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Mathieu regardait un match de football dans le petit salon. Paris jouait et même s'il n'y vivait plus, le club restait celui de son cœur. Assis sur le canapé, il s'était redressé, les coudes sur les avant-bras, dès lors que le coup de sifflé avait retenti. Il enchaînait cigarette sur cigarette, anxieux, et avait dû ouvrir la baie vitrée pour ne pas enfumer la maison.
Lina, elle, s'était fait quelques soins de beauté pour se détendre. Malgré l'arrivée en Corse et la bulle, elle gardait quelques événements récents, douloureux, au creux de sa poitrine. Elle descendit les escaliers pour rejoindre la cuisine et se faire un cappuccino. Elle en profita pour en faire un à son fiancé avant de le rejoindre. Elle ne fut pas surprise du froid ainsi que de l'odeur de tabac. Toutefois, elle posa leurs mugs sur la table basse avant de fermer et d'attraper un plaid pendant qu'il éteignait sa cigarette.

« J'me demandais si tu allais me rejoindre. » Il attrapa sa main sans quitter du regard l'écran. Elle se laissa guider sur ses genoux alors qu'elle s'était enroulée dans sa couverture. Il embrassa sa tempe tendrement. « Ça va ? »

« J'suis fatiguée. Rien de grave. »

Elle s'installa confortablement contre lui, son mug réchauffant ses mains, tandis qu'il se rasseyait au fond de son assise pour qu'elle soit le plus à l'aise possible mais ses mouvements brusques face aux tentatives des joueurs parisiens éreintèrent la brune qui préféra s'asseoir à ses côtés. Il s'excusa tout en attrapant la tasse devant lui, heureux qu'elle lui ai fait une boisson pour s'occuper et réduire son stress. De sa main libre, il prit ses chevilles pour les poser sur ses cuisses. Il les massa tendrement, presque inconsciemment tant il en avait l'habitude. Elle apprécia son geste réconfortant ainsi que la chaleur de ses doigts mais elle trépigna parce que son anxiété restait pesante sur sa poitrine.

Mathieu sentit son souffle court et lui jeta un coup d'œil. Elle se pinçait les lèvres, inspirant profondément par le nez tout en le fixant. Elle énumérait dans sa tête chaque détail de son visage, il pouvait le voir juste à sa manière de le regarder.

« Bébé ? » Elle quitta sa bouche pour remonter jusqu'à ses yeux. Il les avait plissés, inquisiteur mais surtout inquiet. Il muta le son du match. « Qu'est-ce qu'il se passe ? »

« Je repensais à Luisa. » Elle se mordit l'intérieur de la joue pour se retenir de se taire. Elle savait qu'il valait mieux lui parler avant de laisser les silences et les blessures s'agrandir. « Je ne comprends pas comme Lucie a pu la laisser sans parent. » Elle s'humecta les lèvres, appréhendant les prochaines paroles de l'un et de l'autre. « Mais... je dois te dire que... je ne sais pas si je dois me tenir disponible pour les services sociaux... »

« ...s'ils ne trouvent pas sa famille ? » Il éteignit la télévision alors qu'elle acquiesçait vivement, soulagée qu'il comprenne la situation. « Qu'est-ce que tu souhaites faire ? »

« Qu'est-ce que je devrais faire ? »

« Quoi que tu décides, je te soutiens. » Il haussa les épaules, refusant de prendre une décision pour elle ou de l'influencer. Elle baissa les yeux. Elle avait espéré qu'il refuse pour faciliter les choses mais à la place, il l'épaulait. « Comment est-ce que je peux t'aider à faire le bon choix ? » Il tira sur ses chevilles pour faire avancer ses fesses jusqu'à lui. « Faire une liste de pour et de contre ? »

Il eut l'effet attendue, elle ricana sincèrement. « Tu traines trop avec moi, Monsieur Pruski, je t'ai influencé. » Elle ouvrit le tiroir de la table basse pour y sortir un papier et un crayon. « Mais c'est une bonne idée. »

Elle croisa ses jambes tout en mordillant son stylo après avoir fait deux colonnes. Elle souffla en regardant sa page blanche, elle n'arrivait même pas à trouver des arguments pour. Elle ne voulait pas avoir la garde de Luisa. Certes, elle souhaitait une famille et elle adorait ce bébé. Néanmoins, c'était l'enfant de Lucie, de cette femme qui l'avait trahie, torturée et traumatisée. Elle ne souhaitait pas voir le visage de celle-ci dans celle d'une enfant dont elle devrait prendre soin. Mathieu la regarda se débattre devant ses yeux encore quelques minutes avant de céder. Il pouvait au moins lui donner quelques arguments. Il repoussa une mèche brune derrière son oreille pour avoir pleine vue sur son visage.

« Pour... c'est une enfant.. enfin, un bébé même, qui n'a plus de mère, un père inconnu, des grands parents sûrement aussi tarés que leur progéniture... » Elle secoua la tête tout en se pinçant les lèvres entre ses doigts. Elle avait envie de le remercier de l'aider à alléger son humeur. « En plus, tu sais ce que c'est... d'être seule, sans parents. Alors, ça te parle. »

« J'avais déjà ces pour. » Il fronça les sourcils confusément. « J'ai besoin de contre. » Avec cette seule phrase, il comprit qu'elle ne souhaitait pas la prendre et qu'elle voulait seulement de quoi éteindre le feu de culpabilité au creux de son estomac.

« Ce n'est pas ta responsabilité. Depuis le début, c'était celle de Lucie et non pas la tienne. Ce n'est pas ton bébé et tu ne l'aimes pas comme tel. Tu veux une famille que tu choisis, qu'on choisit, ensemble. » Elle acquiesça, les larmes déjà aux yeux. « Tu ne peux sauver tout le monde et il est temps que tu penses à toi. Tous les jours, elle te rappellera la trahison, les abus de Lucie mais aussi ceux de Marcus... si elle t'avait protégée et aidée comme tu l'as fait avec elle. Et si ça peut t'aider dans ton choix, je n'ai pas vraiment envie d'avoir une mini Lucie dans les parages parce que je veux que tu tournes la page, j'veux que tu te projettes dans un futur que tu auras choisis à cent pour cent. » Puis, pour lui, ils allaient avoir leur propre bébé dans quelques mois, un mini eux qu'il se devait de protéger du passé. « Ils retrouveront sûrement son père. Elle a besoin d'un vrai parent. Peut-être qu'il faut laisser les choses se faire. »

« Tu crois qu'ils le retrouveront ? »

« J'en suis certain. Et s'il faut, je les aiderai. » Il attrapa son menton entre ses doigts pour relever son visage. « Je le ferai pour toi, sans hésiter. »

Golden Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant