Chapitre 93

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C'était il y a plus de 15 ans. Quand j'étais encore une petite fille portant des tresses. À l'époque, je vivais sur Hitsuji, une île sur Grand Line spécialisée dans l'élevage de moutons, en compagnie de ma nourrice. Mon père venait souvent m'y voir lors de ses temps libres, mais jusqu'à mes 14 ans et mon immigration vers l'île de Marineford, Hitsuji avait été toute ma vie, et représentait toute mon enfance. Là-bas, on m'appelait le Bec, ce qui était pour déplaire à ma stricte nourrice et également à sa fille, Abigail, qui avait toujours été envieuse, limite jalouse. Jalouse parce que j'étais sociable, insolente quand il le fallait, et casse-cou, alors qu'elle était la fille sage, polie, bien élevée qui n'avait pas le droit à un seul écart. C'était la plupart du temps pour cette raison qu'elle me dénonçait auprès de sa mère lorsque je bravais une interdiction, et je pense que je me souviendrai toujours de la fois où la nourrice m'avait fait tout un sermon sur ce que je n'avais pas le droit de faire qui fût interrompu par l'arrivée de mon père et donc la fin des ennuis.
C'était la fois où j'avais voulu rejoindre mes amis. Ils étaient au nombre de quatre : Sören, surnommé le Frisé à cause de sa tignasse bleue en bataille, Blake, appelé la Cloche pour ses valeurs morales et surtout la conscience qu'il était pour notre groupe, il y avait aussi Aku qu'on appelait le Bouc car il fonçait toujours dans le tas sans réfléchir, et Noah, un jeune blond tout timide qualifié comme étant la Girouette car il allait toujours dans le sens du reste du groupe docilement. Tous les cinq, nous passions nos journées à l'extérieur, dans la forêt autour notre village, à jouer aux aventuriers, à construire des cabanes, mais nous aidions également les bergers lorsqu'ils passaient. Certains nous voyaient comme des voyous, et d'autres comme des anges. Le fait était que nous n'étions rien d'autre que des enfants, rassemblés en groupe sous le nom de l'Escouade, qui n'avaient qu'une chose en tête : s'amuser.
Avec eux, le temps passait vite et nos liens ne faisaient que se renforcer au fil du temps, malgré les quelques disputes, les quelques bagarres… Puis l'année de mes 14 ans était arrivée, et avec elle la tentative d'assassinat de Doflamingo et mon déménagement sur l'île abritant le QG de la Marine. Le départ s'était fait très tôt le matin, dans la précipitation. Je n'avais même pas pu dire au revoir à mes amis.

Depuis cet évènement, nous avions gardé contact en nous échangeant quelques lettres. Mes amis, Abigail et ma nourrice m'avaient même fait la surprise de me rendre visite sur Marineford, mais rapidement, en moins de deux ans, je n'avais plus eu de nouvelle d'aucun d'entre eux. Je m'étais toujours demandé pourquoi ils avaient subitement cessé de m'écrire, mais à cette époque, j'étais trop concentré sur mon entraînement et ma future entrée dans la Marine pour me pencher sur cette affaire. Inconsciemment, je devais sûrement penser qu'ils m'avaient oubliée.

Alors que mes nakamas relevaient mon adversaire et le rapprochaient de l'autre intrus, je les dévisageai un par un. Les lumières qui éclairaient le pont me permettaient de mieux les voir sous le clair de lune, et ces visages, ainsi que les cheveux bleus en bataille de l'un et la ceinture en laine que portait l'autre me faisaient ressasser de vieux souvenirs. Je n'arrivais pas à en croire mes yeux, à en croire la coïncidence. 
Je restai un moment immobile, les yeux fixés sur les intrus, avant de prendre la parole, une légère hésitation dans la voix.

- Le Frisé ?

L'homme aux cheveux bleus redressa la tête et me jeta un regard débordant d'insolence, avant de se figer en croisant mon regard. Ses sourcils se froncèrent, il me dévisagea avec attention, comme hésitant. Son compagnon, surpris par la réaction de son partenaire, écarquilla les yeux. J'eus un sourire en les regardant. Il n'y avait plus de doute pour moi, c'était bien eux, Sören et Noah, aka le Frisé et la Girouette, deux de mes amis d'enfance, mais eux semblaient avoir plus de mal à me reconnaître. J'eus un léger rire.

- Je ne vous en veux pas, c'est vrai que je n'avais pas ces cicatrices à l'époque.
- … Le Bec ?

La Girouette me lança un regard incertain. Un sourire sur les lèvres, j'hochais la tête, et mes deux amis d'enfance, submergés par la surprise, ouvrirent des yeux ronds et des mines stupéfaites. Ils étaient aussi étonnés que moi et j'en étais la première compréhensive. Qui aurait pensé, après 15 ans d'absence, que nous nous retrouverions sur une île dans le Nouveau Monde ?

- Isis, tu les connais ?

Je tournais la tête vers Beckman et j'hochai la tête d'un air joyeux. D'un signe de la main, mon mentor fit relâcher les deux hommes. Dès qu'il fut libéré, la Girouette, subitement, se précipita vers moi et me prit dans ses bras en riant.

- Bon sang, le Bec ! Tu dates !
- Vous aussi, vous savez !

J'éclatai de rire en même temps que lui et le serrai de toutes mes forces contre moi. Alors que j'étreignais mon ami d'enfance, je jetai un coup d'œil à son complice, resté à l'écart. Il avait croisé les bras et m'observait, une mine toujours stupéfaite bien qu'un peu plus renfermée qu'avant. Je lui offris un sourire auquel il ne me répondit pas, mais j'associais cela au choc soudain de nos retrouvailles.

Une intense joie me submergea toute entière alors que je les regardai. Ça faisait si longtemps… Et pourtant, j'avais l'impression que rien n'avait changé, hormis notre âge, comme si nous ne nous étions jamais séparés. 

Alors que nous profitions de nos retrouvailles, un toussotement assez fort nous fit tourner la tête. Shanks, qui avait attiré notre attention, avait un légersourire mais avait également un air mécontent qu'il n'arrivait pas à dissimuler. Il est vrai que mes deux amis s'étaient introduits à bord… Je lâchai la Girouette et me tournai vers mon capitaine.

- Sören, Noah… Je vous présente Shanks, mon capitaine, et mes nakamas… Et voici Sabo, le révolutionnaire.

Je jetai un coup d'oeil au jeune homme. À l'entente de son prénom, il avait cessé de regarder mes amis avec surprise pour les saluer de la main, un sourire amical sur les lèvres. Je me raclai la gorge et me tournai vers mon capitaine en lui désignant mes amis.

- Je te présente Sören et Noah… Ce sont des vieux amis. J'ai grandi avec eux.
- Je suis toujours ravi de faire la connaissance d'amis d'Isis, mais, jeunes hommes, nous avons un problème à régler.

J'eus un léger sourire maladroit. C'est vrai qu'ils allaient devoir répondre de leurs actes, et en tant que pirate du Roux, il n'était pas question que je les laisse se dérober, c'était une question de Justice. 

La Girouette sembla tout à coup confus et il se gratta la nuque, tandis que le Frisé resta imperturbable. J'eus un soupir. J'allais tout de même veiller à ce que Shanks ne les effraie pas trop, il pouvait se montrer menaçant et intimidant quand il le voulait… Ce serait idiot qu'à peine retrouvés, je perde à nouveau mes amis d'enfance.

Une Question de Justice [One Piece]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant