Chapitre 68

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île de Sphinx, Shin Sekai.

La patience de Shanks était presque à bout. Ses nerfs avaient presque lâchés. Il n’arrivait plus à trouver un sommeil paisible, à profiter de la bonne nourriture, à abuser de l’alcool. Tout ce qu’il arrivait à faire, c’était penser à elle, à sa recherche.

Il y a quelques jours, après une nuit fêtarde, Shanks avait été réveillé brutalement par ses nakamas, venus le trouver avec de la panique dans la voix, et pour cause : Rockstar était de retour, mais pas dans l’état où ils s’attendaient tous à le retrouver. Le pirate était blessé, au bord de l’inconscience, et seul. 

Le cœur de Shanks s’était serré avec force, alors que son subordonné bredouillait, des larmes de culpabilité dans les yeux, de terribles excuses. Il avait alors tout mis en œuvre pour la rechercher, en envoyant ses hommes dans les différentes îles alentour, en demandant l’aide de ses alliés, en usant de son autorité dans les plus noires organisations, et dès lors que le médecin de bord et les flammes bleues et jaunes de Marco eurent soigné Rockstar, celui-ci s’était immédiatement mis à la recherche de la jeune femme. Beckman, quant à lui, gardait son sang froid et aidait ses camarades à préserver le leur. Tout l’équipage s’activait, et même Marco y mettait du sien, mais Isiris restait introuvable. Shanks se désespérait, torturé par cette affreuse angoisse de la savoir en ce moment-même blessée... Ou pire.

Quelques jours s’étaient écoulés depuis le lancement des recherches. Dès le matin, les pirates avaient repris leur agitation, certains s'étant attelés à leurs tâches habituelles, d’autres s’occupant de l’urgence. Shanks ne faisait ni l'un, ni l’autre. Il avait encore passé une nuit sans sommeil. Il restait immobile, allongé sur son lit, les yeux rivés vers le plafond. D’un geste lent, il leva sa main devant ses yeux et scruta la pomme rouge qu’il tenait. Il n’avait pas la foi de mordre dedans, ni de la jeter par terre. D’un soupir anxieux, le capitaine laissa sa main retomber lourdement sur son matelas et il ferma les yeux. Il espérait pouvoir dormir ne serait-ce que quelques minutes… Il savait qu’elle n’aimerait pas le voir ainsi. Qu’elle l’aurait forcé à se reprendre, à redevenir le fameux Akagami no Shanks qu’il n’avait plus l’impression d’être à l’heure actuelle. Il n’était qu’un homme agonisant d’inquiétude, et qui mourrait à coup sûr si la nouvelle funeste qu'il redoutait tant finissait par arriver. 

- Capitaine ! 

Le fracas de la porte qui s’ouvrait lui fit tourner la tête, dévisageant un Beckman légèrement essoufflé. Immédiatement, il se redressa. 

- C’est...
- On a reçu un appel. Il faut que tu vienne tout de suite.

Shanks se leva, et sans ajouter un mot, il suivit son second. 

Lorsque les deux pirates stoppèrent leur marche, ils étaient dans une des nombreuses calles du navire. Marco, qui occupait l’interlocuteur au bout de l'escargophone, les salua d’un signe de tête et tendit le combiné au rouquin. Celui-ci le prit d’un geste vif et regarda avec attention le Den Den Mushi. L’escargot, en alerte, avait une cicatrice sur l'œil gauche.

- Il y a quelqu’un ?
- Sabo ?

Le capitaine fronça les sourcils. Cela faisait deux ans qu’il n’avait plus vu le jeune homme, mais plus que tout, il se demandait pourquoi un révolutionnaire les contactait.

- Oui. On a pas le temps. L’heure est grave.
- Je t’en prie, parle.

Comme Koala l’avait fait auparavant, ce fut au tour de Sabo de tout raconter, la gorge nouée, la voix parfois tremblante. Son cœur battait à tout rompre, sa respiration s’était accélérée, comme s'il risquait, à chaque mot de plus, de mourir.

- … Cinq jours. Elle est gardée à New Marineford, et sera exécutée dans cinq jours si nous ne faisons rien.

Le jeune homme se tut, attendant la réponse de son interlocuteur, mais elle ne vint pas. Shanks serra brusquement le combiné, avant de le lâcher brusquement. Il recula, et sans ajouter un mot, il se retourna et partit, laissant son second et Marco seuls face au Den Den Mushi.

Le capitaine pirate marchait lentement, longeant le mur du couloir dans lequel il était. Chaque pas qu’il faisait était plus lourd que le précédent. Il avait subitement très froid. Il ne sentait plus son coeur, ni même sa respiration. Il avait l'impression de mourir de l’intérieur. Soudainement, il s’arrêta, sa main posée contre le mur pour l’empêcher de tomber. Son poing se referma quand soudainement, il le leva et l’abattit avec violence contre le mur en poussant un puissant cri de rage. Un craquement se fit alors entendre, et lorsqu’il releva la tête, il découvrit le mur, craquelé tout autour de son poing. Tout à coup, il se sentit pris d’un sentiment de colère intense. Son visage se renfrogna. Il avait juste envie d’une chose, détruire tout ce qui l’entourait. Il haïssait tout ce qu'il voyait. Il se haïssait lui-même. 

Alors que des larmes envahissaient ses yeux, il sentit une main se poser sur son épaule. Il tourna la tête. Beckman le dévisageait avec sévérité, mais sans non plus être insensible. Le regard de son ami posé sur lui accentua encore plus sa culpabilité. Il détourna la tête et serra les dents, se retenant de frapper à nouveau dans le mur.

- J’aurai jamais dû la laisser partir.

Sa voix tremblante sous le coup de la rage était sortie de sa gorge malgré lui. Le second laissa échapper un soupir de découragement, en resserrant sa prise sur l’épaule de son ami.

- On a pas le temps de se morfondre. Cinq jours, c’est court.

Shanks déglutit avec difficulté et ferma brièvement les yeux, faisant un effort pour ravaler ses larmes. Il savait qu’il avait raison, mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Elle le rendait fou, et ce depuis leur première rencontre. Son corps, son mental, ses sentiments réagissaient malgré lui.

- Tu as raison.
- Eh. On va la récupérer. Tu--
- Rassemble les hommes et mets-les au courant qu’une bataille nous attend. Qu’ils rassemblent toutes leurs forces.

Les muscles de Shanks étaient toujours crispés et lui-même était encore furieux, mais plus forte que sa colère était sa détermination. Cinq jours. Ils avaient cinq jours pour tout préparer, pour la ramener. Ils n’avaient pas de temps à perdre et lui-même devait mettre ses émotions de côté pour envisager le meilleur et agir comme un bon capitaine.

- Sakazuki est allé trop loin cette fois-ci.
- J’aime te l’entendre dire. 

Beckman s’autorisa un sourire et offrit à son capitaine une tape amicale dans le dos, jusqu’à ce qu’une troisième voix provenant de derrière lui lui fasse tourner la tête. Marco avança vers eux. Malgré sa démarche tranquille, il avait le visage grave et les sourcils froncés. 

- Je le pense également.

Le médecin passa devant eux. Il s’adossa au mur, proche du poing de Shanks, et croisa les bras, tentant comme il pouvait, comme Beckman, de garder son calme, mais sa colère ressurgissait malgré lui sur son ton de voix.

- Sabo nous a indiqué un lieu de rendez-vous auquel il nous attendra, nous et Aokiji. En partant tout de suite, nous y serons dans deux jours. Ne perdons pas de temps.
- “Nous” ?

Shanks plissa les sourcils et dévisagea le phénix avec étonnement. Celui-ci répondit par un hochement de tête et Beckman enchaîna immédiatement, aussi surpris que son capitaine.

- Tu parlais de ne pas quitter cette île. Qu’elle était sous ta protection.
- J’ai déja perdu de nombreux frères. Je refuse de laisser une sœur mourir sans rien faire. 

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant