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Inès attrapa la bouteille de vin avant de la déboucher. Elle servit un verre à son petit ami avant d'en remplir un pour elle. Cela faisait un peu plus d'une semaine que Lina habitait chez eux mais le plan n'avançait pas et les nuits cauchemardesques de leur invité devenaient traumatiques. Ils s'étaient abstenus de contacter Mathieu, ne souhaitant pas le perturber dans sa tournée. Alors, ils attendaient anxieusement qu'elle se réveille une première fois pour lui donner son traitement et ainsi, ils pouvaient eux aussi dormir, un peu plus sereinement.

« Je ne sais pas comment elle fait pour ne pas devenir complètement folle. » Antoine posa sa main sur son épaule, se voulant rassurant. « Et moi, j'ai fait confiance à Lucie. Je lui ai donné des informations sur Lina et maintenant, il faut trouver un moyen de pression. C'est absurde et dingue. »

« Si tu veux arrêter, tu as le droit. Lina ne t'en voudra pas. »

« Je sais mais je me le pardonnerai pas. Je l'adore et elle ne mérite pas tout ça. » Elle regarda l'heure. Il était tard mais pas suffisamment pour que leur jeune protégée se réveille brusquement. « Tu sais qu'elle ne fait presque pas de cauchemars quand Mathieu est là ? Leur amour a vraiment quelque chose de particulier. »

« Je crois que c'est plus que de l'amour. »

Elle acquiesça, elle-même convaincue que quelque chose de plus fort les reliait.
Ils n'eurent le temps de finir leur verre de vin qu'ils entendirent du mouvement dans la chambre d'ami. Inès prépara un verre d'eau ainsi qu'un médicament, habituée. Antoine se proposa mais elle refusa et se dirigea vers Lina.

Elle alluma la lumière en entrant. Elle savait dorénavant que ça l'aidait à reprendre des repères plus facilement en voyant les lieux. Puis, elle posa le tout sur la table de chevet avant de s'asseoir au bord du lit. La brune était immobile, ses muscles tant contractés qu'on pouvait les voir légèrement trembler. Elle était en sueur, les sourcils froncés et les joues noyées de larmes.

« Lina, reveille-toi. » Inès passa une main dans ses cheveux trempés. « C'est qu'un mauvais cauchemar. Tu es à la maison, tu es en sécurité avec nous. » Cette fois, elle la bouscula légèrement, ne supportant pas de la voir ainsi. « Allez, reveille-toi maintenant. » Antoine entendit la panique dans la voix de sa petite amie et s'approcha, se plantant dans l'encadrement de la porte.

« Il faut que tu y ailles plus fort. »

Il avança et attrapa les épaules de Lina pour les secouer jusqu'à ce que celle-ci ouvre les yeux. Ils étaient exorbités et injectés de sang. Toutefois, elle ne pleurait pas, comme si elle n'avait encore jamais pris son premier souffle. Et c'était le cas, elle se sentait encore dans l'eau froide de la baignoire, la main de Marcus sur sa tête. Elle ouvrit la bouche pour prendre de l'air mais ses poumons semblaient paralysés. Elle serra sa propre gorge de toutes ses forces, se griffant de panique alors qu'Antoine essayait de la retenir, attrapant ses poignets.

« Elle respire pas ! » Inès s'était penchée pour la regarder dans les yeux. « Lina, calme-toi. Il faut que tu te calmes pour respirer. Il faut appeler Mathieu ! »

« Non, attends, laisse-la gérer. J'veux pas l'inquiéter, il a pas besoin de ça. » A l'entente de son prénom, les yeux de Lina s'étaient embués jusqu'à ce qu'elle n'y voit plus qu'un brouillard. Ses lèvres déchirées par l'horreur bleuissaient à vue d'œil. « Je sais que tu m'entends. Allez, Lina, je sais que tu m'entends. Je sais que c'est difficile mais tu peux le faire. Bientôt, tu seras en Corse, à marcher sur la plage, une alliance à l'annulaire... abandonne pas. Respire. »

« Respire Lina. Bats-toi. »

Soutenue par ses amis, elle ferma les yeux, s'imaginant à la maison, dans les bras de Mathieu alors qu'ils regardaient le lever de soleil, un dimanche de grasse matinée. Leur préféré. Et sans s'en rendre compte, sa cage thoracique se souleva et elle se mit à respirer de nouveau. Inès quitta la chambre brusquement, en pleure, incapable de rester plus longtemps. Antoine, lui, resta à ses côtés, enlaçant celle qu'il considérait comme sa fille adoptive malgré le peu de différence d'âge. Il la berça inlassablement, jusqu'à ce que ses sanglots se transforment en simples soubresauts.

« Tu veux prendre ton traitement ? » Elle acquiesça et il l'aida. « Rallonge toi. Je reste jusqu'à ce que tu te rendormes. »

« Merci. »

« Est-ce que tu veux qu'on appelle Polak ? J'suis désolé, j'voulais pas toute à l'heure parce que ça aurait été seulement de la torture pour lui de te voir comme ça sans pouvoir agir et... »

« ...Non, je veux pas l'inquiéter. Tu avais raison. J'veux pas qu'il me voit comme ça, pas en ce moment alors que je suis loin de lui par...choix. » Elle ferma les paupières pour fuir la réalité. Ses cauchemars avaient repris de plus belle avec la présence quotidienne de Lucie et des mensonges.

« Je voulais lui proposer une interview. Un ami le demande depuis plusieurs mois mais j'avais refusé pour des raisons ...évidentes. Mais ça serait l'occasion, il aurait une raison valable d'être sur Paris et de te voir discrètement. »

« J'veux pas le forcer à faire une interview. Il déteste ça. » Elle secoua la tête, se refusant d'en rêver. « Ça serait pas juste et c'est trop risqué. »

« Est-ce ce que je peux au moins lui proposer ? Son avis compte et je pense qu'il aimerait te voir. » Elle ouvrit un œil, curieuse. Finalement, peut-être bien qu'elle pouvait y songer. « Et comme ça on a une bonne excuse pour l'appeler maintenant ? » Cette fois, elle se redressa, lui faisant signe de prendre son téléphone rapidement. « J'pensais devoir un minimum argumenter. » Elle se recroquevilla sur elle-même pour contenir la soudaine énergie provenant de son cœur. Elle était impatiente. Mathieu répondit immédiatement, toujours sur le qui-vive depuis son absence. « Polak ? »

« Ouais ? Tout va bien ? »

« Oui et toi ? »

Ils entendirent Mathieu grommeler dans sa barbe. « J'te demande si Lina va bien, pas si tu passes une bonne soirée. Tu me réponds par un simple oui comme si j'te demandais si t'as mangé. J'veux des détails et tu le sais, c'est tous les soirs le même débat. »

« J'vais bien, t'inquiète pas. » Elle prit la parole, les joues roses étirées par un sourire.

« Oh salut princesse, j'savais pas que t'étais là. » Le ton de sa voix avait immédiatement changé pour prendre celle qu'il réservait à sa petite amie. Antoine ne put se retenir de rire discrètement. « Tu dors pas encore ? » Elle se pinça les lèvres tout en fixant le téléphone, incapable de lui mentir pour le rassurer mais aussi de lui dire la vérité pour l'inquiéter. Néanmoins, il savait que les silences étaient les pires. « Oh, cauchemar. Ça va mieux ? »

« Oui, Antoine et Inès prennent soin de moi, pas de soucis. »

« D'ailleurs, on voulait te proposer quelque chose. Est-ce que tu veux faire une interview sur Paris la semaine prochaine ? Ça te permettra de voir Lina discrètement. »

« T'es pas obligé, tout va bien, ici, tu sais. C'est comme tu veux. »

« Quelle question, bien sûr que j'accepte. »

Golden Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant