Chapitre 73

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Je n'entendais plus rien. Je ne voyais plus rien. Où est-ce que j'étais ? Qu'est ce qu'il se passait ?... Oh et puis, ces questions étaient bien le cadet de mes soucis. La seule certitude que j'avais était ce sentiment de félicité pure qui m'avait envahi toute entière.
Je sentis ses lèvres remuer doucement contre les miennes. Mes joues s'enflammèrent. Est-ce que j'étais en train de rêver ? Est-ce que j'étais déjà morte ? Car tout ça me semblait trop beau pour être vrai. 

Comme pour me confirmer qu'il s'agissait de la réalité, la main gantée posée sur ma joue se déplaça pour venir se poser délicatement sur ma nuque. Je levai les mains dans l'intention de l'enlacer, mais un cliquetis métallique m'arrêta net dans mon action. C'est vrai... J'étais menottée. Un tiraillement de douleur pinça mon cœur. Mes entraves me pesaient plus qu'avant. Être aussi près de lui, pouvoir l'embrasser, qu'il puisse me toucher sans que moi je le puisse... C'était affreux. Mais il fallait que je prenne mon mal en patience. Bientôt, je serai libre. Bientôt,  je pourrai le prendre dans mes bras et le serrer contre moi.

Soudainement, des bruits de pas lourds atteignirent mes oreilles. Je sentis la réalité me rattraper, les bruits des combats me revinrent, ainsi que les douleurs de mes blessures et l'urgence de la situation. Ce que nous venions de faire... Ce n'était pas le moment.
Tout à coup, Sabo écarta ses lèvres. Surprise, je rouvris les yeux et observai le jeune homme avec interrogation, mais il ne me lança pas un regard. Il était occupé à fixer quelque chose d'autre, un léger sourire sûr de lui sur les lèvres. Curieuse, je tournai la tête dans la même direction.

Ma joie redescendit d'un coup. J'écarquillai un bref instant les yeux, avant de froncer les sourcils. Devant nous se tenait à nouveau l'amiral-en-chef. Beckman n'avait apparemment pas pu le retenir... Alors que nous lançions un regard perçant à Sakazuki, celui-ci eût un éclat de rire sarcastique, avant d'adopter ce ton condescendant qu'il maîtrisait si bien, et de s'exclamer :

- Je dois avouer que vous vous êtes bien trouvé, et je vais vous offrir ma pitié. Vous aurez le réconfort de mourir ensemble.

Je sentis la main de Sabo, toujours posée sur ma nuque, se crisper. Je savais le révolutionnaire trop intelligent, avec trop de sang froid et de patience, pour entrer dans le jeu de l'amiral. Ce ne fût qu'au bout de quelques secondes que je compris avec surprise qu'il réagissait ainsi seulement en vue d'un possible combat, pour me protéger. Je voulus sourire, touchée, mais contrairement à celui que j'aimais, je me sentis blêmir, et mon coeur rata un battement. Maintenant, tout le monde savait les sentiments que nous éprouvions l'un pour l'autre, y compris Akainu, et je le connaissais assez bien pour savoir qu'il allait exploiter avec plaisir cette faille que nous lui offrions.

Au moment où j'achevai ma réflexion, Sakazuki leva sa main recouverte de magma. Je serrai les poings. Il n'était pas question que je le laisse faire. Je ne pouvais utiliser ni mon fruit du Démon, ni mon Haki, je ne pouvais pas davantage forcer sur mon corps au risque d'évanouissement ou pire, mais j'avais toujours une arme redoutable, efficace contre les Logia et que la Marine avait eu l'idiotie de me donner.
Je m'avançai de quelques pas, me mettant devant le révolutionnaire. Avant que le poing destructeur ne s'abatte sur nous, j'avais levé mes poignets menottés en leur donnant autant d'élan que je pouvais. Le granit marin de mes liens percuta de plein fouet le magma, heurtant à travers la chair physique du marine. Le poing, redevenu normal, recula. En levant les yeux, je vis la surprise passer rapidement dans les yeux de l'amiral-en-chef. Je lui offris un sourire en coin et lui lança ce regard qui l'avait si bien déstabilisé, lorsqu'il était venu dans ma cellule.

- Tu m'excuseras, Saké, mais je compte encore vivre longtemps.
- Toi... 

Au contact du granit marin, la lave avait disparu mais Akainu avait vite repris, trop vite. Je ne le remarquai que trop tard. Une ombre noire m'aveugla un bref instant. Soudainement, je sentis ma gorge se serrer et mes pieds se soulever du sol. Mon ennemi m'avait attrapé par la gorge et me maintenant fermement. J'ouvris la bouche et hoquetai, cherchant à reprendre de l'air. L'instant d'après, je sentis la pression de sa main sur mon cou se resserrer un bref instant, avant de me sentir jetée au loin. 

Mon corps heurta violemment la surface dure et froide du sol. Un éclair de douleur supplémentaire me traversa, je sentis un liquide chaud couler le long de ma tête. Après un spasme, je rejetai une flaque de sang par la bouche. Malgré mon corps tremblant, j'essayai de m'appuyer sur mes mains pour me redresser. 
Le choc avait été brutal et j'avais la tête qui tournait. Je serrai les dents, tentant de ravaler ma souffrance et de me forcer à me relever, mais je me figeai en entendant un cri au loin. Un cri étranglé, empli de rage, qui me fit frissonner, et qui provenait de cette voix que j'aimais par-dessus toutes les autres... Oh non.

Je redressai la tête et j'eus le temps de voir Akainu, le poing à nouveau recouvert de magma. Il s'avançait à grande vitesse dans ma direction, mais je n'eus pas le temps de réellement m'effrayer avant que ma vue ne soit totalement obstruée par une silhouette arborant des cheveux mi-longs blonds. Cette silhouette, le visage tourné vers moi, avait étendu ses bras autour de mon corps et arquait son dos vers le poing tendu d'Akainu. Le sang se glaça dans mes veines. Sabo, le sourire aux lèvres, eût le temps de murmurer :

- Je t'aime.
- NON !

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant