Alliance explosive 1 (Terminée)

70 - Se rendre compte de ce que l'on peut perdre

C'est après avoir enlacé une dernière fois Zachary et lui avoir assuré que tout va bien malgré l'air triste sur mon visage que je prends la route. Cependant au lieu de rejoindre mon appartement, je mets le cap vers une destination bien plus lointaine.

Durant mon long trajet, je doute plus d'une fois à propos de ce que je m'apprête à faire. Mais je ne cède à aucun moment à mon envie de faire demi-tour. Parce que cet enterrement m'a fait réaliser que je ne pourrais pas avancer tant que je fuirai.

Colleen me l'a déjà dit. Seulement il y a une différence entre l'entendre de la bouche d'une amie, se dire que c'est vrai et avoir le déclic. Et justement, je suis enfin arrivée à la troisième étape...

Lorsque je me gare sur le trottoir en face de la maison de mes parents, je me dis que ce n'est définitivement pas une bonne idée. Car je sens que je peux céder à la panique d'un instant à un autre.

Seulement bonne idée ou pas, je sais que je dois passer par cette étape difficile.

Alors après avoir éteint le moteur de ma voiture, je me force à sortir de cette dernière. Et bien que mes jambes tremblent, je prends le chemin de cette maison dans laquelle j'ai grandi. A chaque pas me rapprochant de la porte d'entrée, un souvenir d'enfance ou d'adolescence m'assaillit.

Je me revois en train de compter tandis que mes petits frères se cachent, en rigolant tellement fort que même les yeux fermés, je serais capable de les localiser.

J'aperçois Jamie essayer d'apprendre à faire du squatte et se vautrer sur le chemin caillouteux.

J'entends à nouveau Edison apprendre à jouer de la guitare, dans la pelouse, accompagné de ses frères.

Je sens la main de Theo attraper la mienne tandis qu'il abandonne les petites roues sur son vélo et que Jamie crie (et espère) qu'il va se casser la gueule.

Et je me sens soudainement seule. Car en perdant un frère, les deux autres m'ont été ôtés, je le réalise désormais. D'ailleurs, ce ne sont pas les seuls qui m'ont été retirés...

J'arrive devant la porte. Cette fameuse porte que j'ai ouvert un million de fois. Parfois contente. Parfois en colère. Parfois à contre cœur. Parfois par désir de protection. Parfois par inquiétude.

Lorsque je trouve le courage de toquer contre ce bout de bois, le temps d'attente me parait si long que j'ai l'impression que mon esprit fait un voyage d'un millénaire. Et quand une femme, dont le visage laisse percevoir des marques de vieillesse et de douleur passée, ouvre, mon souffle est coupé.

Durant quelques secondes, aucune d'entre nous ne parle. La surprise laisse place à quelque chose que je n'arrive pas à évaluer. Puis...

— Nicole ? lance la voix fatiguée de ma mère.

— Maman, soufflé-je en retour.

C'est à nouveau le silence, car dans mon esprit, tous les discours que j'ai pu imaginer ou bien préparer, ont disparu.

Jusqu'à ce que ma mère regarde derrière moi et que je me rende compte qu'elle se demande ce que je fais là. C'est à cet instant-là que je me rappelle que je ne dois pas foirer et que je dois au moins dire ce que j'ai sur le cœur.

— Je sais que tu as dit avec papa que vous ne vouliez plus me voir ici, ou croiser mon chemin. Mais je n'ai pas fait tout ce chemin pour que tu n'écoutes pas ce que j'ai à dire.

Le silence de ma mère, mais surtout son immobilité me font comprendre qu'elle ne compte pas m'interrompre pour le moment.

— Je sais que je n'aurais pas dû fréquenter Nate. Je ne pensais pas, même dans mes pires cauchemars, que cet homme deviendrait ce qu'il est devenu suite à notre rupture. Et jamais ô grand jamais, je n'aurais cru qu'il puisse toucher Theo. En tant que grande sœur, j'aurais dû le protéger. Ce n'est pas lui qui aurait dû se confronter à Nate, mais moi.