Une Question de Justice [One Piece]

Chapitre 71

Ce rire, cette voix... Je redressai la tête.

Sur l'allée principale menant à l'échafaud, une silhouette vêtue d'un uniforme de la Marine et d'une casquette s'avançait tranquillement. Elle avait capté tous les regards, au point que Sakazuki avait suspendu en l'air le geste qui devait mettre fin à ma vie. Petit à petit, des soldats quittèrent leurs rangs, non pour attaquer la silhouette, mais pour la rejoindre. J'ouvris des yeux ronds. Ce pourrait-il que... Non, ce n'était pas possible... Il avait veillé à garder tout ceci secret, il me l'avait dit lui-même... 

Le groupe s'arrêta à bonne distance de l'échafaud et, d'un seul coup, ils retirèrent tous leurs costumes, révélant un haut vert à bandes blanches, une cape aux motifs d'étoiles, une longue cicatrice en forme de croix sur la tempe, mais également un chapeau violet avec des lunettes et un kimono blanc centuré... Et par-dessus tout, des cheveux roux.

- Oi, Isis. Ta place est auprès de ton capitaine, pas sur un lieu d'exécution.

Shanks leva la tête dans ma direction, les yeux pétillants de malice. Je ne savais pas quoi dire, quoi penser, mais un sourire s'épanouit sur mes lèvres et un sentiment de joie profonde m'envahit. Tous... Ils étaient tous là ! Ils étaient venus, et pas qu'eux. Ce chapeau violet était celui de Koala, et le kimono appartenait à un homme-poisson que je reconnus comme étant aussi de l'armée révolutionnaire, un certain Hack. Je les dévisageais un par un sans quitter mon sourire. Ils étaient incroyables... Dénués de bon sens pour venir dans le nid-même de la Marine, mais incroyables.

- Akagami.

Sakazuki avait fait quelques pas. Il s'était placé devant moi, me bouchant totalement la vue, mais je devinai assez facilement par le ton léger du Yonko que ce dernier n'était pas le moins du monde intimidé. 

- Sakazuki. Je ne pensais pas te revoir avant quelques années encore.
- Je ne te la rendrai pas. Du moins vivante.
- Ah, ça risque de me poser problème, car je ne te laisserai pas nous la prendre. 

La détermination qui pesait dans la voix de mon capitaine me fit frissonner. Tout à coup, j'entendis des cris, des gémissements, et le son de corps tombants au sol ainsi que le bruit du bois de l'échafaud qui craquelait. Sakazuki eût un grognement à moitié étouffé.

- Foutu Haki... 

Les poings du marine s'embrasèrent, mais je n'eus pas le temps d'y accorder grande importance, mes yeux étant attirés par une lumière encore plus vive. Venant du ciel, elle se rapprochait de plus en plus. Je plissai les yeux. Ce n'était pas une lumière, non... C'était un enchevêtrement de flammes bleues et jaunes, qui volait en piqué vers moi. Prise d'un élan d'espoir, je me redressai sans le quitter du regard. 

Alors qu'il n'était qu'à quelques mètres des planches, une lumière jaune entra violemment en collision avec les flammes. De là où je me trouvais, je voyais Marco serrer les dents, alors que Kizaru semblait confiant. Ils échangèrent quelques coups dans les airs, avant de regagner le sol, où ils poursuivirent leur duel.

L'élan de Marco avait suffit à tout déchaîner. Je m'étais légèrement déplacée pour voir ce qu'il se passait. Koala et Hack s'occupaient des marines de bas niveau qui s'étaient relevés un peu trop vite après l'attaque de Shanks. Mon équipage, quant à lui, se chargeait des gradés tandis que Lucky Roo, Rockstar et Yasopp assuraient leurs arrières. Beckman, tout en assénant des coups de crosse de son pistolet, se frayait un chemin vers l'échafaud en compagnie de Shanks, mais l'amiral qui m'était inconnu s'interposa, les empêchant d'avancer davantage. Mon capitaine fronça les sourcils et dégaina son sabre Griffon, tout en faisant un signe de la tête à Beckman, lui ordonnant de continuer sans lui. 

Mes nakamas, mes amis étaient tous en train de se battre. Ils n'avaient pas hésité à venir jusqu'ici pour me récupérer, et ce même s'ils risquaient d'y laisser la vie. Ils avaient tous un air sûr d'eux. Malgré moi, je sentis des larmes me monter aux yeux et un nouveau sourire me fendit mes lèvres. Ils étaient tous là... Pour moi. Je serrai les poings en éclatant d'un léger rire. S'ils pensaient que j'allais les laisser me secourir, ils me connaissaient très mal. Je n'allais pas rester agenouillée tranquillement, à attendre qu'on vienne me sauver. L'espoir m'était revenu et renforçait ce que Sakazuki appelait mon insolence et que moi je nommais intelligence. L'intelligence de me battre pour mes idéaux, de ne jamais abandonner, et, en ce moment, de constater deux erreurs que le Chien de Magma avait commises : celle de ne pas m'avoir enchaînée directement aux planches de l'échafaud, et celle d'être en ce moment-même distrait par mes nakamas.
Au tour de l'oiseau-pirate d'agir.

Je jetai un dernier coup d'œil à l'amiral-en-chef, et après avoir tendu tous les muscles de mon corps, je fis volte-face et donnai un brusque coup de pied dans les chevilles de l'un de mes bourreaux. Il eut le souffle coupé de douleur et de surprise et je profitai de sa vigilance baissée pour me relever et lui donner une frappe de genou dans l'estomac suivi d'un coup de menottes en granit marin dans la tête. Un de moins, et Sakazuki n'avait toujours rien remarqué. Je me retournai et essayai d'appliquer la même méthode silencieuse avec l'autre bourreau, en vain. À ma grande surprise, il avait esquivé, mais je ne me laissai pas distraire. Je multipliai et accélérai mes attaques en visant ses points faibles et il finit par se prendre un coup dans l'abdomen. Un hoquet lui échappa, il recula en se tenant le ventre. Je levai les poignets en l'air, m'apprêtant à lui asséner le coup de grâce, quand, tout à coup, il éclata de rire. Un rire gai et insouciant qui me stoppa dans mon geste tant ma surprise fût grande. Mon adversaire lâcha son ventre et se redressa, s'exclamant d'un ton joyeux :

- Je vois que tu n'as pas perdu ta fougue. Tu frappes toujours aussi fort.

Mon ennemi retira son casque, libérant une cascade de mèches blondes, révélant une cicatrice à l'œil gauche. Ma surprise se changea en stupéfaction. Sabo se tenait devant moi, un grand sourire illuminant son visage.

- Ça me rappelle notre première rencontre.