Rachele
Une semaine est passée depuis que j'ai demandé à Jacob de partir. Une semaine pendant laquelle, chaque soir, je n'ai cessé de pleurer en me demandant ce que j'avais pu faire pour en arriver là. Une semaine que j'espère le voir à la maison en rentrant. J'ai promis à ma meilleure amie de veiller sur son frère et pour la première fois depuis que nous nous connaissons, je lui mens. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète. De ce que je sais, Jacob n'a rien dit de notre altercation. Pourquoi ? J'imagine qu'il ne veut pas faire de mal à sa sœur.
La tête douloureuse, les yeux humides, la gorge serrée, je passe mes doigts sur mon téléphone. J'ai l'impression d'être condamnée pour un péché dont je n'ai pas connaissance. Quoi que je décide, il est évident que je vais souffrir. Ignorer Jacob ne fait qu'amplifier la sensation de manque. Mais l'accepter dans ma vie, c'est damner mon cœur à une souffrance sans fin. Jamais il ne sera ce prince charmant qui prend soin de sa princesse. S'amouracher du diable, il n'y a rien de plus grotesque !
— Est-ce que tu es sûre que ça va ? me demande Sophie.
— Je suis un peu fatiguée.
Je n'ai pas envie de discuter de mes problèmes, mais mon visage de zombie et mon humeur maussade me trahissent.
— Tu t'entraînes pour jouer dans « Dernier train pour Busan » ? Je dois avouer que jouer aux côtés de Gong Yoo n'a pas de prix.
Elle s'arrête et relève la tête vers moi.
— Rassure-moi... tu ne t'es pas fait mordre par un quelconque animal sauvage aux yeux rouges ? Pas de souris au caractère enragé ?
Incrédule, je lève un sourcil. J'aurais aimé que ça soit le cas. Au moins, je ne serais plus déchirée entre mes sentiments pour le frère de ma meilleure amie et ma raison. Une enveloppe vide de toute souffrance, le cerveau possédé par quelque chose d'autre qu'un amour impossible.
— Elle n'a pas besoin d'un animal mutant pour savoir mordre.
Cette voix grave, sensuelle, mielleuse. Choquée, j'entrouvre les lèvres, lâche mon stylo et reporte mon regard sur l'homme qui hante mes pensées. Habillé d'un costume Prada bleu foncé, d'une chemise noire, il est l'une des plus belles pièces de ce musée. Sa main décorée de bijoux en or blanc sur le comptoir, il sonde mes yeux dans l'attente d'une réaction de ma part.
— Rachele, appelle les pompiers, je crois que je fais une crise cardiaque. Un ange est apparu devant moi.
Jacob s'esclaffe en entendant mon amie souligner son charme. Un ange ? Non. Elle devrait le savoir pourtant, les démons se cachent derrière les plus belles apparences pour séduire leurs proies. Et que les cieux me pardonnent, mais j'ai envie de céder aux battements effrénés de mon cœur qui me supplient de le toucher, de l'embrasser, de céder aux appels du blasphème dans ses bras.
— En quoi pouvons-nous vous aider, bel inconnu ?
— À vrai dire, je suis venue demander à la demoiselle ici présente, si elle serait disponible pour déjeuner avec moi.
Sophie écarquille les yeux et se met à mordiller son stylo rose en attendant ma réponse. Quant à moi, je suis rendue muette par ses pupilles qui me scrutent avec attention. Comme si plus rien d'autre n'existait autour, la musique d'ambiance ralentit, le décor devient flou, il n'y a que lui. Cet être sans morale n'est pas du genre à demander pardon ni à revenir vers quelqu'un, alors pour quoi se tenir devant moi aujourd'hui ? La délicieuse envie de me sentir unique menace d'exploser toutes mes barrières, mais les hurlements de ma raison tentent de m'empêcher de faire une erreur monumentale. Si j'accepte ce déjeuner, cela le confortera dans l'idée que je peux tout lui pardonner. Ça exposera mon cœur déjà torturé. Il comprendra qu'il est le maître de la partie et je ne peux pas subir son jeu encore une fois. Je m'apprête à ouvrir la bouche pour refuser lorsqu'un raclement de gorge me ramène à la réalité. Surprise, je tourne la tête pour découvrir la directrice qui me foudroie du regard.
— Je vois que je vous dérange dans vos affaires privées, mademoiselle Campora.
— Je... non. Monsieur venait juste me demander une information...
— Sur votre sandwich préféré ? me coupe-t-elle.
Décidément, je ne sais pas qui j'ai offensé, mais ma vie semble hors contrôle. Sophie adopte une mine incrédule alors que Jacob hausse un sourcil. Sa méchanceté pourrait paraître gratuite, mais elle ne l'est pas. La raison de ses abus de pouvoir répétés depuis cinq jours ? Ma main sur la joue de son fils qui a eu le malheur de balader ses doigts sur mon postérieur. Énerver une mère qui a les moyens de vous faire vivre l'enfer est tout aussi destructeur que de se laisser attoucher en espérant que ça n'aille pas plus loin.
— Vous êtes arrivée en retard ce matin, vous avez demandé un délai supplémentaire pour rendre votre présentation, vous avez bloquer l'imprimante, dois-je continuer ? Sauf votre respect, monsieur, dit-elle en se retournant vers Jacob, je doute que mademoiselle Campora ait le temps pour une pasta box romantique.
Partagée entre humiliation et terreur, je lutte contre les tremblements qui secouent mon corps. Cela dit, le faucon en face de moi n'est pas dupe. Énervé, il joue de ses ongles sur le comptoir. D'un regard, je le supplie de ne pas faire de vague, j'ai besoin de ce travail pour payer mes factures. Malgré les piques sanglantes de la directrice, j'aime ce lieu. Mais Jacob Natan a une réputation à tenir.
— Sauf votre respect madame, commence-t-il sur le même ton qu'elle, votre employée travaille huit heures par jour. Selon la loi, vous lui devez vingt minutes de pause au minimum. Ajoutez à cela qu'elle travaille sur un ordinateur depuis quatre heures et qu'elle a le droit à trente minutes de pause supplémentaire, la demoiselle a donc cinquante minutes à m'accorder. Votre intervention considérée comme du harcèlement au travail ne peut évidemment pas être décomptée de cette heure de pause. Enfin, vous venez d'envoyer balader un donateur influent, ce qui peut être considéré comme une faute professionnelle.
Un donateur influent ? Alors qu'elle blanchit sous l'assurance de Jacob, mon tourmenteur lui assène le coup de grâce.
— Oh ! Veuillez m'excuser, quelle impolitesse de ma part, je ne me suis pas présenté. Jacob Natan. Il me semble que mon père a financé une bonne partie de votre collection sur les légendes européennes.
VOUS LISEZ
Call Me Monster
HorrorATTENTION ! Cette histoire contient du sexe et de la violence ! Âmes sensibles s'abstenir :) TOUS DROITS RÉSERVÉS. Cette histoire est soumise à un contrat et n'est en aucun cas libre de droit. La plagier est pénalement répréhensible. Le cerveau hu...