Golden Souls [PLK]

27

Lina entra dans la loge pendant que Mathieu se préparait pour monter sur scène. Dans ces moments, il aimait être en petit comité ou seul. Et ce soir, il voulait être plus que jamais avec lui-même. Il était appuyé contre une table face au mur, les yeux fermés pour ne pas voir les tentations devant lui. Il regrettait ses récentes réactions envers la brune mais il avait l'impression de perdre la seule personne qui le rendait heureux. C'était comme si elle disparaissait devant ses yeux alors il avait cédé au pire, tel un appel au secours. Il était sorti pour boire jusqu'à trouer son estomac, jusqu'à oublier sa propre existence. Néanmoins, ses émotions s'étaient décuplées jusqu'à avoir l'impression de mourir. Il s'était réveillé, seul, en pleure, dans une cage d'escaliers et lorsqu'il avait vu Lina ce matin, il avait regretté ses idioties égoïstes.

Toutefois, ses bonnes résolutions s'éteignirent rapidement parce qu'elle semblait avoir disparu et l'avoir quitté pour son comportement. Il avait l'impression qu'il n'avait plus rien à perdre alors il envoya tout balader et céda. Il ouvrit une des bouteilles mais la brune s'avança à ce moment là pour lui prendre. Il ne put retenir son air surpris, persuadé qu'elle s'était déjà enfuie à des kilomètres d'ici. Il avait même demandé à la sécurité de l'escorter si besoin.

« Arrête tes conneries. » Elle lui donna une bouteille d'eau. « Bois ça plutôt. » Il acquiesça et but sans la quitter des yeux, certain que s'il les fermait, elle disparaîtrait. « Tu dois me promettre de ne plus boire d'alcool. C'était vraiment stupide de ta part. »

« D'accord. » Il s'assît sur la table, cachant son apaisement immédiat, derrière ses lèvres pincées. Elle était si proche qu'il avait juste à se pencher un peu pour la toucher et s'assurer qu'elle n'était pas qu'un mirage, une sorte d'hallucination post-ivresse. Toutefois, il ne le fit pas, préférant seulement détailler ses traits comme s'il rêvait les yeux ouverts. Confuse, Lina fronça les sourcils devant son air stupéfait. « Comme tu veux. »

« C'est pas une promesse ça. »

« Promis. »

« Et tu dois le faire pour toi. Pas pour moi. »

Il voulait lui dire que c'était impossible mais préféra dévier le sujet. « J'pensais que t'allais partir. » Il joua avec la bouteille d'eau entre ses mains, écrasant le plastique nerveusement. Lina, elle, restait immobile à regarder le bout de ses baskets. Elle avait voulu partir mais elle n'avait pas su. Son cœur lui avait supplié de venir ici et pour une fois depuis ces derniers jours, elle l'avait suivi, sans trop savoir pourquoi. « T'as su manger aujourd'hui ? Avec ton mal de ventre ? »

« J'ai juste la nausée de temps en temps. C'est passé. »

« T'as pas répondu à ma première question. » Il se retourna pour attraper un paquet de gâteaux, essayant de trouver le plus sain possible avant de lui ouvrir et lui tendre. « T'es chiante, c'est pas possible. » Il se glissa complètement sur la table pour poser son dos contre le mur. Elle lui envoya un bout de biscuits pour réponse et il l'évita tout en ricanant pour la première fois depuis hier matin et elle fit de même. C'était si simple, comme si une faille venait de se créer dans la barrière de la brune. Elle se laissa aller à rire sans retenue jusqu'à ce qu'elle doive reprendre son souffle. C'était ça ou pleurer. « Merci d'être restée. » Il regarda l'heure avant de souffler. « Il faut que j'y aille. Tu seras là à mon retour ? »

« Tu veux que je sois là ? »

Il acquiesça avant de la laisser, se retenant de la frôler ou de l'embrasser. Ça ne lui ressemblait pas, lui qui aimait toujours avoir un geste attentionné envers elle. Toutefois, les mots de son bloc note étaient encore dans sa tête. Il attendrait qu'elle change d'avis, qu'elle fasse le premier pas, parce qu'il était certain qu'il ne supporterait pas un refus de plus de sa part. Il serait patient. De toute manière, c'était elle ou rien.
Lina sortit quelques minutes après et rejoignit Inès derrière la scène. Elles prirent place par terre pour regarder au mieux les garçons.

« Comment tu te sens ? »

« J'suis perdue. » Elle se recroquevilla sur elle même et reposa son menton sur ses genoux. « J'ai appelé Franck ce matin. J'voulais juste savoir s'il regrettait. Et... je sais pas, j'espérais avoir des réponses. Bref. Il m'a dit... Il m'a dit Lina, profite de la vie, sans limites. Il m'a dit de faire le deuil de mon passé, de ne pas oublier mais d'accepter. »

« Il a raison, non ? » Elle acquiesça. « Alors pourquoi t'es aussi triste ? »

« C'est ce que j'ai essayé de faire dans mon carnet alors je comprends pas la réaction de Mathieu. »

« Donne-moi ce fameux carnet. » Inès tendit sa main vers elle et malgré son hésitation, elle lui donna. « Moi, j'suis objective, j'ai aucune envie de coucher avec toi. » Elle la chahuta gentiment et Lina se força à sourire. Elle lui tourna les pages jusqu'à arriver aux actions à mener et éviter l'historique complet de ses traumatismes. « Alors... »

« Commence dans l'ordre. Les premiers, c'est les plus... softs. »

« Ne plus porter les vêtements de Mathieu. Ne plus prendre de douche avec Mathieu. Ne plus toucher Mathieu tout le temps. Dormir dans le lit et seulement dans le lit.. ça, c'est le soft ? »

« L'idée c'est d'éviter de garder les habitudes qu'on a et qui sont liés à mon passé. »

« Tu vas me détester mais j'comprends Polak. » Lina attrapa son bloc note brusquement. « Ne pas s'imposer de limites et vivre ta vie, c'est pas te mettre des règles de vie comme ça. » Elle serra le carnet contre elle tout en regardant Mathieu sur scène. Il sautait partout, comme d'habitude, pourtant, elle arrivait à percevoir sa fatigue et sa lassitude. « Quand tu portes ses vêtements, prends une douche... t'as mis quoi d'autre ? Coucher avec lui... tu penses à Marcus ? »

« Quoi ? Mais non, t'es dingue ! »

« Alors en quoi c'est négatif ? Il te fait sentir bien. » Elle posa son bras au-dessus des épaules de la jeune femme, se voulant réconfortante. « Tu sais quoi, on va te refaire un carnet et on prendra que des actions de manière positive. On peut tourner les choses différemment. Par exemple, porter les vêtements de Mathieu pour avoir son odeur parce que c'est réconfortant et parce que tu l'aimes. T'as le droit de porter ce que tu veux, quand tu veux et où tu veux. Une tenue ne te définie pas, Au final, tu peux être sans ses vêtements, tu aimes juste les porter. Tu vois ? Pas de limites. » Lina acquiesça, les joues roses. « J'ai raison, non ? »

« J'ai merdé, c'est ça ? » Elle cacha son visage entre ses genoux, la nuit dernière repassant dans sa tête. « Ça fait chier. »

« On en refait un autre. » Lina lui redonna son carnet. « Celui-là. Limiter le nombre de fois où on fait l'amour. »

« Pas celui-là. » Elle se mit à rougir.

« Faire l'amour autant de fois que je le souhaite parce que je suis libre d'aimer et de désirer l'homme que j'aime. C'est naturel. J'ai le droit d'apprécier son corps, de le trouver beau, d'avoir envie de lui, de lui faire du bien et de me faire du bien. Ce qui compte, c'est le consentement mutuel. »

« C'est carrément... »

« Pas de limites. » Lina acquiesça. « On attend que polak sorte de scène et on s'enferme dans l'arrière du bus toutes les deux pour bosser sur ça. Ça te va ? »

« Absolument. » Elle attrapa les pages du carnet avant de les déchirer en mille morceaux. « Avec plaisir. »