Chapitre 81

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Il n'avait suffi que d'une étincelle pour mettre le feu aux poudres, et qu'un seul de mes nakamas espionnant à la porte de ma chambre pour que la nouvelle de mon réveil se répande à la vitesse de la lumière.

Marco et moi eûmes à peine le temps d'échanger un regard avant qu'un brouhaha sans nom se fasse entendre derrière l'entrée. Bientôt, mes yeux furent assaillis par la lumière du jour. Plusieurs exclamations se firent entendre, formant une seule et même masse de sons incompréhensibles. Face à tout cela, face à cette agitation, à ce débordement de joie, j'éclatai de rire. Leurs cris, beaucoup trop forts pour mon cerveau à peine réveillé, me perçaient les tympans, mais j'étais plus heureuse que jamais. Moi qui pensait ne plus jamais les revoir... Une soudaine envie de tous les saluer, de tous les prendre dans mes bras, de m'assurer qu'ils allaient tous bien, de rire avec eux, me prit soudainement. 

Face à cette foule réunie dans ma petite chambre, Marco ne put rien faire. Il tenta de les repousser, en s'écriant que j'avais besoin de repos, mais il finit par abandonner en voyant que personne ne l'écoutait. Le pauvre docteur fut tout à coup poussé sur le côté, se perdant dans la nuée, tandis que mon cher ami Rockstar se précipitait vers moi pour me serrer contre lui. Son visage rayonnait presque littéralement de joie, et c'était bien normal, après toutes les aventures que nous avions récemment vécues ensemble, il y a je ne sais combien de temps, avec Gyn et Every... Enfin plutôt, si on en croyait les paroles de Sakazuki, le blond épéiste d'un mètre trente et son capitaine...Ma mère. Ces deux mots, que je pensais dans ma tête, me firent perdre l'enthousiasme que j'avais et le mince sourire qui s'était formé au coin de mes lèvres. Je relevai la tête vers mon partenaire de farces, et je me surpris à lui parler d'un ton grave dont je n'avais pas connaissance jusque-là :

- Pardon Rockstar, pour tout ce qu'il s'est passé à Applenine.
- Pourquoi tu t'excuses ? T'es en rien responsable.
- Je crois bien que si.
- Eh, t'as reçu un coup sur la tête, je crois. Prends le temps de te reposer.

Il me lança un sourire complice et je ne pus m'empêcher de le lui renvoyer. Pourtant, un sentiment lourd m'étreigna le cœur. J'avais envie de tout lui expliquer et de lui révéler tout ce que j'avais appris, mais déjà, Rockstar fût écarté par les autres dans un cri commun de protestation. Je ne pus m'empêcher de rire.

- Dites donc, je vous ai drôlement manqué, on dirait !

Ils rirent tous avec moi avant de reprendre leur course de "à qui le premier m'attrapera". J'eus un bref instant l'impression d'être une proie sur laquelle un troupeau de prédateurs fonçait. Certains me prirent dans leurs bras, d'autres m'offraient des tapes amicales dans le dos ou me parlaient, tout simplement. Je finis par me prêter au jeu et je me mis à parler avec animation. Je ne voulais pas perdre une miette de ce moment si chaleureux et si caractéristique de cette vie que j'aimais tant. Ma vie de pirate.

Alors que j'étais en train de rire à une blague lancée par Rockstar, tous mes camarades se turent petit à petit, jusqu'à atteindre un silence parfait. Ce silence n'était pourtant pas lourd, car tous avaient des sourires jusqu'aux oreilles. Surprise, je cessai de rire, curieuse de savoir la raison pour laquelle ils s'étaient tous tus aussi subitement. 

L'ombre d'une personne avançait parmi mes nakamas, et ceux-ci, au lieu de crier et protester comme ils le faisaient jusque là quand l'un des leurs m'approchait de trop près à leur détriment, laissèrent passer tranquillement le nouveau-venu. Celui-ci s'arrêta à mi-chemin entre la porte et mon lit sur lequel j'étais assise. Une cape bleue sur les épaules, les cheveux mi-longs gris coiffés de chaque côté de son visage, Beckman m'adressa un regard pétillant, cigarette en bouche.

- Salut championne.

Un sourire éclaira mon visage. Je sentis à nouveau ce sentiment de bonheur parcourir chaque parcelle de mon corps et avant que Marco puisse me réprimander, je bondis hors de mon lit pour m'approcher du second de notre équipage.

Mon mentor n'était habituellement pas quelqu'un de très tactile. Il n'était pas non plus du genre à montrer ses émotions à tout va, et pourtant, pour la première fois, après un léger élan, je sentis ses bras se refermer étroitement sur moi. Je fus si surprise de cette action affective que j'en restai sans voix et sans bouger, mais ce n'était pas plus mal ainsi. Après un court moment sans réagir, je finis par lui rendre sa forte étreinte. Je sentis les traits de mon visage se tordre sous le coup de l'émotion. J'étais si heureuse de le revoir.

Alors que je le serrais dans mes bras, je sentis mon interlocuteur courber doucement l'échine, juste assez pour me murmurer à l'oreille :

- Je suis fier d'être ton mentor. Et je suis fier de toi.

Ce fût comme si une décharge électrique m'avait traversée. Je regardai un bref instant, d'un regard écarquillé, mon mentor. Je ne savais pas si c'était parce que j'étais fatiguée, ou parce que j'étais très attachée à ce quinquagénaire, mais des larmes de joie avaient gagné mes yeux, au point que je dus les fermer pour ne pas les laisser couler. En rouvrant les yeux, une fois l'envie de pleurer passée, je remarquai que Beckman me considérait en souriant, une lueur de fierté dans les pupilles... De la fierté pour moi. Il était fier de moi. Un sourire naquit sur mes lèvres, et malgré la reconnaissance que j'avais en ce moment à son égard, je ne pus m'empêcher de lui répondre sur le ton de la raillerie :

- Et moi d'être ton "poulain", fermier.
- Dis donc, petite insolente...
- Tu dis, le fossile ?
- Je vais te faire morfler.
- Tu dis ça à chaque fois.
- Et à chaque fois, je tiens parole.

Je souris malicieusement tandis qu'il éclata d'un léger rire joyeux. Je savais bien que notre prochain duel amical ne serait pas avant longtemps, lorsque Marco jugera que je serai guérie, mais cela faisait du bien de voir que notre complicité et nos joutes verbales ne s'étaient pas perdues au fil des semaines. Doucement, je bousculai le second, et il me bouscula en retour, m'arrachant par la même occasion un rire suivi de ceux de nos nakamas. Revoir mon mentor, tous les revoir, riants, heureux, faisait mon bonheur. J'avais l'impression de totalement revivre, de reprendre ma vie là où je l'avais laissé, mais il manquait quelque chose à tout cela. Ma joie était bien réelle, mais elle n'était pas complète.

Mon coeur rata un battement. Je cessai de rire et redressai vivement la tête vers le visage de Beckman.

- Et Sabo ? Shanks ? Mon père ? Où sont-ils ?

Alors que j'allais continuer dans mon affolement, mon interlocuteur leva la main en signe d'apaisement.

- Ils vont bien, mais tu les verras lorsque tu seras un minimum guérie.
- Mais--
- C'est un ordre de ton mentor qui est également ton supérieur, Isis. Prends ton mal en patience.

Il me fit un rapide clin d'œil, avant de se tourner vers le reste de l'équipage et de crier à la cantonade :

- Et vous tous, vous allez devoir sortir ! Allez ! Et plus vite que ça !

Tandis qu'une vague de grognements emplit la chambre, Marco posa sa main sur son front en soupirant.

- Enfin quelqu'un de raisonnable ici !

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant