Une Question de Justice [One Piece]

Chapitre 53

Une puissante douleur détourna mon attention du corps inconscient de mon adversaire. J’avais de plus en plus de mal à tenir debout. Mes jambes tremblaient, j’avais comme une impression de tournis. Je tâtonnai derrière moi jusqu’à sentir le mur de métal sous mes doigts, puis je me laissai tomber contre la paroi, les yeux à demi-clos. Je peinai à respirer et l’adrénaline étant passée, je me rendis compte de la froideur de ma peau et de la sécheresse de mes lèvres. Je déglutis avec difficulté. Le plomb. Il était en trop grande quantité dans mon corps pour que mon organisme parvienne à l’éliminer tout seul. Every étant évanoui et également très affaibli, je ne pouvais pas compter sur lui pour m'aider. À vue d’oeil, j’estimai qu’il me restait à peine quelques heures, dans le meilleur des cas.
Un soupir à demi-étouffé m’échappa. J’avais mal physiquement, mais également dans ma tête, dans mes sentiments. Je ne voulais pas mourir, je voulais rejoindre mon capitaine, mes nakamas… Je voulais continuer à respecter et taquiner Beckman en disant qu'un jour je le battrai, je voulais continuer à aimer Shanks comme un frère, et Sabo... Enfin, il fallait que je vois la réalité en face. Ironiquement, je me dis que j’aurai mieux dû leur faire des adieux, pas des au revoir…

- Isiris !

J’entendis une voix crier mon nom, mais elle me paraissait si lointaine… Avec difficulté, je relevai la tête et aperçus les silhouettes floues de plusieurs personnes. L’une d’entre elles, rose, s’était rapproché au pas de course, et je pus rapidement reconnaître la Binoclarde. Quelques taches rouges semblaient consteller son visage, mais elle ne semblait pas être gravement blessée. Les coins de mes lèvres se tordirent, essayant de se recourber en un sourire soulagé, en vain. Je pris une grande inspiration malgré ma respiration sifflante. Je fermai les yeux en tentant de garder une voix assurée.

- T’as réussi ?
- Oui… Les cargaisons et les sous-marins sont détruits, la femme et ses subordonnés sont vaincus. Mission accomplie.
- Parfait.

C’était peut être parce qu’une faiblesse affolante m’avait gagné, mais je me surpris à féliciter mentalement la jeune femme. Elle semblait avoir réussi. Tout était réglé, de notre côté. En espérant que tout se passait bien pour Smoker.

Des chuchotements grésillants parvinrent à mes oreilles et me firent rouvrir les yeux. Un peu plus loin, je remarquai la capitaine de la Marine en train de discuter avec l’un de ses soldats. Je fus surprise. Quoi, est ce que quelque chose n’allait pas ?

Sans que je puisse penser davantage, Tashigi avait fait volte-face et s’était précipitée auprès de moi. Elle s'était s’accroupie à mon niveau et m'avait lancé un regard inquiet qui sur le moment m’étonna grandement de sa part. J’avais plutôt l’habitude de ses regards noirs.
La jeune femme parla d’un ton aussi calme qu’elle le pouvait, mais j’arrivai facilement à déceler l’inquiétude et la panique qu’elle ressentait et qu’elle essayait de refouler.

- Isiris, tu as été empoisonnée. Est ce que tu as absorbé une substance étrange, durant ton combat ?

Un ricanement échappa à mes lèvres, mais la douleur qui le suivit me fit immédiatement regretter ma réaction.

- Pas empoisonnée.. Intoxiquée. Revois ton vocabulaire, Bino--

Je n'avais pas terminé de parler lorsque je sentis qu’on m’attrapait fermement par les épaules et qu’une voix autoritaire s’adressa à moi, et ce qui me surprit le plus était que c'était bel et bien de la voix de ma rivale.

- Bon sang ! Arrête de faire ta fière ne serait-ce qu’une seconde. Dis-moi ce qui s’est passé !
- C’est rien, seulement mon adversaire possesseur du logia du plomb qui s’est pas gêné pour faire joujou…

J’haussai les épaules, un vague sourire sur les lèvres. Mon interlocutrice, ouvrant des yeux ronds, me lâcha et posa une main sur sa bouche, stupéfaite. Elle tremblait légèrement et malgré ma mauvaise vision, je pouvais voir que des larmes étaient apparus dans ses yeux. Si je n’étais pas aussi mal, j’aurai sûrement ri avec sarcasme. Qu’elle s’inquiète pour moi, c’était du jamais vu.

- Fais pas cette tête Binoclarde. Le côté positif c’est que maintenant, vous aurez aucun mal à me capturer… Enfin si un cadavre vous intéresse.
- Arrête de dire des idioties, imbécile ! On va te soigner, tu vas t’en sortir, je te le promets.

Elle était sincère ? Elle voulait vraiment me sauver ? J’étais médusée par son comportement. Les marines n’aidaient pas les pirates, d’autant plus si la marine en question détestait la pirate en difficulté. Peut être qu’elle n’était pas aussi bête que ça, finalement. Peut être qu’elle savait aussi prendre des décisions qui lui semblaient justes bien que contraire aux Lois du Gouvernement Mondial. Quelque part, Smoker étant son supérieur, cela ne devait pas m’étonner, mais je trouvais ça touchant. Malheureusement, il était trop tard. Mon corps allait bientôt totalement me lâcher, puis ce sera au tour de mon esprit de flancher. Je ne croyais pas que je vivrai assez longtemps pour voir le coucher du soleil, mais je refusai de partir avant d’être certaine que la menace était vaincue et que mon nakama allait bien.
Je levai la tête vers Tashigi et la regardai droit dans les yeux avec toute la volonté qu’il me restait.

- Il est trop tard pour moi. S’il te plaît, je voudrais être certaine qu’on a réussi.

La connaissant, elle allait se révolter contre ma demande. Mais tant pis, si elle ne voulait pas m’aider à rejoindre les autres marines, j’irai toute seule. Je voulais en avoir le coeur net, pour pouvoir mourir en paix.

Soudainement, je me sentis attrapée. On me mettait debout, et quelqu’un me soutenait contre son corps, tel un tuteur pour une plante. J’eus la surprise de prendre conscience qu’il s’agissait de Tashigi qui me tenait fermement, les sourcils froncés sous la concentration. Elle s’était pincé les lèvres, et de sa main libre, elle avait fait signe à ses hommes de partir. Avant de suivre le reste du groupe, la jeune femme tourna la tête dans ma direction, les yeux enflammés par la détermination.

- Smoker-san trouvera un moyen de te sauver. Tu peux toujours rêver si tu crois que je vais te laisser mourir.