Une Question de Justice [One Piece]

Chapitre 101

Je regardai d'un œil sévère l'homme à terre devant moi. Il n'était pas gravement blessé et pourtant, il ne se relevait pas. Son corps tremblant et ses sanglots bruyants m'étaient suffisants pour comprendre la frayeur qui avait envahi son âme et qui excitait davantage ma dureté. En fronçant les sourcils, je posai un pied sur son dos en murmurant :

- Tu fais peine à voir.
- P-pitié madame…
- Pitié ? Tu oses me demander de la pitié, après ce que tu as fait ? Lâche !
- Capitaine !!

En entendant la dernière exclamation, je fis volte-face. Trois pirates, des Trois Yeux, se précipitaient dans ma direction, les yeux rivés sur leur chef.

- Espèce de…
- Silence.

D'un mouvement de doigt, je leur retirai la parole et ils se retrouvèrent à crier silencieusement.

- Apprendre la politesse ne vous ferait pas de mal. Première leçon, on respecte les autres sans profiter des plus faibles pour les envahir.

En délaissant les pirates, je me retournai vers le capitaine à mes pieds. Je me penchai, attrapai son bras et le tirai avec force vers l'arrière. Un craquement écœurant se fit entendre. Ma victime poussa un cri de douleur et se mit à gigoter, mais je le gardai en place grâce à mon pied tout en tenant toujours son bras.

- Deuxième leçon, on fait preuve de courage dans ses paroles ET ses actes.

Alors que j'allais continuer, j'entendis des bruits de pas précipités se rapprochant de plus en plus, jusqu'à ce que trois coups de feu retentissent. En retournant la tête, je découvris les trois pirates auxquels j'avais retiré leur voix au sol, le crâne en sang et fumant, et à quelques mètres de nous, Sorën, en train de recharger son pistolet entouré de quelques cadavres.

- Troisième leçon, dégagez de mon village.

Je ne pus retenir un vague sourire. Durant quelques secondes, probablement en raison de l'adrénaline, Sorën avait retrouvé son regard vif et intelligent, celui que j'avais tant connu chez lui durant notre enfance. Mais ce regard se volatilisa rapidement, remplacé par celui endurci qu'il avait depuis que je l'avais retrouvé. Je tournai la tête. Autour de nous, les pirates s'étaient tous stoppés dans leurs attaques et ils nous regardaient avec peur… Non,  c'était plus que de la peur, ils étaient en proie à une terreur sans nom, comme s'ils faisaient face à des monstres et qu'ils allaient y laisser la vie. Je fronçai les sourcils et lâchai sans délicatesse le bras de leur chef, avant de prendre la parole d'une voix tonante :

- Vous n'êtes pas chez vous. Cette île et ce village ne vous appartiennent pas. Je suis prête à le faire comprendre physiquement à chacun d'entre vous si vous ne partez pas sur le champ.
- Barbe… Barbe Noire sera mis au courant…

La voix rauque du capitaine vaincu à mes pieds se transforma en une toux violente. En restant stoïque, je me penchai et le saisis par l'arrière de la tête pour le redresser.

- Tu lui diras qu'une subordonnée de Shanks le Roux t'a battu, et tu sais ce qu'il fera ? Le moment n'est pas encore venu pour qu'il attaque Shanks, sinon il l'aurait fait depuis longtemps. Non, lorsque tu lui diras pour ta défaite… il te tuera.

Le visage du capitaine se crispa. Sa frayeur se transforma en terreur pure et ce fut à ce moment que je compris que j'avais visé juste. Il était totalement sous l'emprise de Teach et de la terreur qu'il inspirait. Je me releva en enlevant mon pied de son dos. Il se précipita pour se relever et s'éloigner de moi, mais je plantai mon regard dans le sien et le fixai avec fermeté.

- Tu vas partir d'ici.
- Si j'pars d'ici, Teach me tuera. V-vous avez eu raison sur ça… S-s'il vous plaît…
- Je ne suis pas la chef de ce village. Si tu veux rester, demande au concerné… Mais je doute qu'il te réponde à l'affirmative.

Au moment où je finis ma phrase, Sorën la ponctua en jouant avec le cran de sécurité de son pistolet, de quoi faire sursauter notre adversaire.

- Je jure de te tuer si tu reste, espèce d'ordure.

En entendant la réponse de mon ami, j'haussai les épaules. Voilà qui était réglé. Je fis volte face et dévisageai le reste de l'équipage des Trois Yeux. Certains frissonnaient, d'autres grimaçaient de rage, honteux d'avoir été vaincu, mais tous se mirent à courir avec précipitation vers la porte du pub. Je fronçai les sourcils et saisis l'un de mes saï.

- Le Frisé ! Je te confie leur chef.
- Tu comptes faire quoi ?
- M'assurer qu'ils ne causent pas de dégâts en cours de route. La Girouette, tu viens avec moi.

Je fis un bref signe de tête. Noah, en s'entendant interpellé, hocha positivement la tête et rangea son pistolet. En jetant un coup d'œil, je m'aperçus que son arme était encore fumante à sa ceinture. Un sourire se forma sur le coin de mes lèvres, mais je ne pris pas le temps de m'y attarder pour le moment. Après avoir fait signe à mon ami, nous sortîmes tous les deux du pub, mais à notre grande surprise, les pirates ne causèrent aucun dégât ni aucune résistance. Ils étaient concentrés sur leur fuite, au point d'abandonner leur chef à son sort.
Quelques minutes plus tard, il n'y avait plus de trace de Trois Yeux. Le calme était revenu dans le village, un calme pourtant différent de celui d'auparavant. L'air semblait moins chargé malgré la poussière soulevée par les pas des pirates. Aux fenêtres, quelques têtes se pressaient, regardant de leurs yeux écarquillés les rues désertes. Quelques uns des villageois, plus courageux que les autres, se permettaient d'entrouvrir leur porte, surveillant la moindre agitation, prêts à rentrer chez eux. L'un d'entre eux, un homme d'âge mûr, tourna la tête vers nous et regarda Noah, balbutiant dans un chuchotement :

- Ils… Ils sont partis ?...

À ces mots, toute l'attention des villageois se tourna vers Noah. Je vis petit à petit tous les regards se diriger vers lui comme des pies attirées par l'or. Mon ami resta un long moment tendu, une légère panique dans le regard. Mais cette panique s'envola, ne laissant que de l'assurance. Il eut un léger sourire et me jeta un regard, avant de se tourner vers ces concitoyens en déclarant :

- La terreur est partie. Nous sommes libres !