Chapitre 99

297 34 5
                                    

Le trajet fut court et sans encombre. En marchant dans les rues poussiéreuses, je fus surprise de ne croiser aucun ennemi, ni même aucun habitant. On aurait dit une ville déserte. 

Alors que Sorën avançait devant, nous guidant, je restais un peu en arrière avec Noah, gardant un œil sur lui et notre environnement tout en lui montrant comment se servir d'un pistolet. Finalement, à force de marcher, Sorën finit par s'arrêter. Nous nous trouvions au milieu de ce qui semblait être une place… la place du village ? Je jetai un rapide regard autour de nous. Elle n'était pas très différente des autres rues que nous avions traversées : recouverte de terre jaune poussiéreuse et vide. Vide de monde, habitants comme adversaires, mais contrairement au reste du village, un affreux vacarme y régnait. Des rires, des cris, de la musique, des bruits de pas résonnaient au coin de la place, derrière une entrée que je n'eus aucun mal à identifier comme étant le pub du village. 

Je me tournai vers Sorën, échangeant un regard entendu avec lui, puis je m'avançai vers le pub, mes deux amis talonnant mes pas. Sans ménagement, j'ouvris l'entrée et m'invitai à l'intérieur. Au moment où je posais un pied sur le plancher, les rires se turent, la musique s'arrêta. Le silence me servit d'accueil, ainsi que tous les visages des convives tournés vers moi. 

Des Trois Yeux. Il ne s'agissait que de Trois Yeux, me dévisageant tous d'un regard surpris ou mauvais, mais je n'avais pas besoin de ça pour savoir que je n'étais pas la bienvenue. D'un léger signe de la main, j'indiquais à mes amis de rester derrière moi. 

Parmi les pirates, l'un des Trois Yeux assis au comptoir se leva, sous le regard tétanisée de la serveuse humaine. Il était musclé, vêtu d'un manteau à demi déchiré et d'un bandeau rouge relevant ses cheveux bruns sur sa tête. Une grande cicatrice lui paraît le front, rendant son troisième œil aveugle. Il semblait avoir beaucoup combattu et surmonté de nombreuses épreuves, mais sûrement mauvaises. 

- On a dit pas d'habitant. À moins que tu sois venue nous remonter le moral, femme. 

Il ricana en buvant goulument, suivi des rires gras de ses camarades. Je restai de marbre, à le regarder se saouler. J'attendis patiemment qu'il finisse de boire, avant d'à mon tour prendre la parole :

- Au contraire, je suis venue remonter le moral de ce village. C'est toi, le chef de cette bande d'incapables ? 
- Hein ?! 

Mon interlocuteur posa sa bouteille violemment sur le comptoir, avant de me lancer un regard empli de colère accompagné d'une grimace. À ma droite, Sorën commença à faire un pas en avant et ouvrit la bouche pour répliquer, mais je le stoppa net d'un geste de la main. Son tempérament sanguin allait directement lancer les hostilités et ce n'était pas ce que je recherchais. Avant que mon ami aie eu le temps de me jeter un regard noir, je repris la parole en me tournant vers le Trois Yeux en chef. 

- Ce village est désormais sous ma protection. Si vous tenez à votre vie et votre fierté, je vous conseille de déguerpir immédiatement. 
- T'es folle ? C'est une blague, c'est ça ? On dirait que t'oublie qui est notre capitaine en chef. 
- Barbe Noire, je sais. Et moi, je suis une pirate du Roux. 

Mon interlocuteur réagit dans la seconde. Il attrapa son pistolet et tira en me visant. Je pris une grande respiration et poussa mon cri en direction du projectile. En entrant en contact avec mes ondes vocales, la petite balle meurtrière fit demi-tour et alla se ficher dans la bouteille du Trois Yeux, la pulvérisant au passage sous son regard écarquillé par la surprise. 

- Si la simple évocation du nom de Shanks te fait aussi peur, tu ferais mieux de partir.

D'un pas tranquille, je m'avançai un peu plus dans le bar, en direction de mon interlocuteur terrifié. Il ne semblait pas bien dangereux, seulement intimidant. Une vraie brute. 

Je n'eus pas le temps de réfléchir davantage que, d'un signe de doigt, le Trois Yeux lança l'assaut. Ses hommes se levèrent rapidement, et tandis que certains se ruaient sur moi, d'autres se précipitaient vers mes deux amis. J'entendis Noah pousser un couinement et des coups de pistolet retentir, mais je n'étais pas inquiète. Sorën était là et ses adversaires feraient mieux de ne pas le sous-estimer. Malgré tout, je devais tâcher d'en finir vite, j'étais encore en convalescence et mon endurance était moins forte qu'habituellement. 

Au simple corps à corps, je réussis à repousser tous mes ennemis, les laissant inconscients au sol ou en train de cracher leur estomac suite à mes coups. Sans leur prêter plus d'attention que cela, j'enjambais leurs corps en direction de leur chef. Ce dernier, le teint incroyablement pâle, une traînée de sueur coulant le long de sa tempe, s'était dépêché de se cacher derrière le comptoir, sous le cri effrayé de la serveuse. J'eus un soupir. Je devais reconnaître m'être attendue à plus coriace comme ennemi, non à de la bleusaille qui grognait plus fort qu'elle ne se battait. J'attrapai mon saï à la pointe de granit marin et d'un geste vif, je l'envoyai empaler le bois du comptoir. Au moment où la pointe perça la surface, un cri de douleur retentit. 

En gardant mon sérieux et ma concentration, je m'approchai davantage, en criant à la serveuse de s'enfuir, ce qu'elle fit sans se le faire demander deux fois. Arrivée contre le comptoir, je retirai mon saï encastré, provoquant un nouveau cri de douleur. En m'appuyant sur ma main libre, je sautai par-dessus le meuble et atterrit de l'autre côté, face au capitaine de la bande de pirates. Le Trois Yeux était agenouillé au sol, bien caché sous le comptoir. Les larmes aux yeux, les traits crispés de douleur, il tenait avec force son épaule droite, d'où dégoulinant un flot de sang. Mes muscles se raidirent et je serrai les dents. Je saisis le col de mon adversaire d'une main et l'élevai au-dessus de moi. Sentant ses pieds quitter le sol, il poussa un cri d'animal mourant qui me fit froncer les sourcils. 

- Si tu es un pirate, agis au moins comme tel ! Fais pas ta poule mouillée ! 

Je le dévisageai d'une moue répugnée qui le fit taire à l'instant même où il croisa mon regard. J'eus un soupir en rangeant mon saï. 

- Que ça te serve de leçon. 

D'un geste vif, ma main libre se referma et j'envoyais mon poing rencontrer le menton du capitaine. 

- Il n'y a pas de place pour les mauviettes dans ton genre ici. 

En accusant le coup, il gémit de douleur, mais je ne m'arrêtai pas là. Un seul poing me suffit pour le frapper efficacement dans la mâchoire et le bas-ventre. Lorsque je le lâchai, il s'effondra au sol, du sang coulant de sa bouche, à moitié inconscient. 

-----
En route pour le chapitre 100 !
-----

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant