence de peur de me faire repérer, mon regardchemine jusqu'à la porte en face de moi. La raison me dit de remonter dans machambre pour attendre Jacob. Dehors c'est dangereux. Dehors, il peut m'arrivern'importe quoi. Fuir ne résoudra rien. Mais mes sentiments sont au bord del'explosion. Le besoin de hurler m'étouffe. La colère acidifie mes veines,brise les murs dans lesquels je me suis enfermée depuis deux longues semaines. J'aibesoin de quitter momentanément cet endroit.