Golden Souls [PLK]

25

Lina ne sût se détendre suite au départ de Mathieu. Elle lui avait envoyé plusieurs messages pour lui demander de ses nouvelles mais il n'avait répondu à aucun. Ses mots l'avaient touché en pleine poitrine mais pourtant, elle n'arrivait pas à les intégrer comme si son cerveau préférait ignorer la réalité, ses traumatismes réalisant un filtre. Elle quitta le lit pour se rafraîchir le visage dans la salle de bain et en voyant son reflet encore violacé, elle eut envie de détruire le miroir.

Seulement, elle resta immobile, regardant cette jeune femme qu'elle reconnaissait à peine. Elle attrapa sa trousse de maquillage et se tartina de fond de teint jusqu'à faire disparaître les marques. Elle voulait se protéger de celle-ci, cette figure effrayante, remplie de peine et de noirceur.  Toutefois, ses yeux gardaient cette teinte rouge d'horreur presque diabolique comme si ses prunelles avaient été remplacées par celles de Marcus ou de Lucie.

C'est ainsi qu'elle en était venue à ce bloc note pour faire taire ces voix, celle de Marcus, celle de Lucie mais aussi la sienne, celle d'une Lina effrayée par sa propre existence.

Finalement, elle repartit vers la chambre pour retrouver son carnet. Toutefois, elle n'eut le temps de l'ouvrir qu'on toquait à sa porte. Elle s'y avança, silencieusement, comme pour ne pas être repéré. Elle tendit l'oreille, espérant pouvoir y entendre une voix connue.

« C'est qui ? »

« Lisko. J'ai un colis. » Elle fronça les sourcils et ouvrit la porte. Il tenait à bout de bras Mathieu. Celui-ci était blanc comme un linge, en sueur et sûrement à deux doigts de vomir. Elle remarqua ses mains tachées de sang qui ne semblaient pas lui appartenir.
« Je sais que vous avez aucune envie de vous voir ce soir mais il est insupportable et j'ai pas signé pour qu'il dégueule dans ma chambre. »

Elle se pinça les lèvres pour retenir sa culpabilité. S'il était dans cet état, c'était sa faute, il n'y avait aucune doute mais elle se refusa à ressentir quoi que ce soit. Si elle agissait ainsi, c'était pour le mieux, après tout. Elle attrapa son bras mais il la rejeta. « Me touche pas. » Elle leva les mains. « J'voudrais surtout pas que tu gâches ton super protocole robotique pour moi. »

« Ferme-la Polak avant de regretter ce que tu vas dire. » Lisko intervint et l'emmena dans la salle de bain tandis qu'elle restait silencieuse, les suivant. Elle ne put se retenir de rougir en voyant tout son maquillage étalé sur le lavabo. « J'sais pas ce qu'il a foutu, je l'ai trouvé comme ça, à déambuler dans les couloirs et à t'appeler. J'sais pas ce qu'il a prit mais il put l'alcool. Le sang viendrait d'un videur d'un bar, de ce que j'ai compris. »

« ...va te faire foutre, je la cherchais pas. » Il poussa son ami avant de s'écrouler contre le carrelage. Pour sûr, même s'il n'avait pas d'hématome à cause de sa bagarre, il en aurait de ses chutes. « J'm'en fous. »

« Bon courage. »

Lisko partit sans un mot de plus, claquant la porte derrière lui et abandonnant Lina face aux conséquences de ses actes. Elle partit dans la chambre pour prendre un oreiller et une couverture. Elle lui jeta le tout, des larmes rageuses coulant sur ses joues, alors que lui riait bêtement de recevoir un coussin en pleine figure.

Elle n'avait pas voulu que ça se passe comme ça et Mathieu venait de gâcher des années de sobriété.
Ils étaient tous les deux mille pieds sous terre et cette fois, aucun des deux ne semblaient pouvoir relever l'autre.
Il se mit à vomir dans la cuvette et elle prit la fuite, sans manquer de l'insulter.

« Comme si ça t'importait. T'avais tout gâché juste avant. » Elle se retourna. Il la regardait distraitement, essayant de voir qu'une seule de ses silhouettes.

« Tu sur-réagis. »

Il ricana encore une fois et elle le trouva insupportable. Elle savait qu'il n'était aucunement détaché et cette fausse façade était ridicule. « T'as complètement raison. Mais contrairement à toi, j'assume ce que je ressens. Tu m'as quittée à l'aéroport comme une merde pour te venger de Lucie, pour courir derrière ton passé... et depuis, je t'ai perdue. »

« Je t'ai pas quittée. »

« C'est tout comme. Tu m'as quittée alors que j'avais besoin de toi. T'aurais pu ignorer ses messages et tourner la page. T'aurais pu venir en Corse avec moi et être en sécurité. » Il ferma les yeux et reposa sa tête contre le mur. « T'es partie et j'ai cru crever sans toi. J'ai pas dormi pendant des jours. »

« Tu ne m'as rien dit. »

« Je t'ai supplié de pas partir. » Lina retint un souffle, un sanglot se bloquant dans sa cage thoracique. « Pendant des semaines, tu as pris les pires risques jusqu'à manquer de peu de mourir. Encore. Et à force, j'ai l'impression que c'est ce que tu cherches. » Elle secoua la tête tandis qu'il restait immobile, se frottant seulement les plaies sur ses phalanges. « T'as tellement baigné dans la noirceur que tu cours après. Encore là, tu t'enfermes dans une froideur flippante. »

« C'est faux. »

« Alors, dis-moi, pourquoi est-ce que tu préfères croire ce qu'ils ont pu te dire plutôt que moi ? » Il se frotta le visage avant de se relever, tanguant lamentablement de droite à gauche. « Ma voix compte pas. En fait, je compte même pas pour toi. » Cette fois, ses pleures furent bruyants mais il ne les prit pas en compte, beaucoup trop meurtri. « Ton bloc note se résume... les règles que tu t'imposes, que tu nous imposes, ton semblant de normalité, c'est juste une vaste connerie. Et si m'aimer fait de toi une putain, qu'est-ce que je suis alors, hein ? Mais si c'est ce que tu veux, c'est tout. Si tu penses que le simple fait que je te touche, t'éloignes de tes objectifs. C'est tout. » Il voulut s'appuyer sur le lavabo mais sa vision étant perturbée, il loupa l'appui et s'écroula au sol. Lina se jeta sur lui mais il la repoussa encore. « Laisse-moi. »

« Mathieu... »

« Laisse-moi. J'te demande juste de me laisser. » Il se releva sans son aide et se dirigea vers la chambre. Il passa par le mini bar avant de rejoindre la porte. Elle essaya de lui reprendre les fioles mais il les leva en air.

« Où est-ce que tu vas ? »

« J'en sais rien. » Il haussa les épaules nonchalamment, manquant de tomber en arrière. « Mais j'ai l'impression de crever à être à côté de... ce toi. T'es pas ma Lina... nan, t'es pas ma Lina. Ma Lina ferait pas ça. Ma Lina, elle se bat pour ses rêves. Elle est vulnérable mais forte et passionnée. Elle n'a pas honte d'aimer et de désirer. Toi.. toi.. tu veux juste... tu veux juste paraître pour ce que tu n'es pas. »

Et il s'en alla ainsi, criant son nom dans les couloirs.
À la recherche de la vraie Lina.
La sienne.