59

675 33 25
                                    

« Pourquoi t'es là ? Hein ? » Il arrondissait son dos, ses muscles se contractant comme s'il était prêt à se battre. Cette fois, il se défendrait physiquement s'il le fallait. « A part juger ma vie ? J'essaye seulement d'offrir une belle vie à ma femme et ma fille, ce que moi, je n'ai pas eu par mes parents. »

« C'est vraiment facile de dire ça. »

« C'est vraiment facile de venir ici d'un air jugeur. » Mathieu s'alluma une autre cigarette malgré la petite voix de Lina dans sa tête. Par ailleurs, il rêvait de lui dire ce mot clé, celui de secours, pour qu'elle vienne le sauver et l'enfermer dans sa bulle. Tête tête tête. « Pourquoi t'es là ? »

« On est en retard sur les charges de l'appartement... de trois mois. » Le blond ne put retenir un rire. Même s'il savait qu'il n'était pas là pour rencontrer Saskia, la peine de l'entendre écrasa son cœur comme une simple miette.

« C'est impossible vu que c'est moi qui paye. Je donne mille euros à mamie tous les mois. Six cent pour les charges et quatre cent pour elle et Enzo pour les courses, l'école et tout ça. C'est largement assez. »

« J'ai investie l'argent mais... ça a raté. »

« Investie ou joué ? » La tête baissée de son père répondit à sa question. « Putain. Mille huit cent ? Mamie le sait ? »

« Deux milles et mamie ne le sait pas. »

Mathieu se perdit un instant dans la vue. Tête tête tête. La mer était calme et profitait du ciel clair pour être transparente, presque brillante. La végétation était encore bien verte et fleurie puisque l'été et sa chaleur n'étaient pas encore tombés. Et c'est en regardant cet horizon qu'il ne put regretter quoi que ce soit. Il aimait cette maison parce qu'elle leur correspondait entièrement. Finalement, après avoir retrouvé son calme, il se retourna vers son père tout en éteignant sa cigarette à peine entamée.

« Dorénavant, je payerai moi-même les charges et je vais ouvrir un compte commun avec mamie pour gérer avec elle. Si tu veux de l'argent pour faire tes conneries, tu n'auras qu'à travailler. » Il se redressa, prêt à rentrer. Il n'avait plus aucune envie de lui montrer un quelconque intérêt. « Je crois qu'on a terminé la visite. J'dirai rien à mamie parce que je pense que tu l'as suffisamment déçu comme ça... tu disais que j'étais une réelle déception... mais regarde-toi. » Il secoua la tête. « Tu peux rester ici tant qu'ils restent aussi mais après, j'veux plus jamais te voir, t'entends ? T'es plus le bienvenue. »

Il ne prit pas la peine de répondre et rentra. Mathieu attendit quelques minutes avant de le suivre, espérant retrouver un visage impassible. Toutefois, s'il y avait bien quelqu'un qu'il ne pouvait pas tromper, c'était la brune. Il la vit se pincer les lèvres et replier ses jambes pour les retenir de trembler. Elle essayait au mieux de garder son calme et de ne rien dire mais il pouvait voir qu'elle bouillonnait. Néanmoins, elle ne voulait pas faire une scène, tant pour lui que pour Enzo et mamie. Alors ce fut elle qui sortit le fameux mot de secours, certaine que lui ne le dirait pas pour ne pas l'affoler.

Elle posa une main sur son front et se remercia intérieurement de ses tremblements pour rendre plus crédible son état précaire. « J'ai la tête qui tourne. »

« Ça m'arrivait tout le temps après avoir allaité. Tu ferais mieux d'aller t'allonger. »

« Je t'accompagne, j'voudrais pas que tu tombes dans l'escalier. » Mathieu s'était déjà levé pour tendre sa main vers elle, sautant sur la perche tendue pour fuir. « Si vous voulez, vous pouvez vous installer tranquillement dans vos chambres. Je reviens dans cinq minutes. »

Il la suivit jusqu'à la chambre et à peine il eut le temps de fermer la porte derrière lui qu'elle arrêtait son cinéma. Elle s'approcha de lui pour y poser une main sur sa poitrine. Elle avait l'impression de ressentir sa peine sans en savoir la raison. Mathieu la prit dans ses bras, tant pour la rassurer que pour se réconforter lui même.

« Qu'est-ce qu'il a dit ? »  Elle s'éloigna pour pointer son index contre le cœur du blond pour appuyer ses propos. « J'te jure que s'il t'a critiqué encore une fois ou critiqué Saskia, je descends et je le vire de la maison. »

« Maman lionne. »

« J'suis sérieuse, il commence à m'énerver à te traiter comme si... il te connaît pas ! T'as quitté les réseaux sociaux pour éviter des remarques à la con, c'est pas pour en avoir par lui ! Il se prend pour qui, franchement ? Il débarque ici alors qu'il est... personne ! » Mathieu eut envie de rire. Elle était toujours aussi catastrophique dans les insultes et les moments de colère. « Te moque pas ! Je suis sincère ! Je supporte plus qu'il te blesse ! »

« Il m'a pas blessé, Lin. » Il embrassa son front, espérant pouvoir l'apaiser un tant soit peu. « Enfin... si mais pas comme tu crois. Il a dépensé l'argent que je donne à mamie. Deux milles euros. »

Elle resta bouche bée, les yeux exorbités. Elle se souvenait de toutes les fois où Mathieu paniquait à la fin du mois parce que son père avait misé le loyer. Toutefois, depuis l'achat de l'appartement par le blond ainsi que la sobriété du paternel, elle avait espéré que les choses se calment. Mais encore une fois, elle voyait l'amour de sa vie se faire briser le cœur et c'était hors de question qu'ils se fassent marcher dessus, même si c'était un membre de la famille, ou du moins, un géniteur.

« Qu'est-ce qu'il a fait de l'argent ? Mamie le sait ? »

« Il l'a parié. Et non, elle le sait pas alors ne lui dit pas, s'il te plaît. » Elle fit encore une mine abasourdie alors il passa son pouce sur ses lèvres pour effacer cette moue. « Ne fais pas ça. Ne me fais pas cette tête. »

« Tu dois lui dire. Si elle l'apprend d'une autre manière... elle va vraiment être blessée et tu sais que les secrets ne durent pas. » Elle attrapa son t-shirt pour qu'il se penche légèrement et qu'elle embrassa ses lèvres. « Mais je suis biaisée parce que je suis vraiment... vraiment en colère contre ton père. Il est venu jusqu'ici pour de l'argent alors qu'il vient d'être grand-père d'une petite fille absolument...adorable. Et... merde... il devrait être fier de toi et c'est tout. C'est insupportable. » Le craquement de sa voix fut le premier signe de son émotion, le second fut le sanglot qui éclata en même temps que ses derniers mots. « T'es la meilleure personne que je connaisse et il te démonte à chaque fois. J'peux pas cautionner. »

« Bébé, pleure pas à cause de ça, tout va bien. » Il essuya ses grosses larmes avant de l'embrasser. « Mon Dieu, t'es beaucoup trop mignonne. J'apprécie que tu sois toujours de mon côté et que tu me défendes quoi qu'il en coûte. J'ai vraiment cru que tu allais lui donner une claque quand on est rentré. »

« J'étais prête à le faire. » Il ne put retenir un sourire, se sentant comblé d'être soutenu par Lina. « Il a intérêt à se tenir à carreau sinon il va voir de quels bois je me chauffe. Hors de question qu'on se fasse marcher dessus, plus jamais. »

Golden Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant