Golden Souls [PLK]

3

Mathieu regarda par la fenêtre pour voir la route. Il était seulement vingt heures mais pourtant, il commençait déjà à s'endormir. Les concerts sur Paris étaient terminés et le bus se dirigeait dorénavant vers les villes de Bretagne. Il lui restait quatre dates avant de rentrer mais surtout, une semaine et demie. Il s'alluma une roulée avant de s'éterniser dans l'horizon. Il faisait nuit noire sur l'autoroute et rien ne semblait pouvoir éclairer son humeur. Et l'appel téléphonique réceptionné serait loin d'être aidant.

« Allo ? »

« Salut Polak, c'est Fred de Skyrock, t'es en direct. » Il serra la mâchoire pour se retenir de souffler. Antoine avait sûrement donné son accord pour qu'ils appellent mais lui, n'avait aucune envie de communiquer avec la presse. Ils l'avaient suffisamment utilisé récemment, entre les photos de son couple ou la vidéo de son agression, alors il n'avait aucune envie de leur donner nouvelle matière. « Comment tu vas ? Félicitations pour le début de ta tournée ! Ça fait beaucoup parlé sur les réseaux ! »

« Merci Fredo ! Ça fait du bien de retrouver la scène ! »

« Pas trop dur, après ton agression ? »

Il inspira sur sa roulée comme si sa vie en dépendait, espérant que ses nerfs se calmeraient un tant soit peu. « Non, ça va, j'me tiens en forme à l'extérieur, tu connais. » Il tenta de rire mais le son sortant fut plutôt une sorte de cri d'animal torturé.

« Je vois, je vois. » Fred, lui, ricana, inconscient de ce qui se passait de l'autre côté du téléphone. « Est-ce que les gars qui ont fait ça ont été arrêté ? Comment va ta petite amie ? On imagine pas ce qu'elle doit ressentir. »

« Je préfère pas en parler. Ça reste ma vie privée et j'suis pas trop du genre à en parler. » L'interviewer resta silencieux quelques secondes et Mathieu sentit l'atmosphère changer du tout au tout . Il s'imagina son producteur lui faire les gros yeux pour être un tant soit peu diplomatique alors, il le fit. « Mais on va bien, tout va bien, merci de demander et d'avoir appelé. »

Ils se saluèrent rapidement et Mathieu raccrocha. Il ferma les poings pour se retenir de frapper quelque chose. Le sentiment que tout lui échappait augmenta encore d'un cran. Sa vie privée était importante depuis toujours. Il l'avait maintenue éloignée, au mieux de ce monde sordide des médias. Malgré les quelques erreurs, il avait toujours su se protéger et s'entourer de bonnes personnes. Néanmoins, il semblait que les mauvaises rôdaient toujours autour et prenaient la moindre occasion pour l'enfoncer. Alors, comme il l'avait fait quelques jours plus tôt, il appela Lina, espérant qu'elle lui donne une énième bouffée d'air. Cette fois, elle n'était pas installée confortablement dans le salon ou le studio mais dans la salle de bain. Elle était assise à côté des toilettes, le visage blême et les cheveux dans un chignon.

« Wow, bébé, ça va ? » Il oublia sa propre humeur. Il se redressa de son siège comme s'il pouvait la rejoindre en un claquement de doigts. « T'es malade ? »

« C'est rien, j'ai un peu mal au ventre. »

« Règles ? »

« Pourtant, non. » Elle haussa les épaules avant de se redresser pour s'appuyer contre la baignoire. Elle avait mauvaise mine et ne put cacher une grimace. La douleur dans son bas ventre la torturait depuis plusieurs heures maintenant. Néanmoins, malgré ses douleurs régulières, notamment lors de ses menstruations, elle avait refusé de retourner chez le gynécologue après tous les examens subis. Seulement, cette fois, c'était beaucoup trop et elle savait que la première chose qu'elle ferait le lendemain, c'était de trouver un nouveau professionnel. « T'es sur la route ? Tu arrives à quelle heure ? »

« Tu l'as dit à la sécu que t'étais pas bien ? Ils peuvent t'emmener aux urgences. »

« Ça va passer. » Elle lui fit son plus beau sourire disponible. « Et toi, comment tu vas ? T'as l'air fatigué. »

« Skyrock m'a appelé en direct. » Au vue de son ton, ce n'était positif et Lina grimaça d'appréhension. « Ils ont essayé d'avoir des infos en utilisant mon retour sur scène. »

« Quelle bande de rapace. »

« Ouais. » Il souffla, triturant ses ongles plutôt que de regarder l'écran. « J'crois que la tournée va être plus dure que ce que je pensais. J'suis content d'être sur scène et tout mais... revenir en métropole, ne pas pouvoir couper...  j'ai fait deux dates sur une trentaine. » Lina fronça les sourcils, fixant son fiancé, espérant qu'il ne craque pas parce que s'il le faisait, elle pleurerait elle aussi de ne pas pouvoir le réconforter. « J'en sais rien. Bref, ça va aller, faut juste que je reprenne l'habitude. »

« L'habitude ? »

« D'être froid et dur. » Il se mordit la lèvre inférieure avant de reprendre. « Parce que j'ai trop pris l'habitude d'être vulnérable et entier avec toi... mais quand c'est avec toi, ça va parce que tu es une nana parfaite... » Il lui fit un clin d'œil. « Et j'ai confiance en toi mais les autres, j'peux pas être pareil. Et pour le moment, j'me prends tout en pleine face depuis que je suis revenu. » Elle secoua la tête, timide, son sourire valant tous les mots d'amour. « Bon, allez, bébé, va te reposer sur autre chose que le carrelage de la salle de bain. Je t'envoie en message quand on est arrêté. »

« T'es sûr , on peut encore discuter si tu veux. » Il refusa d'un geste de main.

« Bonne nuit bébé. J't'aime. »

« Et moi encore plus. »

À peine il raccrocha que Lina quitta le sol de la salle de bain pour s'habiller. Elle attrapa son sac pour le remplir de vêtement avant d'appeler Antoine, le producteur de Mathieu.

« Salut Antoine. » Elle enfila ses baskets avant de fermer son bagage. « Écoute, je préfère te prévenir. Mathieu n'est pas en forme et je refuse de rester ici. C'est peut-être rien mais j'm'en fiche, j'prends le risque. » Elle descendit les escaliers pour trouver les clés de la voiture. « J'pars à l'aéroport et j'prends le premier vol. Pour éviter les problèmes et que Mathieu m'en veuille pas, je te préviens et j'vais voir si la sécu peut venir avec moi. »

« Tu surreagis. Tu le vois dans... dix jours. Il est juste stressé. Tout le monde a beaucoup d'attentes pour son retour mais ça va aller. »

« Peut-être bien. Mais... je sais pas, ça m'inquiète. Je refuse de louper des signaux d'alerte. Maintenant, il m'appelle quand ça va pas et j'veux pas lui faire défaut, j'veux lui montrer que j'suis là. »

« J'te ferai pas changer d'avis ? »

« Non. »