Chapitre 21 - Jacob

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Jacob

— Je t'en prie Jacob ! J'ai perdu l'esprit, je t'en prie, ne me fais pas de mal.

Une main tendue vers ma victime, je prends mon pied à la voir perdre ses couleurs. Livide, tremblante, elle serre ma paume en évitant mon regard.

— Veuillez m'excuser monsieur Natan, il semblerait que je me sois un peu emportée.

— Veillez à ce que ça n'arrive plus. Mon amie apprécie cet endroit, j'aimerais éviter tout malentendu entre vous et moi.

Pour asseoir un peu plus ma domination, je tends la main à Rachele sans plus de considération pour cette pseudodirectrice. Il me suffirait d'un claquement de doigts pour détruire tout ce qu'elle a construit et elle le sait. Hésitante, la jeune biche finit par poser sa paume sur la mienne pour me suivre à l'extérieur. Dès que nos peaux entrent en contact, un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. Elle est partagée entre une myriade d'émotions, mais elle sait qu'à cet instant, mon aide est précieuse. Mon paternel a toujours dit qu'une main ensanglantée ne donne pas envie d'être serrée. Autrement dit, nous devons être irréprochables sous les projecteurs afin de pouvoir œuvrer en toute tranquillité. Je ne peux le nier, il a tout de même été un bon professeur sur certains points.

— Qu'est-ce que tu fais là, Jacob ? me demande-t-elle une fois à l'abri des regards.

Dans ses yeux, la peur et la colère se mêlent pour donner un étrange ballet.

— Je suis venu enterrer la hache de guerre, confessé-je.

Je retiens de lui dire que ma présence ici est l'exception qui confirme la règle. La seule personne auprès de qui j'accepte de présenter des excuses, c'est Mina. Personne d'autre. Sauf cette blonde aux lèvres irrésistibles. Les paroles de Morwën n'ont cessé de hanter mon esprit. La voix dans ma tête ne se manifeste que quand Rachele est près de moi. Son énergie est d'une rareté précieuse. À chaque fois qu'elle me touche, des frissons parcourent mon corps. Quant à mon envie d'elle, elle m'obsède. J'ai toujours senti une différence venant d'elle sans pouvoir l'expliquer. Mais si on recolle les morceaux, il se pourrait que la meilleure amie de ma sœur soit ce cadeau offert par l'elfe noir. Je ne sais pas encore pourquoi, mais j'ai appris que les coïncidences n'existent pas. Rachele est la seule humaine à m'avoir fait dévier de mon chemin, je doute que cela soit un hasard. Aveuglé par ma nature, j'ai peut-être négligé un élément important.

— C'est gentil d'être intervenu, mais je crains que je ne puisse pas aller déjeuner avec toi.

Mal à l'aise, elle fuit mon regard en jouant avec ses doigts.

— Pourquoi ?

Mon ton est plus agressif que je le voudrais, mais il me coûte d'être ici. Je ne suis pas le prince charmant qui sauve la princesse. Je ne suis pas un homme qui s'excuse. Je ne suis pas celui qui vient supplier. Parce qu'elle m'a toujours intrigué, j'ai décidé de faire le premier pas, il n'y en aura pas de second. Peu importe qu'elle soit mon cadeau, ma malédiction, j'ai renié ma nature pour venir jusqu'ici, je ne vais pas en plus m'agenouiller.

— Est-ce qu'on peut en parler ce soir ?

Oh non, ma belle, tu ne t'échapperas pas comme ça. Je ricane en passant une main dans mes cheveux.

— Tu essaies encore de fuir ce que tu ressens, n'est-ce pas ?

Dans le mile. Déstabilisée, elle me supplie du regard, mais c'est trop tard. La bête est enragée qu'elle me rejette.

— Cache-toi derrière la morale si tu veux, ça ne changera pas tes sentiments pour moi ! Tu joues très mal les femmes froides.

Elle s'apprête à répondre, mais je l'en empêche et la colle contre le mur de la petite ruelle. Mon corps ne touche pas le sien, mais mes lèvres sont à quelques centimètres des siennes. Mon ton est destructeur, mais je perds toute notion de raison.

— Tu aimerais que je sois un gentil garçon avec un travail stable, qui aide les vieilles femmes à traverser, qui t'offre des fleurs ? Désolé de te décevoir, mais ce n'est pas ce que je suis. Avec moi, ton cœur ne cessera de faire les montagnes russes, la peur sera ta plus grande amie, tu brûleras d'une passion empoisonnée. Tu deviendras accro à ces sensations fortes, tu en redemanderas.

— Arrête, s'il-te-plaît.

D'un geste tendre en contraste avec ma colère, j'essuie les larmes qui tentent de conquérir son visage. Je connais chacune de ses faiblesses et je ressens un plaisir monstre à jouer avec.

— Tu sens cette douleur qui te poignarde. C'est tes mensonges. Tu te mens à toi-même lorsque tu dis vouloir un homme bien. Ma noirceur, c'est ce qui te fait vibrer. Tu aimes mon âme torturée, mes sens de prédateur. Tu ne demandes qu'une chose c'est d'être cette proie qui attendrira mon instinct de tueur. — mon regard est affamé, ma main plus pressante — ose me dire que j'ai tort.

À l'image de ma colère, le tonnerre se met à gronder et la pluie à nous inonder.

« Énergie... »

Mon impatience devenant de plus en plus difficile à gérer, je tente de lutter contre le poison qui colore mes veines de noir. Je ne peux pas me montrer sous ma vraie forme à Rachele, pas maintenant. Comme la dernière fois, une douleur fulgurante traverse mon corps. Ma frustration est le moteur de ces crises, mais je ne dois pas la laisser gagner. Ma respiration est chaotique, ma tête est sur le point d'exploser, les intonations lugubres m'encouragent à dévorer celle qui se refuse à moi. Quand ses mains se posent sur mon torse, c'est encore pire. Les flammes s'infiltrent sous ma peau. Mon esprit malmené s'imagine mordre ses lèvres pour en lécher le sang, la faire crier de plaisir, la faire supplier de douleur. La souffrance devenant de plus en plus insupportable, je prends conscience qu'il faut que je m'éloigne de Rachele, mais je ne contrôle plus mes mouvements. Sans même m'en rendre compte, je m'approche dangereusement de sa bouche entrouverte. Ses soupirs me blessent un peu plus alors que les battements de son cœur excitent le prédateur. Tremblant, je caresse son cou du bout des doigts en suivant ses larmes. Je ne comprends pas cette douleur qui me brûle de l'intérieur, mais je peux me rappeler les paroles de Morwën. Elles sont lointaines, mais bien présentes. Pourtant, je n'ai jamais ressenti un besoin d'énergie aussi violent. Pourquoi maintenant ?

— Tout va bien, mademoiselle ? raisonne alors une voix masculine.

Cette interruption renforce la terrifiante adrénaline qui brise mes os et déchire ma chair. Mon regard remonte instinctivement vers celui de Rachele. En silence, il lui ordonne de faire comme si tout était normal. Elle est perdue, paniquée. Elle ne comprend pas ce qu'il se passe, mais elle comprend que cet homme risque gros en s'opposant à moi. Dans un effort surhumain, je tente de lutter encore quelques minutes. Consciente de mon mal-être, Rachele prend les devants et lie ses doigts aux miens.

— Que c'est gênant ! dit-elle en se décalant légèrement. Je vous prie de nous excuser, ce n'était pas très approprié, mais je viens de retrouver mon copain après plusieurs semaines...

Avec brio, elle transforme ses pleurs de tristesse en pleurs de joie. Malgré l'incendie qui me dévore, j'esquisse un sourire. Ne serait-elle mauvaise actrice qu'avec moi ?

Saisissant l'opportunité de s'échapper, elle s'approche de moi et dépose un baiser sur ma joue avant de s'éclipser en s'excusant une énième fois auprès de l'individu. Alors qu'elle s'éloigne, la douleur s'atténue juste assez pour que je puisse faire face au fou qui vient de faire fuir Rachele. Un grand blond, habillé d'un polo et d'un pantalon beige. Le parfait garçon de bonne famille qui se propose de porter les courses de ses voisins.

— Vous ne devriez pas la traiter comme ça, me sermonne-t-il.

— Est-ce que vous m'avez vu porter la main sur elle ? grogné-je.

— Non, mais j'ai vu votre âme démoniaque tenter de s'emparer de la sienne.

Tandis qu'il prononce ces mots, mes yeux parcourent sa tenue à larecherche de ce symbole qui m'a hanté pendant cinq ans. Je le repère sur lebracelet en titane à son poignet. Un soleil se voulant plus brûlant que le feudes enfers, plus lumineux que la Lune. Je comprends mieux pourquoi cet homme aeu le culot de s'interposer. Je ricane. Contrairement aux humains lâches etsans discernement, les fils de Reian ont ce don pour sentir les énergies desdémons. Et celui-ci a cru bon de me retirer ma proie. 

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant