Chapitre 60

888 93 51
                                    

Les yeux du vice-amiral s’écarquillèrent un instant, le temps d’assimiler entièrement la situation. Il était surpris et surtout confus. Il avait pourtant fait en sorte de garder les derniers mouvements du G-5 secrets... Il ne restait plus que deux solutions : soit il n’avait pas été assez discret et Akainu savait tout, soit il ignorait et le contactait pour autre chose. Quoi qu’il en soit, il devait en avoir le coeur net.

Après avoir aboyé à Tashigi de reconduire Every en cellule, il se dirigea d’un pas rapide dans la salle des communications. Lorsqu’il poussa la porte, la première chose qu’il entendit fût les hurlements de l’amiral-en-chef. Celui-ci ne semblait pas très content qu’on le fasse attendre, et le soldat qui prenait en charge la communication tremblait et semblait sur le point de s’évanouir.

Smoker prit une courte mais profonde inspiration. Il se rapprocha et prit le combiné des mains du soldat qui, soulagé de voir son supérieur prendre le relais, partit en courant. Le vice-amiral le suivit du coin de l’oeil, puis vint fermer la porte derrière lui. Il n’avait pas envie que toute la base entende.

- Allo ? Allo !

Akainu commençait à perdre patience. Smoker ne le fit pas attendre davantage et reprit le combiné en main.

- Ici Smoker.
- Smoker ! Je peux savoir ce qui t’a pris aussi longtemps à répondre ?
- Toutes mes excuses, amiral-en-chef.

Il savait qu’il lui valait mieux de prendre sur lui et de ne pas le pousser à bout, dans l’intérêt d’Aouso surtout, car si Akainu savait, Smoker était bien celui qui allait devoir faire office d’avocat. Il n’aurait jamais cru avoir en tête de servir la cause d’une pirate, mais une dette restait une dette. Il allait devoir ravaler sa fierté.

- Smoker ! J’attends des explications !
- Je ne vous suis pas.
- Applenine ! Des rumeurs courent selon lesquelles tu aurais fait équipe avec Aouso !
- Tch. C’est exagér--
- Silence ! En tant que marine, tu te dois d’exterminer les criminels, pas t’allier avec !
- Attend--
- Elle n’est plus des nôtres ! C’est une traîtresse, est-ce que c’est clair ?!
- KUROSHINJU !

Cet homme avait beau être son supérieur, Smoker refusait d’être sermonné ainsi. Après avoir été coupé deux fois, il avait hurlé l’épithète qui, il espérait, serait une excuse suffisante aux yeux de l’amiral-en-chef.

- … Gyn ?...

Le Chasseur Blanc s’attendait à tout, sauf à ça. Le courroux du Chien Rouge avait comme disparu. Un silence s’était fait entendre, avant qu’il ne prononce le prénom de la pirate presque avec hésitation. Il semblait pétrifié de stupeur, et même le Den Den Mushi avait ouvert des yeux ronds et restait bouche-bée. Smoker haussa les sourcils. Il ne se serait jamais douté qu’un tel comportement puisse arriver et c’était intriguant : qui pouvait bien être Kuroshinju pour que la simple évocation de son nom donne à Sakazuki une telle réaction ? 

Face au silence de son interlocuteur, Smoker décida de saisir sa chance, avant que des éclats de voix ne se fassent encore entendre. Il raconta alors tout, tout en détails, en espérant que les performances d’Aouso lui permettraient d’éviter la peine de mort, ce dont il doutait très franchement. Akainu n’était pas connu pour sa tolérance. Lorsqu’il eut fini son récit, il se tut. Son coeur battait légèrement plus rapidement que d’habitude. Akainu restait étrangement silencieux, c’en était presque inquiétant.

- Smoker.
- Oui.
- Je veux la vérité. C’est Aouso qui a tué Kuroshinju ?
- Oui.
- Bien. J’ordonne le transfert d’Aouso au QG.
- Quoi ?!

La main de Smoker se resserra autour du combiné, ses yeux s’étaient agrandis et ses dents broyaient ses cigares. Bien qu’il s’y attendait, il n’aurait pas cru que ça allait être si soudain, si direct, il n’aurait pas non plus cru qu’Akainu ne prenne pas le temps de réfléchir, après le récit qu’il venait de lui faire. Aouso était peut être une pirate, mais le monde entier lui devait la vie, y compris la Marine. Il n’y avait rien de juste à condamner un sauveur, même si ce sauveur était pirate. 

- Tu m’as bien entendu et je ne tolérerai aucune protestation.
- Avec tout le respect que je vous dois, vous ne seriez peut être plus de ce monde pour en parler sans elle.
- Elle reste une traîtresse et une pirate beaucoup plus dangereuse que tu ne le crois. Il s’agit d'une menace pour le monde, pour la Justice !
- C’est injuste.
- SUFFIT ! J’enverrai Momonga la chercher, il l’escortera jusqu’au QG où elle sera exécutée.
- … Bien.

Son poing se serra brusquement, il avait tant mordu ses cigares qu’il en avait coupé un avec ses dents. Protester ne servait à rien, Akainu n’entendrait jamais raison. Le destin d’Aouso était scellé, et ça l’insupportait. Ça l’insupportait qu’encore une fois, la Marine cache la vérité au profit de sa crédibilité.

- Encore une chose, Smoker.
- Quoi ?
- La capture d’Aouso doit rester secrète. Nous devons éviter une nouvelle Guerre au Sommet avec le Roux en ennemi.
- Si vous craigniez un nouveau conflit, pourquoi vous entêtez-vous à l’exécuter ?
- À qui crois-tu t’adresser ?! C’est un ordre !
- Bien. À vos ordres, même si il s’agit d’un déshonneur pour nous.
- SMOKER !
- Gatcha.

Le vice-amiral s’éloigna du Den Den Mushi d’un pas lourd. Il inspira longuement, essayant de retrouver son calme. Son insolence n’allait pas rester sans conséquences, il le savait bien, mais il avait pu dire ce qu’il avait sur la conscience et cela en valait le coup. Il alluma un nouveau cigare et l’enfourna dans sa bouche à côté de celui qu’il lui restait. À présent, il devait organiser le transfert d’Aouso, encore du pain sur la planche.

Il voulut retourner auprès de Tashigi, mais à peine eût-il ouvert la porte qu’il se retrouva nez à nez avec un soldat, le soldat qui avait fait patienter Sakazuki en attendant Smoker. Il était toujours pâle mais ne tremblait plus, il ne semblait plus terrifié mais pourtant il bégaya en s’adressant à son supérieur :

- Smo-yan, je… L’amiral-en-chef m’a rendu si craintif que j’ai oublié de brancher l’escargophone blanc…
- Ouais, il fait cet effet à tout le monde.
- Mais… Et l’escargophone blanc ? Il permet de brouiller nos communications, et sans…
- Sans importance.

Le vice-amiral contourna le soldat hébété et partit sans rien ajouter. Il n’était pas idiot, il avait bien remarqué que l’escargophone blanc n’était pas branché et il n’avait volontairement pas remédié à cela. 

Il paraîtrait que les révolutionnaires avaient le don d’écouter les communications non-protégées de la Marine. Il paraîtrait également que deux d’entre eux avaient mis la pagaille au G-5 avec une certaine pirate, il y a deux ans.

C’était à eux de jouer, à présent. 

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant