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Lina attrapa nerveusement la main de Mathieu tandis que le médecin passait l'appareil sur son ventre. Il caressa de son pouce sa peau, espérant avoir un quelconque effet pour la détendre. Toutefois, elle était trop nerveuse et concentrée sur l'écran pour ressentir quoi que ce soit. Finalement, l'homme en blouse blanche appuya sur un bouton et un léger battement de cœur se fit entendre.

« Le voilà. » Il pointa du doigt mais les deux protagonistes froncèrent les sourcils, incapable d'y voir quelque chose. « Il grandit parfaitement bien. »

« On dirait un haricot. »

« Un haricot de onze centimètres. » Le médecin ne put cacher son sourire devant le visage ébahi des deux nouveaux parents.

Lina posa une main sur ses lèvres tout en se concentrant sur le battement entendu. « Son coeur bat vite. »  Les larmes montèrent à ses yeux, heureuse de le savoir bien présent mais inquiète que quelque chose n'aille pas. « Il va bien ? »

« Tout est normal. Son cœur bat comme il faut. » Elle acquiesça vivement, essayant d'intégrer ses mots tout en retenant ses sanglots. « On se revoit dans deux semaines, d'accord ? Si vous avez besoin avant, vous appelez et je vous prends directement. Est-ce que c'est bon pour vous ? Je retire le matériel ? » Elle hocha une nouvelle fois la tête malgré l'envie irrépressible de rester les prochains six mois avec l'ultrasons sur son ventre pour être certaine que tout allait bien. Il lui tendit du papier pour qu'elle s'essuie. « Oubliez pas de passer par le secrétariat pour la prochaine convocation. »

« Merci docteur. »

Le médecin partit de la pièce et Mathieu attrapa le papier pour essuyer Lina. Il était tellement pris dans l'émotion qu'il avait besoin de prendre soin d'elle pour ne pas craquer. Entendre et voir ce bébé avaient rendu les choses si réelles qu'il en était effrayé de ne pas être à la hauteur. Alors, il fit ce qu'il savait le mieux, s'occuper d'elle, la chouchouter. Il prit ses baskets pour les lui enfiler, se débattant avec les lacets ce qui la fit rire. Son humeur s'allégea grâce à ça et il lui mit son sweater, la bloquant dans sa capuche pour se venger de sa petite moquerie. Elle continuait de pouffer, se libérant de son vêtement rapidement pour embrasser le blond.

« J'étais tellement stressé. J'étais incapable de parler. J'pouvais même pas lâcher du regard l'écran. » Il passa son bras sur ses épaules. Il ouvrit la porte, se contorsionnant pour ne pas la lâcher. « On est officiellement des putains de darons. »

« Ça me stresse. » Ils s'arrêtèrent devant le secrétariat. « Il faut encore qu'il grandisse six mois dans un utérus hostile. »

« Arrête d'appeler ton utérus comme ça. » Il embrassa sa tempe avant de remercier la secrétaire et de guider Lina vers la voiture. « Moi, j'aime bien ton appareil repro...» Elle posa une main sur sa bouche avant qu'il ne termine sa phrase.

« Mathieu. » Elle secoua la tête, les joues roses. « Ça s'est un commentaire digne de la chambre. » Elle retira sa paume pour embrasser ses lèvres. « Alors réserve ton discours pour dans... » Elle fit semblant de regarder une montre imaginaire à son poignet. « Un temps à déterminer prochainement. » Il acquiesça tout sourire à cette idée. « Il faut qu'on appelle mamie, maintenant. »

Il geignit théâtralement tout en lui ouvrant la portière. Il fit le tour de la voiture pour s'installer de son côté. Lina avait déjà attrapé son téléphone à la recherche du contact. Mathieu essuya ses mains moites sur son jogging. Pourtant, il savait que sa grand-mère serait la plus heureuse au monde. Toutefois, le dire à d'autres personnes, c'était sortir leur secret de leur bulle, c'était prendre le risque d'augmenter l'attache émotionnelle à ce petit être encore fragile.
Elle répondit immédiatement, toute souriante et inconsciente encore de la raison de leur appel. La brune prit sa main pour se rassurer.

« Comment vous allez ? » Elle était dans la cuisine et ils se demandèrent si elle cuisinait encore trop. « Qu'est-ce que vous faites dans la voiture ? »

« On.. on a un... une nouvelle à t'annoncer. » Elle serra un peu plus ses doigts alors qu'il bafouillait. C'était presque pire que sa demande de fiançailles. Elle eut envie de rire en y repensant. « Lina... on sort d'un rendez-vous médical. Et Lina est enceinte. »

Mathieu était certain de n'avoir jamais vu mamie pleurer mais cet après-midi là, il s'en souviendrait jusqu'à la fin de ses jours. « Je suis tellement heureuse pour vous. » Lina suivit son émotion et versa quelques larmes silencieuses. « Je vais être arrière grand-mère. » Ils acquiescèrent, sans mot, seulement comblés par sa réaction. Néanmoins, le blond perdit son sourire face à sa question. « Tu l'as dit à ton père ? »

Il n'avait aucune envie qu'il fasse partie de la vie de son enfant, de prendre le risque de le blesser comme il l'avait fait avec lui. Il se frotta la barbe, les lèvres pincées et Lina prit le relais. « On est pas encore prêt à lui dire mais on le fera...quand Mat l'aura décidé. » Elle regarda les alentours mais surtout son petit ami qui semblait vouloir disparaître.  « Désolée mamie, on doit te laisser, quelqu'un veut notre place de parking. » Elle s'attacha précipitamment comme si quelqu'un attendait vraiment. « Cette clinique est bondée, c'est vraiment galère pour se garer. On vous embrasse mamie, je vous envoie les photos de l'échographie dès qu'on est rentré. »

« Faites attention à vous... à vous trois. Oh que j'aime dire ça... Je vous fais des bisous. »

Ils raccrochèrent à l'unisson et la brune se détacha avant de s'appuyer contre l'appui tête et de souffler. Il fit de même, prenant néanmoins la peine de la remercier malgré le noeud dans sa gorge. Leurs mains toujours liées, elle tira leur lien pour embrasser sa peau. Ce geste tendre fut le dernier coup de massue. Il se délia d'elle pour poser ses coudes sur ses cuisses et cacher, de ses paumes, ses yeux larmoyants. Il détestait être pris par ses émotions en ce moment mais tout semblait le surmener. Lina resta quelques minutes silencieuses, glissant seulement ses doigts dans son dos et sa nuque pour lui montrer sa présence.

« Ne les laisse pas te faire douter de toi. » Elle avait chuchoté, espérant que la douceur de sa voix atteindrait son cœur. « Tu as ton mot à dire. Tu es une personne à part entière avec ses émotions et ses choix. Tu es humain et tu as le droit d'être égoïste, tu as le droit de te protéger. Même si, selon toi, tu dois beaucoup à mamie ou à tes fans... D'ailleurs.. Mamie ne peut te forcer à pardonner ton père... tu n'as pas à culpabiliser pour ça. » Elle descendit sa main sur son bras, regrettant l'hiver et leurs vêtements épais. « Tu n'as de compte à rendre à personne. Ni ta famille, ni même moi... ni tes fans. »

Il tourna la tête légèrement vers elle. « Ils ont tous des attentes envers moi ou pire... des... des préjugés à la con. Depuis toujours. » Elle hocha la tête tout en prenant sa main et jouer avec ses doigts. « Mais j'suis pas que ça. Je sais que j'ai fait des erreurs mais là, on me résume à mon casier ou à mon adolescence. »

« T'es rien de tout ce qu'ils disent. »

Il haussa les épaules. « J'ai fait des conneries. J'suis pas parfait. » De sa main libre, elle rapprocha son pouce et son index tout en portant un sourire timide. Presque parfait. « Mais j'ai grandi, j'essaye de m'améliorer et de devenir quelqu'un de meilleur. J'aimerais qu'ils le voient ou alors qu'ils me laissent tranquille. J'ai donné un nombre incalculable de chance ces derniers temps à mon père et il n'a même pas essayé de me contacter. Mais à chaque fois que je rentre à Paris, il me redonne de quoi y croire, il me dit qu'il va le faire, qu'il est fier de moi et toutes ses conneries. J'suis sûr qu'il est ravi du lynchage sur les réseaux. Ça lui donne raison. »

« Ma proposition de faire un communiqué tient toujours. » Il secoua la tête, refusant de la mettre encore plus sous les feux des projecteurs. « Ce sont des associations qui politisent mon histoire. J'ai mon mot à dire. Ils salissent ton image et la mienne aussi. J'ai choisi la crème de la crème comme fiancé. Les mecs de quartier ne sont pas tous comme ils le disent. J'veux qu'ils le comprennent ou c'est moi...qui vais avoir... un casier judiciaire pour incendie d'un bâtiment associatif. » Mathieu pouffa devant l'absurdité revendicative de Lina.

« Qu'est-ce que tu racontes ? »

Elle grimaça tout en haussant les épaules. « Les hormones. »

Golden Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant