Chapitre 34 - Rachele

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Rachele

Du sang encore et encore... Toujours plus de sang...

La douleur est intense, la chaleur me comprime la poitrine!

Cours.

Je vois ses yeux noirs. Je ne peux pas me soustraire à lui. Il me traque comme le loup qui pourchasse sa proie.

Fuis.

La bête est là, elle me cherche.

Crie.

Je tente de lui échapper, mais je sais que je ne le peux pas. Il me rattrapera, peu importe où j'irais. Il sera près de moi. Encore et toujours. Je peux sentir son regard brûler ma peau.

Respire.

J'étouffe. Il a conscience que je suis à bout de force. Il sait que je suis à sa merci. Il ne désire pas me tuer. Non. Il aspire à bien plus. Oui, le chat veut s'amuser.

Meurs.

Il va me détruire. Il possède mon âme et mon enveloppe charnelle. J'ai renoncé, je lui ai tout donné.

Il est mon diable à moi. Je suis son ange à lui.

Azakiel...

Je m'éveille en sursaut, la respiration saccadée et la gorge sèche. La douleur de mon corps ne tarde pas à me rattraper. J'ai la sensation d'avoir été piétinée par une ruée de chevaux en colère. Le sang martèle dans mes tempes alors que la nausée m'agrippe l'estomac.

Il faut que je me détende.

Comme l'on me l'a appris lors des cours de relaxation, je me mets à détailler tous mes points de contact avec le matelas. Cette technique de sophrologie est l'une des plus efficaces pour rassénérer l'esprit. Néanmoins, malgré mes nombreuses tentatives pour respirer et me concentrer sur les mouvements de mon ventre, je continue de trembler. Puis, avec violence, la brume qui recouvrait mes souvenirs se soulève et les évènements de la veille me reviennent en mémoire. Shanna, Colin, le regard de Jacob, son arme... Le coup de feu, le sang... Je n'ai pas le temps d'appréhender ce qu'il se passe que je me précipite aux toilettes et rejette le peu qu'il me reste dans l'estomac. La bile me brûle la gorge alors que les contractions me font tourner la tête. Une chaleur étouffante m'entoure. Ce que j'ai vu ne peut pas être vrai, si ? Je n'ose imaginer ce que m'aurait fait Colin si Jacob n'était pas intervenu. Et s'il était arrivé trop tard ? Des milliers de pensées me submergent si bien que je manque de tomber à la renverse.

La douleur qui pulse dans tout mon être m'empêche de voir autre chose que les images horribles de mon agresseur. Souvenirs qui se superposent aux yeux rouge sang de Jacob. Je peux encore ressentir les mains de Colin sur moi, le souffle de Jacob contre ma peau. Dans un cas, le dégoût, dans l'autre la peur. Prise d'un nouvel élan, je me penche de nouveau sur la cuvette. Je m'y accroche comme si ma vie en dépendait. Je tente d'organiser mes pensées, de discerner le vrai du faux, mais faible et fatiguée, je m'écroule contre le mur. Au même moment, Jacob arrive dans la salle de bain, alerté par mes vomissements.

Vêtu d'un simple short, il s'approche de moi et tire la chasse d'eau. Par instinct, j'ai un mouvement de recul. Si mon esprit perturbé n'arrive plus à reprendre le dessus, mon âme se souvient de l'horreur que j'ai ressentie devant la violence de cet homme, de la peur que m'ont inspirée ses yeux vermeils. Sans un mot, il attrape un verre qu'il remplit au robinet avant de me le tendre. Tremblante, je reste quelques secondes à regarder ses doigts aux bagues argentées.

— Rassure-toi, ce n'est rien d'autre que de l'eau, raille-t-il.

Avec hésitation, la gorge nouée, cédant à ma trachée asséchée, je prends le verre qu'il m'offre. Assoiffée, je bois quelques lampées du bout des lèvres. Pendant ce temps, il s'empare de ma brosse à dents qu'il recouvre de dentifrice. À nouveau, il me la tend. En réponse, j'ai un nouveau réflexe de recul, le corps secoué de frissons terrifiés. Cela dit, son haussement de sourcil me fait dire qu'il n'est pas d'humeur. Sans me faire prier, luttant contre l'envie de prendre mes jambes à mon cou, j'accepte et lave mes dents. Trois longues minutes passent pendant lesquelles je prie pour qu'il s'en aille, mais contrairement à ce à quoi je m'attends, il s'adosse à l'évier, les bras croisés, et patiente jusqu'à ce que je finisse.

Avec difficulté, je me remets debout pour rincer ma bouche. Si je parviens à tenir quelques secondes, un nouvel élancement me fait perdre l'équilibre. D'une rapidité surhumaine, Jacob me rattrape dans ses bras, puis m'aide à m'agripper au lavabo. J'ai honte. J'ai peur. Mais je suis condamnée par ma faiblesse. Alors que je me redresse pour jeter un œil dans le miroir, mon regard croise le sien. La noirceur que j'y décèle me fait frémir. Son image de dieu grec au torse athlétique se confond avec celle du démon il y a six ans et les jointures de mes doigts accrochés au meuble blanchissent. Ma respiration s'accélère. Mon rythme cardiaque se désordonne. Je suis incapable de tenir plus longtemps ses iris noirs. Effrayée, je détourne les yeux et calcule l'angle le plus approprié pour sortir de la petite pièce. Qu'il soit humain ou ténèbres, je ne fais pas le poids contre lui, je ne dois pas montrer les tremblements de mon corps. Avec lenteur, comme si je voulais contourner un lion, je me retourne et essaie de passer à côté de lui sans le toucher. Malheureusement pour moi, Jacob n'est pas qu'un homme atteint de folie. Il est intelligent, perspicace, c'est un chasseur. Je pensais qu'il était le roi des criminels de la ville, je me suis trompée. Il est plus que ça. Il est le prince des vilains, celui à qui rien n'échappe, celui que tout le monde craint. Je pensais que c'était une métaphore, mais j'ai réellement vendu mon âme au diable.

Un rire sarcastique s'échappe de ses lèvres. Ce son mélodieux, mélange entre beauté et terreur, me glace le sang. Sans me laisser le temps de comprendre, il m'attrape par la taille et me colle contre le mur. Surprise, mes lèvres s'entrouvrent, mais le cri reste bloqué dans ma gorge. Son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien, son corps brûlant réchauffe ma peau glacée par la peur et le réveil douloureux. Avec lenteur, sa main s'empare de mon menton.

— Tu as scellé un contrat avec moi il y a à peine quelques heures, tu veux déjà le rompre ? 

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant