ㅤ📃 CHAPITRE 19

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Est-ce que Céleste et Cassandre s’étaient reparlés depuis ? Absolument pas. Ce n’était, une nouvelle fois, pas la faute de l’aîné, il avait plusieurs fois essayé de discuter avec sa petite sœur mais il lui arrivait toujours quelque chose, elle était à chaque fois trop occupée et entourée pour qu’il puisse lui adresser la parole.
 
Le seul moment où il se retrouva seul avec elle fut lors de la réception du courrier lorsqu’elle glissa discrètement dans la poche de sa robe deux enveloppes alors qu’il récupérait la lettre de Claude.
 
Becca lui avait écrit mais elle avait très certainement commencé une nouvelle correspondance puisque ce n’était pas du genre de la noiraude de lui écrire deux lettres. Et pour Cassandre, le nom de la personne qui lui avait rédigé quelque chose était évident.
 
Est-ce que cela lui faisait définitivement dire que quelque chose s’était passé entre eux ? Est-ce que c’était la vérité ? Il ne le savait pas. Mais il était sûr que s’il venait en parler à sa sœur, il tomberait face à un mur.
 
Il se tut alors, la laissa vivre sa vie.
 
Il ne pouvait cependant s’empêcher de regarder Céleste et Levi s’éclipser et s’installer sur leurs escaliers pour lire au-dessus de lui et Claude, se demandant encore et encore ce qu’ils pouvaient se raconter dans leurs échanges.
 
En réalité, ce n’était pas grand-chose. Le soldat avait commencé la discussion en demandant à la noiraude si elle n’avait pas été trop disputée par rapport à leur retour tardif et si elle n’avait pas trop mal au cou. Elle lui avait répondu rapidement en lui expliquant que tout s’était bien passé, qu’elle ne se rappelait même pas s’être endormie. Et, dès lors, ils avaient continué de s’échanger des lettres, plutôt des petits mots, se racontaient ce qui leur passait par l’esprit.
 
Maintenant, ce n’était plus Connor qui faisait sourire Céleste lorsqu’elle lisait un échange de banalités mais bien Levi et ses rapides discussions.
 
Puisqu’ils ne se parlaient pas vraiment lorsqu’ils se voyaient, elle appréciait d’autant plus ses lettres, les gardait cachées à l’écart des autres écrits qu’on pouvait lui envoyer.
 
L’hiver commençant à arriver, tout le monde restait à l’intérieur de la résidence, vaquait à ses occupations. C’est ainsi qu’un jour, Cassandre et Claude firent un feu dans la cheminée après l’avoir nettoyée, tandis que Céleste avait apporté des couvertures. Ça n’avait pas été facile de les faire venir sans se faire remarquer mais elle y était arrivée et avait décidé de les laisser sur place, pour que tout le monde ait à chaque fois quelque chose pour rester au chaud.
 
La noiraude l’avait bien évidemment surtout fait pour qu’elle et Levi soient couverts lors de leurs séances de lecture, ce qui n’échappa pas au regard de l’héritier. Plus le temps passait et plus il voyait les deux se rapprocher imperceptiblement. Et ce qu’il remarquait, il essayait d’en parler à Claude, en vain.
 
« Je ne vois pas le problème dans le fait qu’ils s’entendent, c’est très bien si tu veux mon avis.
— Je ne sais pas… Et si Céleste finissait par tomber amoureuse de lui ?
— Et alors ? C’est son problème, c’est une grande fille. Arrête de vouloir te mêler de la vie de cette gosse, tu y as suffisamment mis ton grain de sel, tu ne penses pas ? »
 
Le soldat avait raison. Cassandre avait cependant du mal à le lui accorder. Et si sa sœur souffrait un peu trop ? Il se sentirait trop coupable de l’avoir laissée alors qu’il aurait pu faire quelque chose… Non ! Il devait garder ses distances, comprendre qu’il ne pouvait pas influencer tous les événements de la vie de la demoiselle. Elle allait bientôt être une adulte, il fallait qu’elle fasse ses propres choix sans qu’il n’ait son mot à dire.
 
« La seule chose que tu puisses faire, c’est essayer de régler sa situation. Qu’elle puisse enfin arrêter de subir ce que père lui impose.
— Elle a accepté les fiançailles en connaissance de cause.
— Pas à moi, Sandre. On sait tous les deux qu’elle n’a pas eu le choix. Et même si elle ne te le dira plus, elle te tient encore responsable de tout cela. À moi aussi, elle m’en veut, je le sais.
— Tu penses ?
— Si ce n’était pas le cas, elle aurait ouvert mon cadeau d’anniversaire.
— Et comment tu sais qu’elle ne l’a pas fait ?
— Je le sais. »
 
La simple déclaration de Claude mit la puce à l’oreille du noiraud. Il devait lui avoir offert quelque chose qui ne pouvait rester sans réponse, peut-être un message ou quoi que ce soit. Devait-il en faire part à sa sœur ? Essayer de le lui dire ? Il ne savait pas. Peut-être qu’elle ne voulait même plus entendre parler du soldat, ne venait uniquement que pour voir Levi…
 
« Arrête de te casser la tête, notre sœur a son caractère mais je sais qu’elle finira par s’apaiser. Au pire, la prochaine fois, je lui parlerai directement !
— Tu sais qu’on ne va pas pouvoir se voir cet hiver, au moins ?
— Eh bien je viendrai lui parler au printemps ! Comme ça, elle aura eu tout le temps de remettre en question sa vilaine fierté, que vous avez en commun, et elle me parlera enfin !
— Peut-être même qu’elle te reparlera avant qu’elle ne le fasse avec moi. »
 
Cassandre espérait tout de même que les choses s’arrangent ses deux cadets. Certes, Céleste n’était pas aussi proche de Claude qu’il ne l’était lui mais il souhaitait les voir bien s’entendre, s’apprécier encore à nouveau. Était-ce trop demandé ? Il n’en savait rien.
 
Mais le moment de la séparation hivernale approchait à grands pas et l’héritier avait l’impression que rien ne rapprocherait les deux Fosten. Pourtant, sur le moment du départ, alors qu’il fallait rentrer au plus vite, Céleste se planta devant son frère.
 
« Je t’aime, d’accord ? Alors reste en vie, je veux te revoir au printemps… Cassandre va se marier, bientôt, il faut que tu sois là, je te ferai rentrer en douce.
— Que me vaut cet élan affectif.
— Une petite voix m’a chuchoté que je devais te rappeler que, malgré tout, j’avais encore beaucoup d’affection pour toi. Je suis peut-être encore un peu fâchée mais je tiens quand même à toi et je suis heureuse de savoir que tu vas bien. Cela vaut aussi pour toi, Sandre. »
 
À cet instant précis, Cassandre accepta l’amitié de sa sœur. Pour une raison qu’il ignorait, le soldat qui se tenait bien à l’écart des Fosten avait réussi à faire réfléchir la tête de mule qu’était Céleste, à lui faire dire qu’elle avait le droit de les pardonner.
 
Claude l’avait tout autant compris parce qu’en quelques secondes, il s’était retourné vers son ami pour lui faire un grand sourire avant de prendre sa sœur dans ses bras et de la serrer contre lui. Il embrassa plusieurs fois ses joues, lui déclara qu’il reviendrait la prochaine fois avec le sourire et elle lui annonça qu’il avait intérêt.
 
Sur le retour, à cheval, la noiraude semblait hésiter à adresser la parole à son frère. Il se lança alors.
 
« Écoute, je suis vraiment désolé pour ce que j’ai fait. Je sais que je suis impardonnable, que j’ai agi de la pire des manières et que, à cause de moi, tu es dans une terrible situation. Tu as le droit de ne pas m’excuser mais, s’il te plait… Parle moi.
— Tu sais, c’était inévitable que je sois fiancée à Connor. Le fait que tu aies pris les devants face à père, même si ça s’est retourné contre toi, t’a au moins permis de retrouver sa confiance. Et tu auras besoin, je pense. Bien plus que moi, en tout cas. Je suis toujours fâchée, je l’avoue, je ne m’en cache pas. Mais je commence tout de même à comprendre ce que tu as fait. Par contre, je dois te l’avouer, je n’ai pas la force de me battre. Si demain tu viens me dire que la seule manière de renverser la balance est que je montre les dents, je ne le ferai pas. J’ai encore trop peur des conséquences…
— D’accord. Je ferai tout pour t’alléger alors. Mais il faut que tu saches que si tu souhaites t’en aller, un jour, disparaître pour éviter tout ça, je t’y aiderai.
— Je ne pense pas que ça va arriver, je n’ai pas envie de te laisser, tu le sais parfaitement. Tu es mon grand frère, Cassandre, et je te l’ai promis dès le départ. On se serre les coudes et on reste ensemble. »
 
Céleste savait que s’en aller pouvait être une solution, elle avait déjà une porte de sortie vers l’armée. Mais en avait-elle vraiment envie ? Pas vraiment. La noiraude craignait la mort, ne voulait pas assumer de trop grandes décisions. Elle était toujours une petite fille craintive qui voulait qu’on lui prenne la main et la guide vers des solutions simples. Et même si elle avançait vers une chemin malheureux, elle avait décidé de ne pas le regretter parce qu’elle préférait cela à un destin incertain où elle devait faire tous ses choix en connaissance de cause.
 
Cassandre en avait-il conscience ? Très certainement. Et il acceptait ce choix, même s’il lui brisait le cœur. Une seconde, il se demanda s’il valait mieux dire à Céleste ce que Frieda lui avait expliqué…
 
« Cæl, il faut que tu saches quelque chose…
— Non. Je ne veux pas savoir. Surtout si ça a voir avec le futur. Je sais déjà ce qui se chuchote dans les couloirs, les servantes ne sont pas discrètes lorsqu’il s’agit des commérages à propos des nobles. J’ai conscience de ce qu’on raconte sur Connor, sur sa famille. Je le sais.
— Et qu’est-ce que tu comptes faire ? »
 
La noiraude ne répondit pas, regarda seulement son frère. Il ne sut lire ce qu’elle criait dans sa tête, ne vit qu’une flamme faiblarde qui pulsait de temps en temps. Réfléchissait-elle encore à ce qu’elle allait faire ? Se demandait-elle encore et encore ce qui était la meilleure décision ?
 
Cassandre n’osait pas le lui demander une nouvelle fois, il avait peur de connaître la réponse. Et il espérait qu’un miracle ait lieu pour empêcher tout ce qui allait arriver, que quelque chose se passerait pour que Céleste se décide définitivement à agir, que quelque chose se craque et qu’elle montre à tout le monde qui elle était vraiment.
 
Peut-être qu’au final, même si elle disait sans cesse qu’elle préférait éternellement vivre l’avenir qui lui avait été tracé, elle s’était convaincue qu’il valait mieux fuir sans laisser de traces, comme Claude.
 
Peut-être que c’était pour cela qu’elle avait décidé de parler à nouveau à ses deux frères…

 Peut-être que c’était pour cela qu’elle avait décidé de parler à nouveau à ses deux frères…

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je crois que ce chapitre fait parti de mes préférés ;

après tout, on a la réconciliation, ENFIN !!, et les choses se déroulent, ENFIN, correctement ;

bon, on remercie levi qui a mis son grain de sel mais sans lui, notre tête de mule nationale serait encore en train de bouder donc bon ;

en tout cas, ça fait chaud au cœur d'enfin voir un moment sans dispute entre ceux-là, ils méritent d'être en paix

DANSE À TROIS TEMPS ET MOTS EFFACÉS | levi x oc - T1 & T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant