Chapitre 82

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Ce n'était qu'à contrecœur et après plusieurs menaces que j'avais finalement obéi à Beckman et Marco. Une fois mes nakamas chassés, une atmosphère calme, presque gênante, s'était installée, et elle m'avait accompagné durant plusieurs jours encore. J'étais restée au lit, à attendre de recouvrer toutes mes forces et de me remettre une bonne fois pour toutes de mes blessures. Il m'était insupportable de rester ainsi, allongée tranquillement, à ne pas pouvoir m'agiter et enchaîner sommeil sur sommeil, mais je n'avais pas le choix. Plus exactement, Marco ne me laissait pas le choix... Mais le temps, bien que d'une longueur insoutenable, finit par passer. À présent, j'arrivais à marcher de mon pas habituel, sans trébucher plusieurs fois comme je le faisais jusqu'ici. Mes blessures ne me faisaient presque plus souffrir et je me sentais petit à petit retrouver tout mon dynamisme, celui que j'avais encore avant d'aller mettre les pieds sur cette île infernale qu'était Applenine. Retrouver ainsi tous les mécanismes de mon corps était à la fois satisfaisant et très intéressant, très curieux dans la façon dont mon organisme fonctionnait, mais je n'avais pas le cœur de m'y attarder et de trouver dans ce repos forcé un peu de joie. J'essayai de me remettre au mieux pour pouvoir rapidement rejoindre mes compagnons et revoir enfin les autres, ceux qui me manquaient tant et que j'avais envie plus que tout de revoir. Et enfin... Ce jour tant attendu arriva.

La veille, en inspectant ce qu'il restait de mes plaies, Marco m'avait finalement donné son accord. Je ne savais pas s'il m'avait donné son autorisation parce que j'étais suffisamment remise ou parce que la torture avait été assez longue comme ça, mais je n'allais pas laisser passer cette chance. Il m'avait permis de rejoindre mes nakamas dès le lendemain, et, après une nuit de sommeil agitée sous le coup de l'impatience, je me levai dès que j'aperçu la lumière du jour à travers l'entrebâillement de ma chambre.

En poussant la porte, la première sensation qui me parvint fût un aveuglement. J'eus un léger couinement de douleur. Mes yeux, depuis si longtemps restés dans la pénombre, devaient se réhabituer à la lumière du jour. Je papillonnai fébrilement des paupières en grimaçant. Ma vue finit par s'apaiser, et par se préciser. 

Enfin à l'extérieur, je ne voyais pourtant pas la lumière du soleil, seulement le ciel voilé d'un jour de neige. Une douce brise caressa ma peau, me faisant frissonner de froid. En temps normal, le climat hivernal de Yukiryu ne m'était pas désagréable, mais je n'étais pas encore totalement rétablie et ma résistance au froid semblait avoir encore besoin de temps pour revenir. En attendant, je crevais de froid... 

Je dûs retourner un bref instant dans ma chambre pour prendre mon manteau de la Marine, dans lequel je m'emmitouflai. En ressortant une nouvelle fois à l'extérieur, c'est à ce moment-là qu'un détail me frappa. J'avais beau regarder en l'air, ou au loin, dans le paysage enneigé de l'île, il n'y avait pas un seul flocon tombant du ciel, pas un seul nuage chargé d'une tempête d'hiver à l'horizon. Dans mes souvenirs, une telle chose avait également eu lieu sur une autre île hivernale du nom de Drum, sur Grand Line, lorsque Portgas D. Ace avait été aperçu là-bas. Un sourire naquit sur mes lèvres. Pas de doute, l'actuel utilisateur du Mera Mera no Mi, véritable ennemi du froid, était bien ici. 

En resserrant mon manteau autour de moi, je me dirigeai d'un pas vif vers le pont principal, mais je me stoppai net en le découvrant vide. J'écarquillai les yeux, à la fois surprise et déçue, mais je n'eus pas réellement le temps de réfléchir que déjà, j'entendis des voix joyeuses, rieuses et chantantes, semblant provenir de la salle à manger de notre navire. Malgré l'absence de neige, il semblait faire trop froid pour eux dehors. À moins qu'ils aient décidé de picoler au plus près de la réserve de bouteilles. J'eus un soupir amusé. C'était bon de retrouver les bonnes habitudes. Sans hésiter davantage, je fis quelques pas en direction de l'entrée et étendis la main pour saisir la poignée.

- Isis ?

À l'entente de cette voix, mon corps se stoppa. Cette voix... Elle était aiguë, tout en étant pourtant vivace et douce. Il me semblait la connaître, mais je ne me rappelais plus d'où... En abaissant la main, je me retournai en direction de la source de la voix. En posant les yeux sur elle, un grand sourire tira mes lèvres, et je m'en voulus un bref instant de ne pas l'avoir tout de suite reconnue. Je n'avais pas su de qui il s'agissait, et pourtant, comment pouvais-je l'oublier, avec son bonnet fushia, ses cheveux courts, et plus que tout, sa petite mine malicieuse ! Cela faisait deux ans qu'elle et moi ne nous étions pas vues... Koala.

La jeune révolutionnaire et moi nous échangions un regard heureux. Elle me fit un bref signe de la main, tout en s'exclamant :

- Yo, la paresseuse !
- Je t'ai manqué, on dirait !
- Non mais tu rigoles, évidemment que oui !

Nous éclatâmes ensemble de rire, à la fois joyeuses de nous retrouver et de retrouver notre complicité. Je voulus me rapprocher d'elle, mais un détail m'en empêcha. Enfin, un détail... Plutôt de la surprise... La surprise de voir cet homme aux cheveux blonds, portant un chapeau haut-de-forme, qui accompagnait Koala et qui, pour la première fois, se tenait légèrement en retrait derrière elle.

À l'instant où je le vis, j'eus tout à coup l'impression que le monde s'était figé. Je n'arrivais plus à bouger et c'était à peine si je respirais, si je sentais mon coeur battre dans ma poitrine.

Presque au ralenti, je vis Koala jeter un coup d'œil à son camarade, se décaler et le pousser légèrement en avant. Le jeune homme tituba quelques secondes, jusqu'à se redresser. Il me fit face sans me quitter du regard. Ses yeux, auparavant aussi écarquillés de surprise que les miens, s'étaient quelque peu détendus, et un sourire dévoilant légèrement ses dents avait éclairé ses lèvres. Du rose était apparu sur ses joues. Après un léger silence, il baissa les yeux en ouvrant la bouche, comme semblant chercher ce qu'il pouvait bien dire. 

Mes sentiments prirent le dessus, et mon corps se retrouva soudainement débloqué de sa paralysie passagère. D'un geste vif, je laissai tomber au sol mon manteau, et je courus droit devant moi. Je courais en mobilisant chaque parcelle de mon corps, aussi vite que je le pouvais, droit vers lui. Je ne voyais plus le navire, ni Koala, ni même le ciel gris, je ne voyais que lui. Que Sabo. Alors que je me précipitai vers lui, il sembla, comme moi, avoir eu un déclic instinctif. Il se redressa et ouvrit grand ses bras dans ma direction, m'invitant à venir m'y réfugier. Mon coeur explosa dans ma poitrine, des larmes de joie picotèrent mes yeux. Enfin... Enfin je le retrouvai ! Il était là, devant moi ! Sain et sauf !

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant