Chapitre 58

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Je restai figée, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte. Mon bras tremblait, et au contact du sang de mon adversaire contre la peau meurtrie de ma main, un frisson d’horreur me parcourut. Avec précipitation, je me dépêchai d’arrracher le saï et de le jeter au loin.

Les perles recouvrant le corps de Gyn étaient tombées au sol. Le justaucorps qu’elle portait se constellaient petit à petit de grandes traînées écarlates, jurant avec le bordeaux du tissu. Je n’arrivai pas à reprendre mon souffle, ni à détourner les yeux. Ce n’était pas possible… Je ne voulais pas croire que c’était moi qui avait fait ça… Et pourtant, c’était la vérité…

La peau de la pirate avait grandement pâlit. Du coin de l’oeil, je vis son genou fléchir, et je me précipitai vers elle avant qu’elle ne tombe tout à fait. Je m’agenouillai au sol et la tins dans mes bras. Ses yeux s’étaient fermés et son corps était d’une froideur macabre. Mon coeur fit un bond. Je relevai la tête et ouvris la bouche, prête à appeler un des médecins du G-5, mais la main tremblante de mon adversaire se posa sur mon bras et exerça une légère pression, me stoppant net dans mon élan. Je baissai la tête vers elle. Elle avait entrouvert les yeux. C’était étrange de voir à quel point ses traits s’étaient considérablement adoucis, mais ce fût ce ton presque caressant qu’elle employa qui me surprit le plus : 

- Arrête. Ca sert à rien et… C’est beaucoup mieux comme ça. 

Je la considérai avec incompréhension. Elle voulait vraiment mourir ?! Son sang s’écoulait trop rapidement, elle n’avait aucune chance de survie si on n'agissait pas maintenant. Je fronçai les sourcils, mais lorsque j’ouvris la bouche pour protester, elle posa deux doigts sur mes lèvres, m’incitant à me taire. Elle souriait.

- Tu… Tu es bien la fille de ton père.

Son regard me détaillait avec précision, comme si elle cherchait à ancrer mon visage dans sa mémoire.
Sa main quitta mon visage pour s’écraser lourdement au sol. Son corps se raidit, elle ferma les yeux et expira, une dernière fois. Son sourire ne l’avait pas quitté.

Je restai immobile et sans voix. Je n’arrivai pas à faire le moindre geste, ni à parler. Je… Je l’avais tué. Je l’ai tué. Cette pensée résonnait inlassablement dans ma tête, sans jamais s’arrêter. L’horreur me parcourait toute entière. Je lâchai le corps de Gyn, me relevai et reculai rapidement. Je sentais la sueur perler sur mon front tandis que ma respiration accélérait. Je ne voulais pas y croire… Ce n’était pas possible… Mais le corps froid qui s’étalait devant moi me ramenait à la réalité. J’ai tué une personne. Je n’aurai jamais cru commettre un tel acte, c’était contre mes principes. J’étais épouvantée et répugnée par moi-même. Déjà, les larmes me montaient aux yeux. Je me sentais si à vif, je n’arrivais même plus à respirer…

Minute… Non… Je… Je n’arrivai plus à respirer, littéralement. De violentes douleurs me traversèrent soudainement de part en part, je voulais crier et hurler de souffrance, mais je me sentais d’un coup étonnamment faible, trop faible pour crier.

C’est alors que j’en pris conscience : J’avais vaincu Gyn. Mon corps pouvait à présent se reposer, loin de l’hypnose et de l’adrénaline qu’elle m’avait procuré. Le contrecoup était insupportable. Chaque blessure était lancinante. Je me sentais comme vidée de toute énergie. Je fus prise d’une toux sanguinolente. Un mal de tête et un mal de coeur m’avaient frappé de plein fouet, et ils furent bientôt rejoints par un profond vertige. 
Je voulus reculer, mais mes jambes ne me portaient plus. Mes yeux se fermèrent malgré moi, et je me sentis basculer vers l’arrière. 

Au loin, j’entendais une voix aiguë crier quelque chose, mais je n’eus pas la force de me concentrer et de l’écouter. Mon corps, mes sens ne m’obéissaient plus. Le plomb et mes blessures avaient eu raison de moi. Petit à petit, j’étouffais, je m’intoxiquais, je me vidais de mon sang. Je me savais perdue.

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant