Chapitre 6

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- Non.
- Allez ... S'il te plaît !
- Mais ce n'est pas un jeu !
- Sois sympa !
- C'est la dernière fois qu'on te demande, promis !
- S'il te plaît !

Un soupir mi-exaspéré mi-amusé s'échappa de mes lèvres. C'était l'heure de déjeuner, et alors qu'on se rassemblait tous autour des tables en bois, un petit groupe avait profité de l'agitation pour m'approcher. Ils avaient tous des étoiles dans les yeux, et ne cessaient de me presser pour que j'exauce leur souhait. Je dois avouer que leur comportement enfantin était drôle à voir.

Je finis par me lever de ma chaise. Une fois debout, je retroussai mes manches et plaçai les deux mèches courtes qui encadraient mon visage derrière mes oreilles. Le groupe qui m'acculait quelques secondes plus tôt s'était tut, il était attentif. D'habitude, autant de calme de leur part était suspect, mais là, ils étaient simplement impatients et ne voulaient rien rater.

Je me raclai la gorge. Me sentant prête, je fis signe à Yasopp.
Le tireur d'élite avait saisi un verre, et attendait mon feu vert pour le lancer dans ma direction. Dès que le verre fût en l'air, il se décala précipitamment.
Il n'y avait aucune personne sur la trajectoire du projectile vers moi. Parfait. Je fixai mon regard sur le verre, puis ouvris la bouche et poussai un cri aigu durant quelques secondes. Sous les yeux de tous, petit à petit, le verre se fissura, puis se brisa, avant d'être réduit en une fine poudre qui fut projetée contre le mur opposé. Je cessai de crier, faisant retomber la pièce dans un silence parfait. Tous, même ceux qui ne faisaient pas partie du groupe de surexcités, m'avaient apparemment regardé faire, car à présent ils fixaient tous le mur. Le silence ne dura pas, et fût rapidement brisé par des cris de joie, et des rires.

- Dans l'mille !
- La prochaine fois, on essayera avec du bois !

L'agitation ne fit que croître alors qu'ils trinquaient et mangeaient que dis-je, engloutissaient la nourriture. J'affichai un léger sourire fier. Ce ne devrait pas être un jeu, c'est vrai, mais voir qu'ils s'amusaient de ma performance me faisait plaisir.

Le fruit du démon que j'avais mangé, le Ha Ni Ho no Mi, le fruit de l'Élocution, me permettait de contrôler les ondes de voix. J'arrivai donc, entre autre, à briser du verre avec un simple cri, et j'étais sûre qu'avec un peu d'entraînement et de concentration, je pourrai briser des matières plus solides. En attendant, ma voix était devenue mon plus précieux atout.

Le repas, joyeux comme d'habitude, dura plus longtemps qu'ordinairement. Nous profitions pleinement de l'après-midi de libre que nous avait accordé notre capitaine. Pourtant, à peine avions nous fini de manger que Ben Beckman arriva. Il avait été le seul, avec Shanks, à ne pas venir manger avec nous tous. Beaucoup de travail pour eux, j'imagine.
Le second s'imposa assez rapidement, et d'un geste de la main, il nous fit signe de nous taire. Nous obtempérons, curieux de l'annonce qu'il allait nous faire.

- Premièrement, si vous pouviez arrêter de demander à Isis d'utiliser son pouvoir, ce serait cool. On s'est vraiment demandé si il y avait un problème.

Le rouge me monta aux joues, je baissai la tête dans l'espoir de me faire oublier. Un sentiment de gêne m'avait étreint, je m'en voulais d'avoir inquiété le capitaine et son bras droit.
Des murmures, des bougonnements se firent entendre, mais je perçus dans ce brouhaha de mécontentement des "OK" boudeurs. Je finis par relever la tête. Beckman me souriait et me fit un clin d'œil. C'est alors que je compris. Les deux, Shanks et lui, s'étaient peut être inquiété, mais cette remarque était surtout un coup de pouce. C'est mignon, ils se soucient de moi. Et ils n'avaient pas tout à fait tort, mes nakamas étaient adorables, mais leurs demandes devenaient lassantes voir oppressantes à la longue.
Je me permis alors de sourire, et inclina légèrement la tête vers le second en remerciement de cette aide. Il détourna alors le regard pour se concentrer sur la totalité de l'équipage.

- Autre chose, on débarque sur la prochaine île pour faire le plein de vivres. Vous savez ce que ça veut dire.

Un torrent d'ovations auquel je participai se déclencha, tous étaient heureux à cette nouvelle. Cela faisait depuis si longtemps que nous n'avions pas foulé le sol, depuis mon départ de Marineford pour ma part, et depuis l'Île des Hommes-Poissons pour les autres, j'étais alors trop faible pour descendre du navire. Cette opportunité m'offrait de nombreuses possibilités, comme acheter des vêtements. Mon uniforme étant taché de sang, je l'avais troqué pour une chemise et un bas prêtés par Shanks. Seul mon manteau de la Marine, mes bottes et mes gants subsistaient de ma dernière aventure, et je comptais bien porter de nouveau des habits qui n'appartiendraient qu'à moi seule.
J'étais heureuse à la perspective de me refaire une garde-robe stable, mais une autre idée germa dans mon esprit. Nous allons aller sur une île. Il y aura de la civilisation, des personnes... Et peut être des gens de la Marine. Un sourire sur les lèvres, je fus remplie de joie, et dès que Beckmann fût parti, je me levai, débarrassai avec mes camarades et me dépêchai de rejoindre ma chambre. Une fois entrée, je pris une plume et du papier et allai m'asseoir sur mon lit.

Un long moment, je restai les bras ballants, à fixer la feuille sans rien écrire. Je cherchai les mots justes, il fallait que je sois discrète et que je ne laisse rien filtrer. Dans un soupir, j'essayai d'évacuer la pression.

- Allez. Go.

Je posai la pointe de la plume sur le papier et commençai à écrire. Au fur et à mesure, les mots me vinrent instinctivement et je laissai la plume me guider.

Papa,

Je te présente mes excuses pour avoir raté notre rendez-vous et ne pas t'avoir donné de mes nouvelles plus tôt.
J'ai donc officiellement démissionné de la Marine, j'imagine que Sengoku t'a parlé de ça. Mais ne t'inquiète pas pour moi, je vais bien et j'ai rejoint des personnes en qui j'ai une totale confiance, je travaille et je m'amuse bien.
J'espère pouvoir bientôt te revoir, et t'expliquer tout plus en détails. Tu me manques.
À très bientôt,
                           Isiris.

Cette lettre fût rapide, mais je ne pouvais en dire davantage, de peur de trahir ma nouvelle condition de pirate. Je préférerai que ma tête soit mise à prix le plus tard possible, et je dois avouer que j'allais avoir du mal à assumer face à mes anciens collègues.
Je pliai le papier en deux et repris la plume pour écrire quelques mots sur l'un des côtés vierge.

A l'intention de l'Amiral Aokiji, QG de la Marine
Marineford

J'espérai. J'espérai que je trouverai sur l'île des gens de la Marine. J'espérai qu'ils accepteront de transmettre ma lettre. Et surtout, j'espérai que mon père allait bien.

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant