ㅤ📃 CHAPITRE 5

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L'automne avait continué sur la maladie de Céleste. Mais les premiers flocons arrivés, le rhume s'en était allé. Visiblement, la noiraude ne craignait pas la neige, seulement le vent. Sa seule autre faiblesse demeurait en ses cours, qui l'ennuyaient de plus en plus, il fallait le dire.

« Mademoiselle, concentrez-vous je prie. »

Occupée à regarder les flocons de neige tomber, elle avait totalement oublié la leçon qu'elle était sensée suivre. Le rappel à l'ordre, qui devenait de plus en plus fréquent, la fit alors sursauter et, après s'être excusée auprès de son professeur, elle se replongea dans ses écrits. Malheureusement, elle ne semblait pas vraiment intéressée par ce qu'il se trouvait sous ses yeux. Peut-être parce qu'elle connaissait déjà l'histoire des Murs, qu'elle s'ennuyait depuis bien trop longtemps.

Voyant qu'elle n'était plus du tout concentrée par ce qu'il racontait, le précepteur de la jeune fille soupira et claqua dans ses mains.

« Mademoiselle ! Je le vois bien, ce que je vous raconte ne vous intéresse pas du tout.
- Je suis vraiment navrée.
- Que diriez-vous de faire du piano, à la place ?
- Nous avons le droit ?
- Venez avec moi. »

Céleste ne se fit pas prier. Elle avait visiblement enfin la possibilité de faire autre chose de sa matinée ! Et puis faire de la musique était ce qu'elle préférait.

La salle de musique ne se trouvait pas trop loin de sa classe, il fallait simplement traverser le couloir, tourner à droite et ouvrir la première porte. Et cet endroit était le préféré de Céleste pour une bonne raison ; c'était l'un des rares lieux de cette demeure presque entièrement couvert de fenêtres, donnant une vue totale sur le jardin recouvert de neige. Alors on avait à chaque fois l'impression d'être dehors, tout en restant au chaud, derrière des murs vitrés. Le seul inconvénient de cette pièce était le fait que Céleste n'avait pas le droit d'y aller sans son professeur.

Cette règle remontait au jour où elle avait fait un véritable orchestre tard dans la nuit, pour « emmerder son monde » comme l'avait si bien dit son père.

« Installez-vous, mademoiselle.
- Qu'est-ce que je dois jouer ? »

Le professeur posa sur le porte-partitions la dernière musique qu'apprenait Céleste, tout en pointant une partie. La noiraude souffla ; c'était l'endroit où elle avait le plus de mal à jouer et il la poussait à se lancer directement dessus ? Ce n'était pas très sympa.

Elle regarda les notes, plaça ses doigts, commença à jouer. La première fausse note sonna rapidement, sous la mine crispée du professeur. Comme à son habitude, il la laissa jouer, nota là où elle faisait des erreurs, attendit qu'elle ait fini son morceau pour la corriger. Et comme à son habitude, il finit par aider la noiraude à mieux se coordonner, tapait sur le haut de sa main lorsqu'elle s'obstinait à ne pas écouter ses indications.

Mais comme à chaque fois, la demoiselle finissait par s'en sortir. Il fallait se démener pour lui faire entendre raison, qu'elle accepte de suivre les directives, mais dès qu'elle le faisait, tout allait étrangement mieux.

« Vous voyez, quand vous voulez ! Allez, je vous laisse tout reprendre depuis le départ, maintenant. Au cas où vous ayez oublié le début.
- Ce serait triste, vous ne pensez pas ?
- Avec vous, je ne m'attends plus à rien. »

Le précepteur savait pourtant très bien que Céleste allait parfaitement s'en sortir. Ce n'était pas une enfant idiote, comme on avait plusieurs fois essayé de lui dire, seulement une petite qui avait besoin de se reconcentrer. Et qui avait un fort caractère pour une noble. Peut-être un peu trop ? Pour le professeur, ce n'était pas si grave, mais il savait que sa jeune élève devait vite apprendre à tenir sa langue et à obéir plus docilement, si elle ne voulait pas avoir de problèmes dans le futur.

Une heure passa et quand il fut l'heure de se quitter, la noiraude fit une moue boudeuse. Elle voulait continuer à jouer ! Mais elle savait que son précepteur devait rentrer chez-lui et elle n'avait pas le droit d'être ici toute seule. Alors il fallait s'en aller, et cela ne lui plaisait pas.

« Ne me regardez pas comme ça, mademoiselle, vous savez que ça ne me fait pas plaisir. Je ne peux cependant pas désobéir à votre père !
- Il est en ville aujourd'hui ! S'il vous plaît, il n'en saura rien !
- C'est hors de question, je ne veux pas que vous soyez punie et je n'ai pas envie de trahir la confiance que monsieur a placé en moi.
- Même pas dix minutes ?
- Dehors. »

Insister ne servait à rien, Céleste le comprenait très bien. Dans un soupir théâtrale, l'adolescente sortit de la salle de musique en traînant des pieds, tout en maugréant que ce n'était pas juste et qu'elle méritait au moins de jouer encore un peu plus. Mais elle courba tout de même l'échine et erra sans but dans les couloirs de la demeure Fosten. Maintenant que son professeur était parti, elle n'avait rien à faire et elle s'ennuyait déjà !

« Dis donc, jeune fille, tu t'es perdue ? »

La noiraude sursauta en entendant la voix dans son dos. Elle ne s'attendait pas à ce que Cassandre surgisse ainsi derrière elle ! Le garçon rigola en voyant sa petite-sœur râler et l'attrapa par le bras.

« Je t'ai entendue, tout à l'heure.
- Comment ça ?
- Tu veux jouer du piano ? Alors tu vas jouer du piano. Viens avec moi.
- Mais ! Je n'ai pas le droit d'y aller toute seule !
- Tu es avec moi ! Comme ça on se fera disputer tous les deux et ton professeur n'aura rien !
- C'est complètement idiot... »

Alors pourquoi suivait-elle son frère dans le couloir, si l'idée qu'il avait était si stupide que ça ? Peut-être parce qu'elle était heureuse de passer du temps avec lui, même si c'était une énième bêtise.

La salle de musique était fermée à clé lorsqu'elle n'était pas utilisée mais pour une raison que Céleste ignorait, Cassandre possédait un double qu'il sortit de sa poche de veste. En silence, ils entrèrent dans la pièce et fermèrent derrière eux, comme dans une tentative de se cacher.

« Tu n'es pas censé être en train d'étudier ?
- Une pause n'a jamais fait de mal à personne, si je ne m'abuse. À moins que tu préfères que je te laisse ?
- Pitié non. »

Cassandre se mit à rire, tout en partant chercher ce que sa sœur croyait être une chaise. Cette dernière était déjà retournée à son siège de piano, prête à en découdre avec les touches. Mais le bruit d'un objet familier attira son attention et elle sourit en voyant son frère sortir son violon de son étui.

« Allons, tu ne croyais pas que je faisais uniquement ça pour t'entendre jouer faux.
- Fourbe ! »

Un immense sourire s'était tout de même étiré sur les lèvres de Céleste, qui repassait en mémoire toutes les musiques qu'elle avait pu faire avec son frère. S'ils voulaient jouer ensemble, il fallait bien qu'elle trouve quelque chose.

« Tu te rappelles la fois où on a joué pour l'anniversaire de Claude ?
- Oui, pourquoi ?
- Alors partons sur ça. »

La demoiselle fut étonnée ; elle ne pensait pas que son frère voudrait faire quelque chose en rapport avec leur adelphe. Un instant, elle hésita sur les touches, attendant à ce qu'il change d'avis, mais en voyant son air sérieux, elle se lança.

Claude n'avait jamais appris à jouer d'un instrument, il était plutôt un garçon qui apprenait l'escrime. C'était aussi le cas de Cassandre mais il était tombé amoureux du violon, voulait surtout jouer avec sa cadette qui devait apprendre le piano depuis qu'elle était toute petite. Alors, avant, ils jouaient tous les deux, apprenaient des chansons ensemble, s'amusaient dans cette salle. Mais c'était avant qu'il s'en aille, avant qu'elle ne réveille toute la maison en appuyant sur son clavier sans réfléchir à ce qu'elle faisait.

Parfois, elle le regrettait.

Mais cette action lui avait permis, aujourd'hui, de retrouver son frère en cachette, de jouer avec lui sans que personne ne le sache. Ce n'était pas un moment inscrit dans leur emploi du temps, imposé par leur père dans leur journée. Et à cet instant, Céleste eu l'impression de respirer réellement.

Ils jouèrent ensemble un moment, s'arrêtèrent uniquement quand il fit trop sombre dans la pièce. Il n'était pas tard, non, mais une tempête s'était levée dehors, empêchait la lumière d'entrer dans la pièce. Ce fut le signal pour le frère et la sœur et ils décidèrent de s'en aller. Cassandre rangea d'abord son violon puis rejoignit sa sœur à la porte.

Fort heureusement, personne ne vint les cueillir ou les disputer. Céleste préféra cependant retourner dans sa chambre pour travailler un petit peu et Cassandre décida de l'accompagner.

« Tu sais, je lui écris.
- Quoi ?
- Mais Claude ne me répond jamais. »

La noiraude s'arrêta aussitôt de marcher dans le couloir et elle fixa son aîné qui lui offrait un sourire pincé.

« Désolé, j'aurai dû te le dire plus tôt.
- Et pourquoi maintenant ?
- Au moins je ne l'oublie pas ?
- Sandre, écoute... Je sais que tu veux bien faire, que malgré tout tu espères qu'il va revenir à la maison, qu'on reste tous les trois pour toujours mais c'est fini. Je suis même sûre qu'il ne nous considère même plus, qu'on n'existe plus.
- Cæl !
- Quoi ?! Comme si tu ne le pensais pas, toi aussi ! Sois sérieux deux secondes, il nous a ABANDONNÉS ! Moi aussi je voulais entrer au Bataillon ! Moi aussi je voulais découvrir le monde, donner un autre sens à ma vie que celui d'une petite femme au foyer, me faire passer pour une héroïne ! Mais merde, j'avais pas le droit de vous laisser derrière moi ! Tu crois que ça me fait plaisir d'être bloquée ici ?! Non ! Mais au moins, moi, je ne suis pas partie. Alors qu'il ne réponde pas, ce crétin ! Ce sera tant pis pour lui ! »

Enfin la noiraude craquait devant son frère. Cassandre semblait étonné de voir sa sœur lui crier dessus, les larmes aux yeux. Il tendit sa main vers elle, peut-être pour la consoler, mais elle le repoussa.

« Ce n'est pas contre toi, Sandre, mais s'il te plaît, laisse-moi tranquille.
- Cæl...
- Je suis désolée. »

Il tourna sa tête sur le côté, sembla murmurer un « je sais » imperceptible. Finalement, elle soupira, prit son frère dans ses bras.

« Céleste. Tu n'es pas obligée de rester ici.
- Je ne veux pas te laisser tout seul.
- Crois moi, un jour tu préféreras affronter une horde de titans plutôt que vivre la vie qu'on te prépare. »

Il marqua une pause, tout en frottant le dos de sa cadette qui semblait sangloter devant lui.

« Rappelle-toi, petite-sœur, on n'est pas n'importe qui. Quoi que tu fasses, je serai toujours avec toi. Si un jour tu veux t'enfuir, je t'y aiderai.
- Non !
- Ce n'est pas ton rôle de me protéger, Céleste. C'est le mien. Fais ce que tu crois être juste mais n'oublie jamais ce que tu veux réellement. Et quand le moment de ta disparition viendra, je serai là pour brouiller toutes les pistes possibles. »

j'ai une tendresse toute particulière pour ce chapitre, j'espère que vous l'avez autant apprécié que moi !

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j'ai une tendresse toute particulière pour ce chapitre, j'espère que vous l'avez autant apprécié que moi !

la relation entre céleste et cassandre est l'une des plus complexes que j'ai pu créer et vous ne savez pas encore tout :D

je ne m'étale pas trop, je n'ai pas grand chose à dire ahaha

bref, je vous dis à dimanche !

DANSE À TROIS TEMPS ET MOTS EFFACÉS | levi x oc - T1 & T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant