Connor et Céleste ne discutèrent pas plus sur leur trajet et arrivèrent au bout d’une minute ou deux devant une pièce fermée. La noiraude la désigna du menton.
« C’est là. »
Elle toqua à la porte d’une pièce, tandis qu’elle tentait en vain d’effacer ses pensées. Le soldat n’avait rien à faire dans sa tête mais ne voulait pas la quitter. Soudain, alors que la porte s’ouvrait, un long frisson parcourut son échine. Ce n’était aucunement la vision de la jeune femme en face d’elle qui lui procura cette sensation.
Elle recula d’un pas, alors que Serena se présentait à Connor d’une voix calme. Céleste se sentait soudainement déphasée, déconnectée de ce qu’il se passait autour d’elle. Pire, elle sentait autour d’elle une brise fraîche, son cœur qui pulsait dans sa poitrine, la peur lui tordre le ventre. Ses mains devinrent moites, son souffle se coupa et elle sentit une brusque douleur en son ventre. L’impression qu’on la déchirait de l’intérieur manqua de la faire hurler tant elle souffrait mais rien ne sortit de sa gorge. Pire, elle sentait son corps se vider de son sang, ce dernier remonter dans sa gorge, plonger dans ses poumons perforés. Elle se sentait mourir de la pire des manières et son corps avait arrêté de fonctionner, laissant le champ libre à ce qu’il lui arrivait, sans qu’elle ne comprenne comment ou pourquoi.
« Céleste ? Allez-vous bien ? »
Elle sursauta d’un bond, perdue. Connor se tenait en face d’elle, le pouce posé sur sa joue en train d’effacer une larme. La mine inquiète, il fixait ses yeux embués, sans se douter de ce qu’elle avait ressenti à l’instant. Céleste ouvrit sa bouche, la ferma, avala sa salive. Elle devait en parler à Cassandre et seulement à lui, non à eux.
Elle mit plusieurs secondes à répondre à son fiancé, une fulgurante nausée la prenant au cœur. Une idée de ce qui lui arrivait lui était venue en tête mais elle ne pouvait s’y résoudre, ce n’était pas quelque chose de possible.
« Je… Je suis désolée, je crois que c’est l’émotion de savoir que mon frère va bientôt se marier, avec vous de surcroît, qui me chamboule un peu trop.
— Oh, voyons, Céleste, vous êtes trop gentille avec moi ! »
Serena s’était précipitée dans ses bras, la serrant contre elle avec force, la baignant dans une odeur sucrée qu’elle ne connaissait pas. Elle avait osé lui mentir sans trembler, alors qu’elle était certaine de ce qu’il venait de se passer. Alors que dans le lointain, on hurlait à l’aide, ordonnait de ne pas mourir, écoutait des dernières paroles.
Car si Claude allait bientôt succomber à ses blessures, ses dernières pensées s’étaient tournées vers sa famille, qui devait sûrement l’attendre.
L’après-midi s’était passée dans une ambiance étrange que personne n’aurait pu expliquer. Les deux enfants Fosten avaient semblé déconnectés de la réalité durant toute la journée, le regard vague, la voix monotone. Dans un élan de lucidité, Céleste avait réussi à expliquer qu’elle souffrait d’un violent mal de crâne, soutenue par sa mère qui racontait que cela était de famille.
Elle ne savait pas ce qui arrivait à ses enfants mais préférait les « protéger » et justifier leur état par un mal passager. Cassandre, lui, s’était vite repris en voyant l’air inquiet de sa fiancée, désireux de ne pas la heurter. Il l’aimait réellement, tenait à elle bien plus qu’à n’importe qui si ce n’est sa sœur et ne voulait pas la miner pour si peu. Il se sentait simplement mal mais allait se ressaisir. Et puis, il la rencontrait pour la première fois, il ne pouvait pas lui offrir une telle impression, il devait rester droit.
Une tasse de thé entre ses mains, Céleste écoutait vaguement ce qu’il se passait autour. La famille Garett, ou en tout cas surtout le père, parlait avec force, présentait son unique fille comme le plus beau bijou existant sur terre. La jeune femme se tenait droite entre ses parents, fière d’entendre que l’on parlait ainsi d’elle. Sourire aux lèvres, elle couvait du regard Cassandre, donnait cet air de retomber amoureuse de lui.
On annonçait cependant que le mariage n’aurait lieu que dans trois ans minimum, les parents de la demoiselle voulait qu’elle atteigne ses vingt ans et ait fini l’éducation qu’ils lui donnaient. Cela semblait contrecarrer les plans de Charles-Henry mais celui-ci accepta, tout en annonçant que l’on fêterait alors deux mariages au lieu d’un seul.
Céleste et Cassandre acceptèrent eux aussi, comprenant qu’ils avaient encore un peu de délai pour que la noiraude se trouve un petit peu de courage et prenne une réelle décision.
Le temps passa lentement, entre discussions et silence entre les femmes mais tout bascula lorsqu’on toqua à la porte du petit salon, alors que le soleil déclinait. Une servante se présenta quand on l’autorisa à entrer et elle annonça qu’un « soldat du bataillon d’exploration demande à voir Cassandre et Céleste Fosten. ». Un instant, ils avaient tous les deux pensé à Claude mais pourquoi serait-il là ? Et puis, si ça avait été le cas, son nom aurait été prononcé.
Sans attendre son frère, la jeune fille s’était précipitée vers la porte d’entrée, sous l’exclamation courroucée de son père qui ne supportait pas de la voir se comporter ainsi.
Mais elle devait savoir. Elle devait en avoir le cœur net. La morsure sur son ventre demeurait encore et elle avait cette sensation qu’à chaque pas, son corps s’ouvrait en deux. Elle arriva dans l’entrée, entendit les pas de son frère dans son dos et se dirigea rapidement vers la porte. Et il se tenait là, dans l’encadrement de la porte.
Droit, la tête cependant baissée, les bras le long du corps, Levi n’osait pas regarder la noiraude.
Elle resta une seconde devant le soldat, attendant qu’il ne parle mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Elle tendit doucement son bras, comme voulant le secouer, mais Cassandre qui venait d’arriver à ses côtés avait pris les devants.
« Qu’est-ce que tu fais là ? Où est Claude ? »
L’aîné avait parlé mais tout le monde savait ce qui lui était arrivé. Les poings du soldat se serrèrent et il articula ses phrases, la voix erratique, le souffle lent.
« Claude Fosten est mort, tué par un titan déviant alors qu’il sauvait un de ses camarades d’escouade. Ses derniers souhaits étaient que je vous annonce sa perte, il ne voulait pas que vous l’appreniez à travers une lettre. Il m’a aussi demandé de vous donner ceci. »
Il sortit de sa poche une sorte de petite pièce en métal que Céleste reconnut aussitôt. Il s’agissait du sceau de l’héritier de la famille, qu’il avait offert à son frère pour son anniversaire en tant que porte bonheur. Cassandre s’en saisit du bout des doigts, fixant silencieusement la figure de cerf, symbole de leur famille.
« Merci d’être venu nous l’annoncer et d’avoir honoré ses dernières paroles, Levi. »
Et il partit, sans se retourner ou attendre sa sœur. En un instant, ses doutes furent confirmés et elle se maudit de l’avoir compris dès le départ. Et malgré le hurlement qui avait lieu dans sa poitrine, ses larmes ne daignèrent pas monter à ses yeux. Pire, elle n’arrivait pas à prononcer un seul mot, à faire sortir ce qui criait en elle. L’homme en face d’elle tenta un mouvement, sûrement voulait-il poser sa main sur son épaule, comme elle avait voulu le faire plus tôt, mais elle recula discrètement. Elle n’avait pas envie qu’on la touche, encore moins qu’on essaye de se montrer compatissant avec elle. Il le savait mieux que personne.
« Rentre chez toi, Levi. La journée a dû être épuisante, tu mérites de te reposer.
— Si tu as besoin…
— Ne t’en fais pas, je suis une grande fille, je peux me débrouiller. »
Elle l’avait dit machinalement, sans vraiment le regarder droit dans les yeux ou quoi que ce soit. Il hocha finalement sa tête de haut en bas et se tourna, prêt à partir.
« Ne faites rien d’idiot, pendant que je ne suis pas là. J’ai promis à Claude de vous voir de temps en temps et je compte bien tenir ma promesse. »
Elle hocha doucement sa tête et regarda Levi repartir.
Lorsqu’elle retourna dans le petit salon, tout le monde présent avait eu le temps d’apprendre ce qu’il s’était passé. Son père avait bien évidemment réagi comme s’il s’agissait là d’une bonne nouvelle, affirmant presque que c’était très bien qu’il ne soit plus en vie. Personne n’avait su quoi dire, plongé dans un silence gêné. Sa mère, cependant, avait fondu en larmes, sous le regard courroucé de son mari.
« Frieda, un peu de tenue.
— Désolée. »
La situation avait fait que la rencontre fut écourtée. Dans un geste « compatissant », Charles-Henry laissa ses enfants manger dans leur chambre. Certes, il estimait que la disparition de Claude était bénéfique, mais il savait que ses deux enfants tenaient encore à leur frère et il n’avait pas envie de les entendre ou voir pleurer sa mort à table.
Céleste et Cassandre se retrouvèrent alors sur le lit de l’aîné, dans un silence de plomb. Que fallait-il faire, maintenant ? La noiraude ne voulait pas se voiler la face, rien n’allait bien aller, désormais.
Elle n’avait toujours pas pleurer mais cela ne saurait tarder et…
« Il faut que tu partes, Cæl.
— Quoi ?
— Tu m’as entendu. »
Cassandre ne pouvait plus se résoudre à laisser sa sœur vivre la vie qu’on lui offrait. Il avait perdu son frère parce qu’il refusait de se faire embarquer dans un tel destin, il refusait que Céleste voie son esprit mourir un petit peu plus.
Peut-être qu’elle allait périr, tout comme Claude, peut-être que la faire partir était la pire des idées, mais il préférait la savoir morte en essayant de vivre dignement plutôt que la voir dépérir à vue d’œil, oublier qui elle était dans son cœur.
Et ça, la demoiselle le comprenait parfaitement. Doucement, elle attrapa les mains de son frère, le regarda droit dans les yeux alors que des larmes commençaient à couler le long de ses joues.
« Je refuse de partir sans toi, Cassandre. S’il te plaît, ne me force pas à te quitter, j’ai besoin de toi. Tu entends ? J’ai déjà perdu Claude, je ne peux pas te perdre toi aussi. Je n’y survivrai pas, il faut que je reste à tes côtés.
— Tu sais ce que ça signifie.
— Et alors ? Je ne peux pas me résoudre à te laisser derrière moi, je ne peux pas. J’ai besoin de toi ! »
Sa dernière phrase résonna dans la chambre, alors qu’elle se mettait à pleurer de plus belle. Malgré les assiettes près d’eux, la noiraude était tombée dans les bras de Cassandre, faisant exploser les larmes contre lesquelles elle avait bataillé toute la journée.
« J’ai besoin de toi. »
je l'avoue, j'ai lâché ma larme en lisant ce chapitre (et en l'écrivant) et j'ai des témoins pour le confirmer (je parle de toi) ;en vrai, qui ça étonne que claude soit crevax un max ? QUI ?? faîtes pas genre, on savait tous que claude allait sauter ;
je suis un monstre ;
en vrai, ça me brise un peu le cœur de voir céleste et cassandre comme ça, ils méritent pas ce qui leur arrive ;
mais maintenant, il va falloir faire un choix ;
n'est-ce pas, céleste ?
(faites genre on sait pas ce qu'il va se passer)
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DANSE À TROIS TEMPS ET MOTS EFFACÉS | levi x oc - T1 & T2
Fanfictionㅤ✧ attaque des titans ㅤ✧ en cours Céleste n'a jamais voulu de la guerre. Ou tout simplement que sa vie y soit mêlée. Mais à trop vouloir échapper aux choses, on finit toujours par y tomber la tête la première. Alors, quand elle décide de parti...