Chapitre 62

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Je n’avais aucune idée d’où je me trouvais, mais j’avais conscience de ne pas être dans une position idéale. J’ai essayé de tirer sur mes chaînes dans l’espoir de gagner quelques centimètres de mobilité, en vain, elles étaient trop serrées, trop tirées. Je poussai un soupir de découragement qui se transforma presque immédiatement en une quinte de toux. J’étais peut-être réveillée et superficiellement soignée, mais j’étais loin, très loin d’être guérie, et évidemment mes liens en granit marin n’arrangeaient rien, me rendant plus faible que je ne l'étais déjà. C’était ce détail qui m’avait fait pensé que j’étais probablement dans une base de la Marine. Smoker avait dû me capturer après notre alliance éphémère. Je ne pouvais pas l’en blâmer, il avait fait son devoir.

Le bruit métallique d’une porte se fermant et des pas lourds se rapprochant me firent lever la tête. L'ombre d'un homme de grande taille passa devant mes barreaux, puis le cliquetis d'une clé s'introduisant dans une serrure provenant de la porte de ma cellule se fit entendre et le nouveau venu entra. Le peu de lumière me donnait plus de difficulté à voir, mais je reconnus immédiatement mon visiteur.

Un sentiment de colère m’envahit. Je fronçai les sourcils et serrai les poings sans le quitter des yeux alors qu’il me fixait, debout, les bras croisés, un cigare en bouche. Par sa simple présence, il aurait pu effrayer n’importe qui, mais je n’étais pas n’importe qui, et un sourire scarcastique me fendit les lèvres alors que je m’écriai :

- Le toutou du Gouvernement. Quel honneur.

Depuis le temps où je voulais me retrouver face à lui, il avait fallu que ça arrive alors que j’étais prisonnière. Autrefois, je me serai sûrement sentie humiliée d’être dans une telle position face au rival de mon père, mais à présent je m’en fichai complètement. À mes yeux, il était bien plus pathétique que moi blessée et enchaînée.
Akainu n’avait eu aucune réaction visible. Il ne faisait que me toiser en fumant son cigare. On aurait dit qu’il se retenait d’exploser. Je repris un visage neutre et soutins son regard. Mieux valait ne pas trop le pousser à bout pour rien.

- Aouso.
- Tu sais d’où vient ce surnom. Ne m’appelle pas comme ça.

Cet épithète ne m’avait jamais réellement dérangé, bien qu’il soit beaucoup moins glorieux que celui de mon père, et j’arrivai presque à l’apprécier. Mais je détestais par-dessus tout qu’une personne m’ayant connu autrefois utilise ce surnom datant de mon enfance, de surcroît donné par l'un de ses collègues, pour s’adresser à moi comme à une inconnue. Je n’avais jamais aimé Sakazuki et il me le rendait bien, mais je refusais qu’il m’appelle ainsi. J’allais peut-être l’énerver de lui parler aussi insolemment, mais je ne m’en souciais pas. J’avais parfaitement conscience que je n’allais pas survivre à mon séjour ici, qu’il me tue maintenant ou sur l'échafaud ne changerait rien. 

De là où j’étais, je vis ses poings se serrer. J’haussai un sourcil. Pourquoi se retenait-il autant ? J’étais à sa merci, rien ne pouvait l’empêcher de me crier dessus, de me frapper ou de me tuer, mais au lieu de faire tout cela, il dé-croisa les bras et s’approcha d’un pas. Instinctivement, je me reculai autant que possible contre le mur, tandis que sa voix rauque et autoritaire s'éleva dans ma direction.

- Je veux la vérité, Aouso. Est-ce que tu a tué Kuroshinju ?

À l'entente de ce nom, je me sentis blêmir, mes membres se raidirent. Smoker le lui avait dit, donc. Je baissai les yeux, alors qu'un arrière-goût amer avait envahi ma bouche. Je n’étais pas fière et je savais que toute ma vie, je me reprochai ça. Je n'en revenais toujours pas, de ce que mon corps avait fait... De ce que j'avais fait. Contrairement à mon interlocuteur, je n’avais jamais tué auparavant et je ne comptais pas commencer, c’était un accident… Mais un accident que je devrais assumer jusqu'à ma mort.

- Et alors ? Dans tous les cas, tu me feras exécuter.
- Réponds à la question.
- Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi.

Je relevai la tête et le fusillai du regard. Je n’allais pas me laisser intimider par lui, simplement parce qu’il était… Ce qu’il était.

Il détourna le regard et ferma brièvement les yeux en soufflant, comme si il cherchait à évacuer sa fureur. À ma grande surprise, déjà présente face à son calme inhabituel, il se courba et s’assit en tailleur à même le sol, en face de moi. J’ouvris des yeux ronds. J’étais confuse, et son regard de braise ne me donna aucune explication, aucune indication. Il expulsa de la fumée de sa bouche, avant de déclarer posément :

- Le vrai nom de Gyn était Akoya D. Mona.
- Je l’ai tuée. C’est bon, t'es satisfait ?
- Pour une fois dans ta vie, tu vas la fermer et m’écouter.

Ce fût plus la violence mise dans ses mots que le regard noir qu'il me lança qui me fit taire. J’étais stupéfaite. Il n'avait jamais toléré mon insolence et je m'attendais à la payer plus cher que des mots crachés avec fureur. Depuis qu’il était arrivé, il était si anormal… Où voulait-il en venir, à la fin ?!

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant