Chapitre 6.1 Jacob

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Jacob

Discret, je déambule comme une ombre à travers les passants sur le trottoir. Il est assez fascinant de les voir évoluer sans se rendre compte du possible danger qu'ils rencontrent. Si j'avais une arme, la plupart ne s'en apercevraient même pas. Les plus réceptifs aux auras lèvent la tête sur mon passage, mais replongent vite dans leur vie quotidienne. Ils ne comprennent pas les sensations qu'ils ressentent et les oublient dans la seconde qui suit. Quant aux autres, être aveugle leur convient et leur smartphone est leur meilleur ami. Malgré ma différence de nature, il est facile de me fondre dans la masse dans ce monde moderne. Les humains ne font même pas attention à leur propre espèce alors à un être supérieur ?

Un rictus amusé aux lèvres, je tourne à droite dans une petite ruelle. Le mauvais temps est idéal pour ce genre de rencontres. Les gens sont pressés et ne font pas attention à nous. Quant aux nuages, ils nous préservent de la lumière. Nous sommes des créatures des ténèbres, les ombres nous sont plus favorables que la lumière.

Je m'avance vers la petite cour où nous avons convenu de nous retrouver. C'est alors qu'une étrange impression m'étreint. L'homme en face de moi est bien celui que je dois voir, pourtant, mon alarme intérieure résonne. Mon instinct ne me trompe jamais et, à cet instant, il me dit qu'il se trame quelque chose d'anormal. En alerte, je jette des coups d'œil autour de moi. Roman et mon géniteur ne sont pas mes seuls ennemis. Lorsque vous êtes au sommet de la pyramide, beaucoup tentent de vous prendre votre place, peu importe que vous y surviviez ou non. D'autant plus que Bryan est un contact dont il faut se méfier. Il deale des informations pour un certain nombre d'autres personnes et n'est pas réputé pour sa fidélité.

J'observe avec attention mon environnement. Nous sommes entourés de bâtiments qui délimitent l'espace et trois conteneurs d'ordures sont dispersés. Il n'y a pas beaucoup de possibilités pour fuir, mais les deux ruelles à proximité pourraient abriter des pions. Le criminel en face de moi semble agiter ce qui ne fait que confirmer mon pressentiment. Il est vêtu d'un jean troué, d'un tee-shirt blanc assez sale et d'une veste rongée par le temps. Il ne lui reste plus beaucoup de cheveux sur la tête, bien qu'il ait une assez longue barbe rousse. Son visage sale et souillé ne reflète plus aucune vie. Pour couronner le tout, il ne cesse de renifler et de se toucher le nez, signe clinique typique du drogué. Pas besoin d'être devin pour savoir comment ce gars terminera sa vie. Tout en restant méfiant, je m'approche de lui.

— Ça faisait longtemps Corbeau, commence-t-il d'une voix éraillée. Tu t'es bien amusé en taule ?

Sa voix rauque et désagréable m'irrite les tympans.

— On peut dire ça, je réponds en le fixant.

Le regard malaisant est une technique que j'affectionne tout particulièrement. La plupart du temps, les malfrats ne résistent pas à cette attaque et cèdent sous le poids de mon influence. Je sais que celui-là ne tiendra pas longtemps avant de commettre une erreur sous la pression.

Je ne suis pas le cauchemar des Hommes pour rien...

— Tu as dû te faire toutes les chattes du coin en sortant, s'esclaffe-t-il.

Sa vulgarité est à l'image de sa tête : déplacée. J'aime le sexe, homme ou femme, je n'ai aucune considération pour eux, mais j'essaie au moins de faire ça avec classe. C'est ce qui me différencie des autres prédateurs : j'essuie le sang sur mes lèvres.

— Je ne suis pas là pour discuter de mon organe, Bryan.

Chaque seconde peut représenter un danger dans ce genre d'entrevue. J'ai autre chose à faire que perdre mon temps avec cet idiot.

— Elle doit être exceptionnelle pour que toutes les femmes en parlent, continue-t-il.

Comprenant qu'il cherche à gagner des secondes en me contant mes talents d'amant, je m'esclaffe d'un rire sinistre. Amateur. Je n'ai pas besoin de ce fou pour connaître ma valeur dans ce domaine et alors qu'il pense accaparer mon attention, je remarque un mouvement à ma droite. Je n'ai même pas eu à détourner les yeux de ma cible. Agacé, je fais claquer ma langue contre mon palais. S'ils pensent que la prison m'a ramolli, ils se trompent lourdement. Les tortures des disciples de Reian n'ont pas été tendres, j'en porte encore les cicatrices, mais l'art de tuer est dans mon A.D.N.

— Comme je suis de bonne humeur, tu as encore le choix. Soit tu me donnes ce que je veux et tu dis à tes gars de dégager, soit je te fais sauter la cervelle.

Les pupilles de ma victime s'écarquillent. Il s'agite et piétine, pris au dépourvu. Au même moment, le métal froid d'un revolver se poser sur ma tempe. Il ne me faut qu'un coup d'œil pour comprendre que je suis face à des débutants. Tenir son arme d'une seule main le bras tendu est la meilleure position possible pour vous faire désarmer. Nullement impressionné, je reste de marbre. Sortent alors des poubelles, trois autres hommes. Une rapide analyse me permet de voir qu'il s'agit en réalité de camés certainement en manque de cocaïne. Je me demande combien on leur a promis pour un tel suicide. J'estime ma vie à une petite fortune tout de même !

— Si c'est ton choix, je conclus.

Rapide, je désarme d'un geste vif celui qui me menace en lui donnant un coup entre les côtes. Un deuxième tente de me poignarder pendant que je ramasse le revolver, mais je l'évite de justesse. Furieux de m'avoir raté, il essaie de nouveau, mais me loupe une seconde fois. Je m'esclaffe devant tant de maladresse. C'est vraiment ça que l'on a envoyé pour me tuer ? Même avec un œil et une main en moins je pourrais venir à bout de ces cafards.

Sur les nerfs à cause du manque, mon rire le fait sortir de ses gonds. Sans même analyser ma position, il s'élance alors vers moi, lame tendue. Grave erreur. Au moment où il pense m'avoir planté, mon coude s'écrase sur sa trachée et il retombe à terre en s'étouffant. Alors que je m'essuie la lèvre inférieure avec la pulpe de mon pouce, je lance un regard à Bryan. Dans ses yeux l'affolement. Je n'ai pas acquis ma réputation sur de simples rumeurs. J'ai fait des choses que ces drogués n'imaginent même pas. Il suffirait que je me montre sous ma forme de démon pour qu'ils chient dans leurs frocs.

Dans un ultime élan d'inconscience, Bryan ordonne l'attaque à ses deux derniers sbires. Sans une once d'hésitation, je tue le premier en l'éventrant pendant que le deuxième prend la fuite.

Mauviettes.

Une fois débarrassé de la racaille, je ramasse l'arme non loin de moi et me retourne vers mon soi-disant informateur. Je suis couvert de sang, mes yeux reflètent ma haine. Ma respiration rapide trahit les envies meurtrières qui s'emparent de moi. La bête qui me possède se nourrit de ce que j'accomplis et en demande toujours plus. Toujours plus de sang, toujours plus de cris. Mon hémoglobine brûle dans mes veines. Je vais laisser libre cours aux ombres qui parcourent mon corps sur ce déchet. Ne dit-on pas que le meilleur moyen de résister à la tentation c'est d'y céder ? Le Corbeau est bien de retour et décidé à se venger. Je suis un vampire qui se nourrit de l'énergie vitale de ses victimes, un ange noir qui se régale des âmes de ses ennemis. Alors que je bouillonne sous la transformation qui s'opère, l'animal démoniaque rugit.

Pris d'une terreur sans nom, Bryan se recroqueville à terre contre une poubelle tandis que je m'approche tel un prédateur en chasse. Risible. C'est tellement pathétique qu'un nouveau rire sinistre m'échappe. En réponse, et comme tous les autres, il tente de plaider pour sa vie.

— Pitié !

Quel dommage que je n'en aie aucune ! 

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant