Chapitre 18 - Jacob

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Jacob

Énervé, je rabats ma capuche et dévale les escaliers. Je n'ai jamais obéi à personne, je n'ai jamais été faible. Me faire éjecter d'un esprit, saigner du nez, laisser Rachele gagner notre combat, c'est impossible ! Je comprends pourquoi le chat n'a pas réagi. Cette femme cache quelque chose. Personne n'est capable de faire ce qu'elle a fait. Personne !

⸻ Mais qu'est-ce qui m'arrive bordel de merde !

La porte de l'entrée cogne dans le mur sous ma force. Fou, je passe une main sur mon visage. Le temps pluvieux rend la scène encore plus invraisemblable. Mina m'a demandé de ne pas lui briser le cœur, mais je ne savais pas que cette enfant était amoureuse de moi. Ses larmes, ses questions typiquement féminines, j'aurais dû m'en apercevoir plus tôt. Il y a cinq ans, elle me regardait déjà avec ces yeux enamourés, mais je pensais que c'était sa façon de réagir à mon charme. Or, ce soir, sa réaction inquiète, sa colère, son courage. Tout m'a démontré que ce n'était pas un simple désir sexuel exacerbé. Le pire dans tout ça ? Si elle n'était pas la meilleure amie de ma sœur, j'aurais joué de ses sentiments pour l'amener à faire ce que je veux. Je l'aurais séduite pour qu'elle m'offre son énergie, son corps, son âme. J'aurais savouré la moindre larme, j'aurais ri de ses supplications.

Un ricanement m'échappe.

Dionyssan teste-t-il mes limites ? Ma résistance ? Ma capacité à endurer ? La violence qui m'habite à cet instant pourrait détruire une partie de cette ville miteuse.

⸻ Je vois que ta clairvoyance est troublée, Incube.

Surpris, je me retourne vers la femme qui s'adresse à moi d'une voix aussi douce qu'un murmure. Quand mes yeux croisent les siens, je la reconnais aussitôt. Morwën, l'elfe noir, celle qui voit, celle qui sait. Messagère voguant entre les mondes, amie du destin. Ses longs cheveux blancs sertis d'argent contrastent avec sa peau grise, ses longs ongles corbeau et ses iris entièrement noirs. Porteuse aussi bien d'espoir que de peine, la voir n'est pas un signe anodin, bien au contraire. Elle n'apparaît que rarement sous sa vraie forme, mais devant moi, elle n'a pas à se cacher.

⸻ Morwën, je la salue.

Ma mâchoire crispée lui arrache un petit rire cristallin.

⸻ Ingrat que tu es, tu ne respectes même pas les cadeaux que l'on te fait.

Surpris, je fronce les sourcils.

⸻ Un cadeau ?

Elle soupire.

⸻ Tu es le genre d'enfant qui rend fou, se plaint-elle en reportant son regard sur la rue.

Avec lenteur, vêtue de sa longue robe voilée, elle s'approche d'une fleur fanée, puis la caresse du bout des doigts. Ce simple contact fait renaître les pétales. Un des grands pouvoirs des elfes. Ils sont un point d'équilibre dans ces mondes qui basculent. Attentif, je suis chacun de ses mouvements.

⸻ En dépit de leur grandeur, Reian ne peut être sans Dionyssan et Dionyssan ne peut être sans Reian. Toute énergie, aussi puissante soit-elle, a besoin d'une balance. Personne n'est invincible, Incube. Pas même toi.

⸻ Où voulez-vous en venir ?

À nouveau, elle rit, puis s'approche de moi. D'un geste tendre, sa main gelée caresse ma joue.

⸻ Ton énergie ne peut aller sans la sienne. Ne refuse pas l'aide que l'on te prête. Ne t'offusque pas d'avoir besoin d'autre chose que de toi-même. Aucun noyau déséquilibré ne survit. Il finit par exploser et peut causer des dégâts irréversibles. Pour célébrer ta naissance, j'ai demandé à Dionyssan le droit de t'offrir un présent, ce qu'il a accepté en sachant que tu en aurais besoin tôt ou tard.

⸻ Et quel est ce cadeau ?

⸻ À toi de le découvrir.

⸻ Bien sûr, vous ne faites qu'aiguillez les âmes en espérant qu'elles comprennent le sens caché de vos paroles.

Elle sourit.

⸻ Tout ce que je peux te dire, c'est que chaque yin à son yang. Que ton pouvoir et mon présent on fait de toi un être à part.

⸻ Pourquoi ? ne puis-je m'empêcher de demander alors qu'elle commence à disparaître.

⸻ Y a-t-il besoin d'une raison à tout ? On est des êtres puissants, mais on ne le sera jamais plus que les forces qui régissent nos univers. Prends ce qu'il te donne sans poser de question et surtout, prends soin de mon cadeau.

Tout à coup, une vibration dans ma poche attire mon attention. Tendu à l'idée qu'il s'agisse d'un message de Rachele, ou pire, de Mina, je le sors en vitesse pour lire le contenu. En vérité, c'est Samuel.

[J'ai réussi à récupérer des infos qui peuvent t'intéresser sur Roman en plus d'un nouveau job pour toi.]

Le temps que je relève la tête, Morwën n'est plus là. Je suis seul sous la pluie torrentielle à l'image de mon humeur. Je réponds à mon bras droit que j'arrive dans une demi-heure. Autant essayer de finir cette journée sur une note positive. 

Call Me MonsterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant