Chapitre 56: Anor et les dragons

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Les soldats me laissèrent passer quand je me précipitai vers Anor et Ilmana. Je tombai à genoux devant ma sœur et la prit dans mes bras pour l'examiner.

Ses vêtements étaient déchirés par endroits, son visage et ses bras étaient couverts d'hématomes et de coupures. Ses cheveux normalement blancs brillants étaient si crasseux que l'on pourrait la croire brune. Du sang maculait tout son corps et elle était très pâle, comme dans ma vision d'horreur. Mais elle était vivante.

- Merci, soufflai je en levant la tête vers Anor, qui nous observait. 

Le dragon inclina la tête et échangea un regard avec Alcar, qui m'avait suivi. Ce dernier ferma les yeux.

- Je ne pouvais pas la laisser mourir, déclara alors une voix inconnue.

Abasourdie, je regardai Alcar, nos amis qui arrivaient derrière nous, puis Anor. C'était lui qui avait parlé. Ou plutôt, elle. Sa voix me semblait très douce pour être masculine.

- Tu... tu parles!

- Tous les dragons parlent, Isil, rit Alcar.

Aragorn arriva le premier et s'agenouilla à côté de moi. Legolas resta debout, une main sur mon épaule. Gimli hésita une seconde, mais l'inquiétude prit le dessus et il prit place près de mon frère pour observer Ilmana. Et enfin les hobbits l'imitèrent.

- Il lui faut juste dormir, murmurai je. Elle guérira d'elle même.

Suite à ces mots, j'entendis des soupirs de soulagement et Aragorn leva la tête vers le dragon doré.

- Voici Anor, présenta Alcar en dépliant et repliant les ailes nerveusement. Je l'ai rencontrée à Lamedon, là où Smaug m'a emmené.

- Où ça? S'étonna Aragorn.

- A l'Ouest du Gondor, dans les montagnes, expliqua mon ami. Entre un village nommé Calembel et la vallée de la Racine Noire. Dans un vaste souterrain de grottes secrètes.

- C'est là que Smaug et moi étions cachés depuis le début, nous dit Anor en jetant un coup d'œil peiné au grand dragon. Je n'étais pratiquement pas sortie de la région depuis ma naissance, il y a quarante ans.

- Sauf au Rohan et à Minas Tirith, lui rappela Alcar. Tu sais, les fois où tu nous a sauvés.

- Hein?

- Quand les Traqueurs nous ont surpris quand nous retournions à Edoras, c'est Anor qui a provoqué la secousse, continua mon ami. Et c'est aussi elle qui a fait exploser la Flèche Noire la nuit de la bataille.

- Vraiment? M'étonnai je. Merci pour tout, Anor. Sans toi, nous ne serions plus là!

- C'est bien normal. Jamais je ne laisserais mourir des êtres aussi précieux que vous.

Je lui souris, quand un détail qu'elle avait mentionné me revient en tête. Alcar aussi avait quarante ans... une idée me traversa l'esprit, mais Merry l'exprima à voix haute avant moi.

- Tu es la sœur d'Alcar?

- Non! S'exclama vivement l'intéressé. Non non non. Euh, en fait...

- Je suis une descendante de Scatha le Ver, nous informa la dragonne. Et lui de Smaug le Doré. Nous n'avons pas le même créateur.

- Les dragons se sont reproduit? S'exclama Gimli. Mais avec qui?

- En fait, nos œufs sont apparus par un phénomène qui relève plus de la magie, expliqua Alcar d'un air gêné. Les premiers dragons ont été créés par Morgoth par je ne sais quel moyen. Nous, nos œufs se sont formés dans la pierre et les minéraux du fin fond de la terre. Smaug m'a trouvé dans le cœur d'Erebor et m'a caché là où Isil a trouvé mon œuf.

- Quand je parle de descendants, c'est qu'il n'y a qu'un autre dragon qui puisse "réveiller" un œuf, sinon il reste tel une pierre, enchaîna Anor. Avec son souffle et sa présence, le dragonneau prend vie en quelques sortes et il faut attendre quelques décennies avant l'éclosion.

Je regardai mes amis, qui écoutaient, fascinés. Ils avaient de quoi. Ma vision des dragons avait déjà changé avec Alcar, mais maintenant je mourrais d'envie d'en savoir plus. De tout savoir.

- Il n'y a donc pas d'histoires de famille possible, chez vous, conclus je.

Anor secoua négativement la tête. J'observai Alcar, qui traçait distraitement des sillons dans la terre avec une griffe. Il jetait de fréquents et discrets coups d'œil à la dragonne dorée. J'étais contente pour lui, il n'était plus le seul de son espèce. En plus, elle avait son âge et ils semblaient s'entendre à merveille.

Une idée me traversa aussitôt l'esprit et un sourire taquin étira mes lèvres. Je décidai quand même d'être gentille et de m'adresser à mon ami par télépathie.

- Je crois que l'heure de la vengeance a sonné. Nous avons enfin trouvé une Alcarette.

Silver of Darkness - Tome 5: La chute de l'anneau [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant