Chapitre 39 - Jacob

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Jacob

J'attends dans l'ombre que ma proie sorte de sa cachette. La diversion de Mina m'a permis de reporter ma discussion avec Rachele et de mettre au point un plan pour ce soir. La nuit me rend invincible. Le vent froid qui entre en contact avec ma peau en feu est comparable à une caresse mielleuse. Le bruit des voitures couvre ma présence à l'instar de l'agitation humaine. Je suis dans mon élément. C'est fou comme quelque chose de si anodin qu'une traque peut me faire prendre mon pied.

Monica James a été l'une des rares erreurs de ma carrière et, à cause de cela, elle a permis à Roman de m'enchaîner pendant cinq ans. Je ne compte pas lui permettre de s'en tirer une seconde fois. Cette femme a voulu leurrer un ange déchu, mais n'a pas pris conscience de ce que ça coûtait. Si en temps normal, le prix des péchés est élevé, il devient fou lorsque le démon s'aperçoit que vous vous êtes joué de lui. Duper le Diable est une action suicidaire. Même s'il doit attendre vingt ans, personne n'échappe à la vengeance d'un être démoniaque.

Lorsqu'enfin la scandaleuse Vanessa se décide à franchir l'entrée de l'hôtel, mon envie de sang s'éveille un peu plus. Un sourire malsain étire le coin de mes lèvres.

— Oh ! Monica...

Mes yeux parcourent son corps. Elle est vêtue d'une jolie robe bleue, d'un long manteau marron et d'escarpins noirs. Quel dommage de devoir salir une si belle tenue !

Lentement, j'entame ma traque. Je la suis à travers les ombres alors qu'elle marche le long du trottoir. Je suis aussi silencieux qu'un chat. Ma victime ne peut pas se douter un seul instant de ma présence. Elle considère que les picotements de sa peau et les hérissements de poils proviennent de l'air frais, mais il n'en est rien. Ses talons résonnent sur le sol à chacun de ses pas. Les autres humains autour de nous ne soupçonnent rien de ce qu'il se passe sous leurs yeux.

Elle avance sans jamais se retourner malgré la légère tension dans sa nuque. Son numéro marcherait peut-être pour n'importe quelle créature dénuée de pouvoirs, mais mes aptitudes couplées à mes sens aiguisés se repaissent de la moindre perle d'angoisse.

Ses jambes élancées la guident jusqu'à un petit café d'apparence anodine qui recèle bien plus de secrets qu'il ne le laisse paraître. Dans notre milieu, il n'est pas difficile de reconnaître ce genre d'endroit. Il ne me faut que quelques secondes pour remarquer les soi-disant habitués qui sont, en réalité, des hommes armés prêts à défendre. J'émets un rire moqueur. Je n'aurais besoin que de quelques secondes pour tous les neutraliser, mais cela réduirait le plaisir de chasser.

Monica s'installe au fond de la salle toujours inconsciente de ma présence. J'entre à mon tour et m'assois à une table dissimulée derrière d'autres groupes. Le comportement des chiens de garde montre qu'ils la connaissent bien. Vanessa aurait-elle profité de sa position pour jouer avec les sous-fifres ?

Alors qu'elle commande un café, un homme d'une quarantaine d'années, habillé d'un smoking sombre taillé sur mesure, vient se joindre à elle. Étrangement, son corps se crispe un peu plus. Elle déglutit avec difficulté avant de lui prononcer quelques mots à voix basse. Je souris. Quelle aubaine que je puisse lire sur ses lèvres ! Samuel a dû s'assurer de lui laisser quelques indices angoissants puisqu'elle lui demande le nom de la personne qui la recherche. Sa réaction à la réponse de l'homme suffit à me conforter dans mes déductions. La crainte s'empare de ses yeux, sa paume ainsi que ses doigts fins se resserrent autour de la tasse de café tandis que son autre main se referme jusqu'à blanchir ses phalanges.

Chaque être à une odeur qui lui est propre et la peur de Monica James alias Vanessa Ditore emplit l'atmosphère de façon entêtante. Son regard balaye la pièce sans me remarquer. Je jubile derrière mon chocolat chaud. Après tant d'années à travailler ensemble, Samuel connaît mes méthodes sur le bout des doigts. Il sait à quel point j'aime éveiller les pires émotions chez mes victimes. La torture psychologique est l'un des petits plaisirs que je ne peux pas me refuser.

Un regard à la serveuse qui passe près de là suffit à la faire se retourner vers moi. Un sourire ravi se dessine sur ses lèvres. Il est clair que mon charme ne la laisse pas indifférente.

— En quoi puis-je vous être utile ? s'enquit-elle.

— Voudriez-vous apporter un long black coffee à la femme blonde là-bas ? dis-je en lui montrant ma proie du doigt.

La demoiselle paraît déçue, mais acquiesce. Je jette un dernier coup d'œil à Monica dont les mains tremblent. Elle tente d'en savoir un peu plus, mais l'homme ne semble pas pouvoir satisfaire plus sa curiosité et apaiser ses craintes. Cela dit, elle aura bientôt la réponse à sa question.

À nouveau, un rire m'échappe. La serveuse dépose le café devant ma proie qui écarquille les yeux de surprise. La jeune femme se retourne pour me montrer du doigt, mais j'ai déjà disparu. Monica ne met pas longtemps à comprendre. Elle attrape son téléphone, la panique au ventre, et passe un coup de fil à son chauffeur. Sa tentative d'évasion m'amuse. Pense-t-elle donc que j'ai négligé certains détails ? Pauvre petite chose, si elle savait.

Une dizaine de minutes plus tard, une berline noire aux vitres teintées se gare devant l'immeuble. Monica reconnaît la voiture et se hâte de saluer l'homme avant de sortir en trombe. Caché parmi les ombres à quelques pas de l'entrée, elle ne s'aperçoit pas de ma présence. Paniquée, elle ouvre la portière arrière, puis la referme comme si sa vie en dépendait. Malheureusement pour elle, son empressement vient de la faire tomber dans la toile que j'ai tissée. Bientôt, il n'y aura plus aucune trace de son existence. Ce chemin la conduit directement à la mort. Le vent a caressé pour la dernière fois son corps sculpté.

Je sors de l'ombre et me dirige à mon tour vers le bolide. J'ouvre la portière passagère et m'assois sans un mot tandis que la capuche de mon sweat noir cache mon visage.

— J'ai dit que nous en avions fini ! s'égosille-t-elle sans me reconnaître.

Je tourne la tête vers Xyu qui ferme les portes de la voiture à clé, avant de repositionner ses mains sur le volant. La femme assise sur la banquette arrière tente aussitôt d'actionner en sens inverse le mécanisme. Un sourire diabolique naît aux coins de ma bouche. Xyu est un démon inférieur à moi, mais possède un pouvoir de télékinésie développé, empêchant ainsi ma victime de s'échapper.

— Laissez-moi sortir !

J'abaisse le pare-soleil et retire mon capuchon noir, dévoilant ainsi mes traits dans le petit miroir. L'effroi enivre ma proie alors que je me nourris de la moindre goutte de peur. Le plaisir que cela me procure est tel que l'envie de baiser, couvert du sang de Monica, me vient à l'esprit. De plus, la femme qui accompagne mon fantasme à des traits bien définis. Pénétrer Rachele enduit de l'hémoglobine de mes victimes me ferait presque gémir.

— Pitié, m'interrompt-elle.

Je m'esclaffe d'un rire mauvais.

— As-tu eu de la pitié pour celle que j'ai tuée à ta place ?

Se sentant vouée à la damnation, elle se met à hurler et à frapper férocement sur la vitre, avant de s'acharner sur la portière. Comme il est amusant de voir un insecte sur le point de mourir se débattre. L'instinct de survie prend le pas sur tout le reste, tentant vainement de sortir de l'impuissance.

J'ordonne à Xyu de démarrer, puis me retourne vers Monica. Lorsque sesyeux rouges et pleins de larmes croisent les miens, elle sait qu'elle estcondamnée. Sans un mot, j'enfonce l'aiguille dans son artère puis : unedernière respiration, un ultime souffle, un dernier regard en arrière, avantque son rêve ne devienne un cauchemar...

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant