Chapitre 46 - Jacob

3K 244 19
                                    

Jacob

Trois jours sont passés depuis ma discussion avec Rachele. Trois jours pendant lesquels je l'ai laissée se retrancher dans sa chambre, échanger des banalités et dormir en paix. Chaque soir, j'ai eu envie de la déshabiller et de la prendre à même le sol. Chaque matin, j'ai résisté à l'envie d'écarter ses cuisses pour lécher son intimité. Chaque heure, j'ai lutté contre mon envie de la toucher, de la caresser. Notre lien me rend fou, mon âme hurle au supplice, mais je ne veux pas la brusquer. Je me contente de garder un œil sur elle au cas où Roman aurait l'idée de vouloir s'en prendre à elle. Cela dit, je n'ai pas l'habitude d'être frustré. Résister à mes instincts n'est pas naturel. C'est comme subir les cris d'un million de condamnés à mort sans répit. Quelle aubaine que je puisse défouler mes nerfs sur ce genre de personnage ! Si Rachele fait parfois ressortir l'once d'humanité qu'il me reste, elle éveille tout aussi bien le pire que je puisse devenir.

— Tic... Tac... Tic... Tac...

Ma victime me regarde avec des yeux exorbités tandis que je m'apprête, une nouvelle fois, à lui briser un os. Le craquement plaintif qu'émet le doigt lorsque je le romps me déclenche un frisson de plaisir. L'homme attaché sur la roue en bois hurle de douleur et me supplie de cesser.

Une telle détresse est jouissive...

— J'ai horreur de me répéter alors tu ferais mieux de me dire exactement ce que tu sais, et vite.

— Pitié ! s'époumone-t-il. J'ai une femme et des enfants ! Ayez pitié ! Je n'ai fait qu'obéir !

Je m'esclaffe devant ce pion sans valeur. Il s'avère que ce morveux est le chauffeur qui a conduit le faux Samuel aux rendez-vous avec Roman.

— C'est toujours le même discours. Quand est-ce que vous allez comprendre que je n'ai aucune pitié ? Je ne serais pas obligé d'en arriver là si toi et tes petits copains acceptiez de coopérer !

Je ne dis jamais non à une modeste séance de torture, mais si je peux éviter de me tâcher... L'homme se remet à pleurer comme si je lui avais arraché une jambe. Je détourne la tête, agacé. J'ai déjà tourmenté cinq personnes avant lui, ma patience est mise à rude épreuve. La pile de corps mutilés à côté de moi, tout comme l'air saturé en fer, témoigne de mon acharnement. Néanmoins, je n'ai réussi qu'à obtenir des informations que je connaissais déjà. Ils ont tous été en contact avec ce faux Samuel, mais aucun n'a assez délié sa langue.

Soudain, un coup retentit à la porte. Mon prisonnier tente d'appeler à l'aide. Comme si j'étais assez simple d'esprit pour torturer des humains là où l'on pourrait les sauver. Idiot.

Je m'essuie les mains avant de sortir de la pièce pour aller voir lequel ose me déranger. Mes hommes ont la formelle interdiction d'interrompre une de mes séances au risque d'y passer eux-mêmes. Ce genre de geste inconsidéré ne leur ressemble pas.

Irrité, je traverse le couloir avant d'ouvrir la porte en métal. Je découvre alors Samuel, couvert de sang, tremblant comme s'il venait d'être passé à tabac. À bout de souffle, il s'effondre dans mes bras. Sans attendre, je le conduis avec le plus de délicatesse possible jusqu'à une cellule pour l'allonger sur un lit de fortune. Il est faible et semble souffrir le martyre. Mon premier réflexe est de vérifier l'étendue des dégâts. Samuel est le premier humain à qui j'ai confié mon secret, le premier à m'avoir juré fidélité jusqu'à sa mort. Il n'est pas qu'un simple outil, pas qu'une âme parmi d'autres. Il est celui à qui je confierai ce que j'ai de plus cher. Il n'est pas de mon sang, mais si je venais à le perdre, j'en deviendrais fou. Il est l'exception qui confirme la règle. L'unique pour qui j'éprouve de la sympathie sans qu'aucune magie ne s'en mêle. Hormis peut-être celle du destin.

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant