Une Question de Justice [One Piece]

Chapitre 94

Le calme était de nouveau revenu. La plupart de mes nakamas étaient retournés se coucher en grognant qu'ils n'aimaient pas être réveillés, mais Shanks, Beckman, Sabo et moi sommes restés sur place, avec mes deux amis d'enfance. Nous sommes rapidement allés nous installer dans la salle à manger, sans dire un mot, sans même émettre un son. La tension était à son comble, surtout pour le Frisé et la Girouette, le premier essayant de paraître stoïque malgré sa peur apparente et le deuxième étant totalement paniqué. J'avais essayé de les rassurer avec un sourire, mais même moi, je n'étais pas certaine de ce qui allait suivre. Shanks était connu pour être impitoyable avec ses ennemis, mais mes amis n'étaient pas dangereux et n'avaient blessé personne. J'espérai que mon capitaine saurait être un minimum tolérant…

Nous nous sommes assis à une table. Shanks à ma droite, Sabo à ma gauche, Beckman de l'autre côté de Shanks. Sören et Noah nous faisaient face, mal à l'aise, recroquevillés sur leurs tabourets. Après les avoir longuement détaillé du regard, le rouquin finit par prendre la parole, un sourire en coin au bord des lèvres :

- Ce n'était pas très futé de s'aventurer sur un navire que vous ne connaissez pas.
- On ne savait pas. On vous jure. 
- On n'avait pas vu votre drapeau ! On s'excuse.

Les deux pauvres étaient totalement effrayés, même si l'un des deux le faisaient moins paraître. Un sourire nostalgique me prit. Ils n'avaient décidément pas changé… Sören, aka le Frisé, avait toujours eu ce côté téméraire, tandis que La Girouette, Noah, avait toujours été un vrai peureux.

- Que comptiez-vous faire, avant de vous faire attraper ? J'imagine que vous n'étiez pas là pour une simple visite.

Shanks haussa un sourcil, tandis que Noah, à la lumière de la bougie, devint subitement rouge et balbutia.

- Nous… Enfin nous… Je… euh…
- Nous allions vous voler vos richesses.

Sören regardait Shanks droit dans les yeux sans ciller, sans montrer la moindre trace de remords. 

- Si vous voulez tout savoir, je suis le chef d'un des villages de cette île. Mon village a été la proie de pirates et nous sommes des habitants pacifiques. Beaucoup d'habitants ont été tués, et si les autres ne veulent pas l'être à leur tour ou qu'on tue leurs enfants, les pirates exigent qu'on leur verse une somme qu'on a pas.

Le Frisé fit une pause. Il croisa les bras, tandis que ses sourcils se froncèrent. Face à ses dires, je lui jetai un regard surpris. Je n’aurai jamais pensé le retrouver dans le Nouveau Monde, encore moins chef d’un village… Un village pillé par des pirates, si l’on en croyait ses dires. Le Frisé répondit à mon regard par un léger hochement de tête, restant silencieux, attendant une réponse, celle de mon capitaine. 

Je tournai la tête vers Shanks. Le rouquin observait mes amis d’un air indéchiffrable, comme en proie à la réflexion, et je saisis cette occasion pour prendre la parole.

- Si des habitants se retrouvent harcelés par des pirates, laisse-moi régler ça.

L’attention de mon capitaine glissa dans ma direction. Il ne paraissait pas surpris et au contraire, un nouveau sourire était né au coin de ses lèvres. Il avait dû se douter que je ne resterai pas passive face à ce genre de situation… J’eus à mon tour un sourire alors que nous échangions un regard complice. Il me connaissait si bien.

- C’est pas raisonnable. Tu sors à peine de convalescence.

Beckman avait tiré sur sa cigarette en déclarant ses phrases avec calme, mais je discernais assez ses réactions pour savoir qu'il était ferme dans ses paroles. Je me doutais qu'il ne voulait pas m’envoyer au combat sans s’assurer de mes aptitudes auparavant, en reprenant notre entraînement.

- On a pas le temps de se faire un entraînement, même rapide. Si des personnes sont vraiment en danger, il n’y a pas de temps à perdre.

Mon mentor fronça les sourcils, mais avant qu’il n'ait eu le temps de répliquer, je me suis retournée vers mon capitaine, cherchant appui vers lui.

- Et puis, ce sont sûrement des pirates de bas étages. Je ne vais pas affronter des amiraux ou l’équipage d’un autre Yonko.

Shanks souffla du nez. Je lui répondis par une mine insouciante et un haussement d’épaules. Je savais qu’il allait accepter de me laisser faire, il ne savait que trop bien que je ne pouvais pas rester inactive face à une telle situation et face à la détresse de mes amis. J'étais décidée à agir, mais une partie de moi reconnaissait les dires de Beckman. Quelque part, je n’avais plus l’habitude de me battre depuis New Marineford et j’avais plus besoin d’un retour en douceur qu’autre chose. Si je me retrouvais face à des pirates plus forts que ce que je ne l’imaginais, je risquais rapidement de me retrouver en difficulté et ce ne sont pas mes amis d’enfance qui allaient m'aider, eux qui n'avait pas réussi à garantir la sécurité de leur village face à ces pirates. Mais je ne pouvais pas rester sans agir.

- Convalescence ?...

Mon ami Noah me jeta un regard étonné. Je lui répondis par un bref hochement de tête, tout en déclarant :

- Je t'expliquerai plus tard.

Je recentrai mon attention sur Shanks, le cœur battant. Le Yonko avait gardé les lèvres scellées depuis un moment déjà, se contentant de nous regarder à tour de rôle d'un visage impassible. Malgré son visage marqué par la fatigue, il inspirait un respect sans faille. C'était Shanks, après tout. Du coin de l'œil, j'arrivais à voir mes amis d'enfance légèrement intimidé par la prestance du rouquin.

- Je peux l'accompagner.

Sabo venait de prendre la parole pour la première fois depuis le début de notre conversation, en me jetant un regard entendu. Il était adorable à essayer de convaincre mon capitaine et mon mentor de la sorte, en ajoutant un élément de poids dans la balance, mais à sa proposition, je ne pus qu'hocher négativement la tête.

- Tu es censé bientôt partir. Si Karasu arrive pour t'emmener avec lui alors que tu es avec moi dans les profondeurs de l'île, ça ne fera que vous retarder. C'est bientôt la Rêverie. Les révolutionnaires ont plus besoin de toi que moi, en ce moment.

Un voile accablé se posa sur les yeux du jeune homme que j'aimais, mais il hocha la tête. J'étais heureuse de voir qu'il était sur la même longueur d'onde que moi, même si la simple idée de son départ prochain m'envahisse de tristesse. En dessous de la table, je vins doucement prendre sa main dans la mienne. Il répondit à mon contact en émettant une légère pression, assez pour me transmettre son affection par ce simple geste. Je sentis mes joues s'enflammer et un sourire fendre mes lèvres presque spontanément.

- Oi, les amoureux.

Je me retiens de sursauter en entendant Beckman nous rabrouer. Sans lâcher la main de Sabo, je me détournais de lui et jetai un coup d'œil à mon mentor. D'un signe du menton, ce dernier m'indiqua notre capitaine.

Shanks avait posé son bras sur la table, jusqu'au coude. Il dévisageait mes amis d'enfance avec intensité, au point que Noah semblait comme tétanisé et que Sorën ne pouvait s'empêcher de paraître déstabilisé.

- J'ai pris ma décision.