Chapitre 114

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- Tu peux arrêter de faire la tête deux secondes ? 
- Comment tu veux que je reste calme ?! On parle de pirates, tu t'en rends compte au moins ? 
- Oi, j'en suis une aussi. 
- C'est bien dommage. 
- Rien ne te force à nous suivre. Tu peux tenter de t'en sortir toute seule. 

Impassible, je soutenais le regard irrité d'Abigail. Nous avions à peine fait quelques mètres avant que son caractère insolent ne ressorte, et, évidemment, j'étais toute aussi têtue qu'elle, si ce n'est plus. Depuis que nous nous disputions, je voyais du coin de l'œil Beckman nous fixer, l'air mi-amusé mi-ennuyé, et je commençais petit à petit à partager son second état. 

Ma sœur de lait était, avec Sorën et Noah, tout ce qui me restait de mon enfance, de cette petite famille avec laquelle j'avais partagé tant de choses. Même après autant de temps loin d'elle, même après notre relation infantile plutôt chaotique, j'étais consciente que j'étais prête à tout pour la protéger, bien que ce soit une envie de protection un peu différente de celle que j'éprouvais pour mes deux autres amis. Sûrement parce que le lieu dans lequel nous étions en ce moment était d'un danger absolu. 

Un danger absolu… et pourtant nous trouvions le moyen de marcher comme si de rien n'était, et même de nous envoyer des piques, et je n'en éprouvait aucune incommodité. Inconscience, ou témérité ? Sûrement un mélange des deux. 

Après avoir jeté un dernier regard appuyé vers mon interlocutrice, je reportai ma concentration au devant de nous, me taisant par la même occasion. Par prudence, j'avais posé une main sur la garde de l'un de mes saï, prête à le dégainer. C'était étrange. Je ne connaissais pas Lucci plus que cela, mais je le voyais mal abandonner aussi facilement, et cette atmosphère de calme et de pseudo-sérénité n'était sûrement que le calme avant la tempête. Tant que nous n'étions pas partis d'ici, nous n'étions pas sortis d'affaire et de tout danger. 

Et j'avais eu raison. Alors que nous atteignons l'une des extrémités de la ville, les soldats du Gouvernement avaient laissé place à l'agent du CP-0. Il était seul, la main négligemment nichée dans sa poche de pantalon, le regard vide posé sur nous. Il n'était pas terrifiant, mais sa simple vue m'était insupportable. Cet homme, aussi puissant qu'il était, n'était en fait qu'un monstre tolérant et défendant les intérêts des Dragons Célestes et du Gouvernement Mondial, et si ma priorité n'était pas de fuir d'ici, je me serais fait un plaisir de lui mettre une raclée. Mais j'arrivais à rester lucide sur ce que je voulais : ce n'était pas mon objectif premier. Il était cependant bien devant nous et nous allions devoir nous en occuper, car je doutais qu'il nous laisse passer bien gentiment. D'un coup sec, je dégainai mes deux saï et fis quelques moulinets avec avant de mélanger vers lui, quoi que puisse me crier Abigail. 

Au moment où j'abaissais mes lames dans sa direction, elles furent immédiatement détournées par un violent coup. J'entrevis une paire de griffes s'approcher durant le bref instant où je fus déséquilibrée et j'expulsais un souffle ardent de mes poumons en utilisant mon cri. Le feu brûla le poil tacheté de mon ennemi, mais sans plus. 

- Isiris !! 

C'était la énième fois qu'Abigail prononçait mon nom depuis le début du combat. Profitant d'une bref seconde de répit, je tournai rapidement la tête vers elle et la questionnait du regard. Elle avait passé l'entrée menant à la ville, se retrouvant hors de la résidence des Dragons Célestes, avec Beckman, mais les deux restaient sur place, à regarder mon combat contre Lucci et attendant que j'en finisse. J'aurai voulu leur crier de partir sans moi, mais je savais que c'était inutile que qu'aucun d'entre eux n'obéirait, mais un combat contre le chef du CP-0 était aussi vif que durable. Je ne pourrais l'avoir que sur la durée, mais si je prenais trop de temps, le reste de son groupe pouvait arriver et nous capturer tous d'un coup. Ce combat n'avait qu'un intérêt : me retarder pour mieux nous avoir. Je n'avais donc qu'une seule option. 

Je pris une grande inspiration et d'un coup, je criai de toutes mes forces sur Lucci. La puissance de mon cri le déstabilisa, le souleva même du sol pour l'envoyer s'encastrer dans un mur, et au moment où mon cri cessa, je me retournai et courrai aussi rapidement que possible vers mes deux amis.
Au moment où je crus les atteindre, je sentis qu'on me tirait en arrière. L'instant d'après, après un court vol plané, je m'écrasai durement au sol en poussant un grognement de surprise mêlé à de la douleur. 

En me relevant, je me sentais bizarrement plus légère qu'auparavant, mais je n'y prêtai pas grande attention. Je serrais les dents tout en me redressant, et alors que mon regard noir allait se poser sur Lucci, mes yeux s'écarquillèrent de surprise. L'agent du Gouvernement me faisait face, un léger sourire satisfait sur les lèvres, et tenant mon manteau bleu d'une seule main. Par automatisme, je portais la main à mon épaule, mais le tissu et la corde le tenant avaient bien disparu. Je sentis comme une vague froide m'envahir. 

- Rends-le moi. Tout de suite. 
- C'est si important pour toi ? Un vulgaire vêtement abîmé ? 

Je me tus, avant de commettre une erreur en lui avouant à quel point cet habit était important à mes yeux. Les sourcils froncés, je repris mes saï en main, plus déterminée que jamais, mais avant que je ne puisse faire le moindre geste, je sentis des bras bloquer les miens tandis qu'une voix murmurait à mon oreille. 

- Ne fais pas ça, c'est exactement ce qu'il attend ! Si tu fais ça, il va te capturer ! 
- Tu comprends pas ! 

Je sentis la frustration et la colère affluer, tandis que les paroles d'Abigail résonnaient dans ma tête. Elle me tira vers l'arrière, alors que Beckman tirait quelques coups de feu sur Lucci. C'était le parfait moment pour fuir, mais je ne voulais plus, à présent… pas sans cette partie de moi qui m'avait été enlevée et que je devais absolument récupérer. Je sentis les larmes envahir mes yeux sans pour autant couler. Au moment où je m'étais formulée cette pensée mentalement, je savais que c'était la mauvaise décision. D'un geste brusque, je me dégageai des bras de ma sœur de lait, et tout en essayant de garder un visage neutre, j'hochai la tête vers elle puis vers Beckman, et tous les trois, après que mon mentor aie atteint Lucci avec l'une de ses balles, suffisant à le ralentir, nous nous mîmes à courir le plus vite possible. 

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant