Chapitre 30.1 - Rachele

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Rachele

— Moi aussi j'aime quand mes proies se débattent.

Cette voix... Jacob ! Surprise, j'ouvre les paupières, sans m'attendre à la scène d'horreur sous mes yeux. Cette sensation de danger qui caresse mon épiderme, cette atmosphère chaude, étouffante et effrayante. Jacob est debout devant mon agresseur, une arme à la main. Colin, quant à lui, supplie le criminel de l'épargner. Sous sa capuche, j'aperçois les yeux de l'homme qui vient de me sauver d'une bien horrible sentence, mais, contrairement au noir profond qui devrait me glacer le sang, c'est un rouge écarlate qui me surprend. Ce n'est pas le seul détail qui me choque. Sa peau est blanche comme de la craie et des tatouages semblant avoir été faits au fer rouge marquent son visage. La folie qui paraît l'animer est palpable et horrifiante. On pourrait croire que son corps brûle tout entier tandis qu'il réclame la mort de Colin.

— Pitié Corbeau ! Je n'ai fait que suivre les ordres, ne me tue pas ! supplie le roux.

Jacob s'esclaffe et écrase le sexe encore nu de Colin sous sa chaussure. Celui-ci hurle de douleur.

— Vas-y, crie, ça me fait bander ! raille-t-il.

La nausée reprenant de plus belle, j'émets un bruit de supplication. Aussitôt, le regard assassin de Jacob se pose sur moi. Ce simple contact suffit à me faire gémir de terreur tant la peur qui s'empare de moi est grande. Ce n'est pas réel, n'est-ce pas ? Ce à quoi j'assiste est, soit une projection de mon esprit pour tenter de survivre au choc, soit l'homme qui vient de me sauver la vie n'est pas humain. Alors que je lutte pour respirer, la poitrine comprimée par l'effroi, les souvenirs de la veille explosent dans mon esprit avant de se mêler à ceux de cette nuit il y a six ans. Celui qui menace mon agresseur de son arme est exactement le même démon qui m'a effrayée lors de la partie de Ouija. Alors tout était vrai ?

Le cœur violemment tailladé par cette constatation, je ne me débats pas lorsque Tyler me détache et m'aide à me rhabiller. Mes yeux restent fixés sur l'être démoniaque qui s'est joué de moi. Mes épaules douloureuses reprennent leur place normale alors que le sang afflue de nouveau dans mes poignets. Le bâillon qui me scie les lèvres tombe sur mes mains tremblantes. Mon corps de nouveau capable de respirer se rebelle, si bien que je vomis dans l'herbe. Tyler, toujours à mes côtés, me tend un peu d'eau. La gorge victime de mes cris et de la sécheresse de mon angoisse, je n'ai pas le luxe de refuser.

Les gouttes d'eau caressant encore mes lèvres, mon regard est irrésistiblement attiré par les supplications que j'entends. À seulement quelques mètres, Jacob frappe Colin. Encore, encore et encore. Je peux entendre ses os se fracturer, son crâne exploser sous la force surhumaine du frère de ma meilleure amie. La masse rousse s'écrase au sol dans une mare de sang alors que le démon continue de le battre à mort avec son arme, le visage éclaboussé du sang de sa victime. Devant cet atroce spectacle, la nausée me prend à nouveau. Tyler pose une main réconfortante sur le haut de mon dos, mais c'est peine perdue. Au même moment, Jacob se redresse en respirant bruyamment, ses vêtements couverts d'hémoglobine. Sans aucun tremblement, il se retourne vers nous et demande à Tyler de partir. Son ami tente de le raisonner, mais finit par s'exécuter sous son regard de damné.

Seule face au monstre, des larmes de terreur dévalent mes joues sans que je puisse les arrêter. À chaque pas qu'il fait, je me traîne à reculons. Par instinct, je le supplie de m'épargner, de ne pas me faire de mal. Je m'excuse sans raison, je murmure des prières. Perturbée par son visage démoniaque et ses yeux fous, les battements de mon cœur s'affolent, je suffoque, je me recroqueville sur moi-même.

Une fois à ma hauteur, il s'accroupit. La lueur de la Lune se reflète dans les taches sanglantes qui parsèment son visage, l'odeur de la mort flotte autour de lui. La capuche de son sweat-shirt remontée sur sa tête lui donne un air d'autant plus menaçant. À seulement quelques centimètres, son parfum océan me saisit. Partagée entre le besoin de fixer son visage et l'envie de fermer les yeux pour échapper à la terreur qui s'insinue dans mes veines, je tremble de façon excessive. Ses doigts remontent alors le long de mon cou avant de m'attirer à lui. Je n'ose plus parler, plus bouger, j'attends comme une condamnée qu'il m'arrache ce que je lui ai donné.

— Lorsque l'on est petit, on nous met en garde et on nous apprend àfaire attention aux inconnus dans la rue. Ce que l'on ne nous dit pas, enrevanche, c'est que le diable est partout, chuchote-t-il. Il se cache parfoisparmi nos plus proches alliés. Il nous séduit, il nous hypnotise, il nous renddépendants. Il crée une bulle fictive dans laquelle il nous enferme et nousrend accros à sa présence. Vous lui offrez votre âme avec passion. Vous nevoyez que lui, vous vivez pour lui. Il joue avec vos faiblesses en vous faisantmiroiter une unique porte de sortie, généralement impossible à atteindre. Puislorsqu'il décide de se révéler à vous, vous avez le réflexe de vous battre,mais il est trop tard, vous avez déjà perdu la partie. 

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant