Rachele
Dévorée par la souffrance, il est difficile de réapprendre à vivre. Depuis cette nuit où Jacob a été plongé dans le néant, je ne suis plus qu'une enveloppe vide. Parfois, je me mets à pleurer sans raison. Tous les gestes du quotidien qu'il faisait avec moi me donnent la nausée. La seule chose qui me prouve que l'homme que j'aime n'a pas totalement disparu, qu'il existe quelque part entre deux mondes, c'est que je suis toujours en vie. Au-delà d'être la Liin de Jacob, je suis la Liin d'Azakiel. Et tant que son âme existe quelque part, même si elle brûle dans les flammes de l'Enfer, je demeure. Sa phrase ne cesse de me revenir : « les Liin sont vouées à se trouver ». Alors chaque jour, je supplie pour qu'il me soit rendu. Et chaque soir, je pleure son absence.
La pluie tombe à flots, le tonnerre gronde. Mon regard suit la goutte d'eau qui trace un sillon parmi les autres et la buée qui s'installe doucement sur le carreau de ma fenêtre. Mon chat est allongé sur mes genoux et ronronne à chaque passage de ma main sur son poil doux. Heureusement que j'ai pu le récupérer. Il est l'un des piliers qui m'empêchent de m'effondrer. Ce confident qui sait tout et me rassure d'un regard.
En dépit de la menace résolue, nous avons décidé de rester dans la planque du groupe. Ce grand chalet en bois possède assez de chambres pour nous tous, en plus d'une spacieuse salle à manger chaleureusement décorée, d'un salon confortable et d'un sauna. Idéalement située, entourée d'une petite forêt n'appartenant pas au terrain et non loin d'une voie rapide, la maison a un vaste jardin embelli par de nombreuses plantes. Je soupçonne ces herbes d'être bien plus utiles qu'un simple ornement, mais je ne me suis pas penché sur le sujet.
J'aurais pu retourner dans mon appartement, mais j'ai ressenti le besoin de rester auprès de Jacob. Bien que l'on m'ait informée de la possibilité qu'il ne revienne jamais, j'ai espoir qu'il lutte toujours en silence. Il m'a demandé de l'attendre, alors, je passe mes journées à patienter. Que je sois à table, en train de sommeiller, dans une discussion, au travail, même pendant de nos soirées, je ne cesse d'escompter qu'au moment où on s'y attendra le moins, Jacob renaîtra.
Les battements de mon cœur sont réguliers, la peur a laissé place au vide. Comme un fantôme qui ère, je continue de nourrir mon corps, de le laver, de le faire bouger. En société, je mime une panoplie diverse d'émotions alors qu'en réalité seule quelques-unes me traversent, si tant est que je les ressente.
En ce soir de pluie, je me sens seule, dénuée d'envie et de joie. Peut-être n'ai-je pas encore accepté la vérité ? Je ferme lentement les paupières, mais les rouvrent instantanément en visualisant le visage de porcelaine de Jacob. En dépit de mes efforts, je ne peux enlever son image de ma mémoire. Elle me revient comme un boomerang que je ne cesse de relancer, tout en étant toujours plus douloureux à rattraper. Jacob n'aurait pas voulu que je m'effondre, alors j'ai repris ma vie, j'ai changé de boulot, je tente de faire bonne figure, mais à certains moments comme celui-ci, j'ai besoin de laisser tomber le masque. L'homme que j'aime n'est plus qu'une statue, allongée dans un lit, froide, immobile. Comment soigner cette douleur qui pulse dans ma poitrine ?
Tout à coup, j'observe une berline bleu nuit se garer dans l'allée. Je fronce les sourcils en voyant une grande silhouette vêtue d'un long capuchon noir émerger du véhicule. Comme un fantôme, une fumée, il s'avance vers l'entrée puis disparait de mon champ de vision. À l'instant où la sonnette retentit, mon cœur rate un battement. Et si un de nos ennemis avait survécu ?
Prudente, j'ouvre la porte avec discrétion. Je suis rassurée de voir Mina laisser entrer l'invité surprise, qui est lui-même suivi de trois autres capuchons noirs. Comment ont-ils su que nous étions là ? Qui sont-ils ? Est-ce des gangsters ? Les palpitations de mon cœur déjà rapides s'intensifient alors que Mina pointe du doigt ma chambre. Je referme la porte en tentant de me remémorer à qui j'ai pu parler ces derniers temps. Des images défilent dans mon esprit sans pour autant que je puisse associer la haute forme fantomatique à une personne que j'ai rencontrée auparavant.
— Rachele ! m'interpelle Mina.
Bon, tant pis. Peu importe qui est cette personne, je dois faire comme si je me souvenais d'elle. Avec une rapidité déconcertante, j'efface le trouble sur mon visage et descends à la rencontre de notre invité mystère. Alors que je décompte les marches une à une, les quatre hommes se retournent. Je retiens un hoquet de surprise face aux êtres surnaturels à l'odeur florale qui se dressent devant moi.
Dotée d'une fine couronne en argent décorée de pierres précieuses, la créature semble être bien plus importante que ce à quoi je m'attendais. Il a une peau lisse et grise, de longs cheveux noirs et des yeux rouges possédant une obsédante pupille dorée. Celui qui se tient à sa gauche a une peau d'un violet sombre assez étonnant, une chevelure blanc os et des yeux rouges à la pupille brune. À sa droite, un autre homme de la même espèce me regarde. Il a une peau presque noire, des cheveux argentés, des yeux rouges et une pupille orange, il me fait penser à un chat. Enfin, le quatrième possède une peau grise, de longs cheveux argentés, des yeux rouges comme les trois premiers, mais ses pupilles sont jaunes. Tous me fixent, attendant que j'aie descendu la dernière marche. L'homme vêtu de la couronne s'avance alors vers moi puis me tend sa paume.
— Veuillez excuser mon arrivée soudaine. Je suis Advar Mynderilgol, roi des elfes noirs.
Avec lenteur, il s'incline. Quelque peu perdue, j'en fais de même.
— Rachele Campora, je réponds en prenant sa main froide.
— Jacob Natan m'a expliqué qui vous êtes, mademoiselle. Je suis ici afin de le représenter et d'accéder à une des requêtes qu'il a émises avant de sombrer dans sa stase végétative actuelle. Pourrions-nous discuter dans un endroit un peu plus clos ?
Ma gorge se serre alors que je lui montre le chemin vers la bibliothèque. Je les laisse avancer les premiers avant de jeter un coup d'œil inquiet à mon groupe d'amis. Si tous haussent les épaules, Samuel me rassure d'un doux signe de la tête. J'imagine qu'il est le seul dans la confidence. Venant de Jacob, cela ne m'étonne guère. Je suis mes invités surprises jusqu'à la bibliothèque. Le roi prend place dans l'un des grands fauteuils alors que ses hommes s'éparpillent de part et d'autre de sa personne. Pour ma part, je prends le siège en face de lui.
— Tout d'abord, je tiens à vous rassurer, nous ne sommes pas là pour vous faire du mal. Quant à vos émotions, elles sont tellement puissantes que j'en ressens chacune d'entre elles. Vous n'êtes pas obligée de faire semblant en ma présence.
Sa remarque me fait l'effet d'une gifle, mais sa voix apaisante et grave vient réconforter mon cœur meurtri. Je ne relève pas, mais la boule dans ma gorge se desserre quelque peu.
— Je suis curieuse de savoir quelle requête a pu faire Jacob. Ne concerne-t-elle que moi ?
Advar me lance un sourire que je ne parviens pas à déchiffrer.
— Je comprends votre impatience, néanmoins, mon discours va requérir de votre part une attention toute particulière. Êtes-vous prête ?
Je hoche positivement la tête en fixant les pupilles dorées du roi quise penche un plus vers moi.
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Call Me Monster
HorrorATTENTION ! Cette histoire contient du sexe et de la violence ! Âmes sensibles s'abstenir :) TOUS DROITS RÉSERVÉS. Cette histoire est soumise à un contrat et n'est en aucun cas libre de droit. La plagier est pénalement répréhensible. Le cerveau hu...